Maçons italiens
Il allait voir Forzanengo. Âprement, il discutait du prix du sable et apprenait à se lever, à claquer la porte pour que Forzanengo lui crie :
- Ça va, tête de mule, viens ici.
Ils se serraient la main pour un nouveau contrat. La tuilerie commençait à peine à produire et déjà il fallait l’agrandir. Au nord, au-delà de la place Béatrix, en direction de la colline de Gairaut, les terrains maraîchers commençaient à être lotis. Les tramways électriques favorisaient l’extension de la ville, de nouveaux immigrants arrivaient, peuplant le Vallon Obscur, celui de la Madeleine ou de la Mantega, toutes ces percées sombres que les torrents avaient creusées dans les alluvions caillouteuses de la région niçoise. Du côté de l’est, les maisons basses qui ressemblaient aux fermes du Piémont avec leurs cours intérieures, leurs porches, les balcons, étaient remplacées, entourées par des immeubles de quatre ou cinq étages de ciment gris où s’installaient les derniers arrivés, ceux qui venaient par la route de Turin, par le chemin de fer, Italiens de provinces plus lointaines que le Piémont, la Romagne ou les Abruzzes. Ils étaient montés du sud vers le nord de la péninsule, les yeux creusés par la sous-alimentation, mais la Lombardie était pleine déjà, les carabiniers et l’armée dans les rues de Milan en 1898, avaient tiré sur la foule qui brandissait sa faim comme un étendard rouge et noir. On avait fait donner le canon et les cuirassiers, la crinière de leur casque soulevée par le vent de la charge, avaient sabré la racaille grise qui glissait sur les pavés en s’enfuyant. Il leur fallait partir. Les ponts des voiliers à Gênes ou à Naples se couvraient d’une foule humble et nostalgique, d’où parfois s’élevait un chant. Les femmes étaient tassées sous leur châle noir, les hommes accrochés aux cordages saluaient cette terre italienne douce et cruelle, les maisons ocre et les chants plantés d’oliviers. Des millions d’immigrants partaient pour l’Amérique.
Ceux qui arrivaient à Nice, qui découvraient cette ville, ce pays, si proches des leurs, baissaient la tête sous les injures pour rester là, acceptaient souvent de travailler pour quelques sous, et Carlo Revelli ou Forzanengo les embauchait. Il suffisait de leur donner une pioche, une truelle, pour qu’ils remercient déjà. Le travail, c’était un cadeau ; ils étaient dociles, durs au labeur. Ils craignaient l’expulsion et ne protestaient jamais.
Carlo, quand il les voyait courbés dans les tranchées, ou bien les bras dressés, envoyant à toute volée le plâtre d’un geste de semeur, avait envie de se joindre à eux, et parfois, quand il fallait pousser une charrette trop lourde, soulever un madrier, tirer sur la corde d’un palan, il jetait sa veste sur le sol, il crachait dans ses mains et tous ensemble, la voix rythmant l’effort : « Oh Hissa, Oh oh… » pour quelques minutes, ils devenaient égaux. Mais, putana, la vie, il fallait bien la prendre comme elle était. Les forts, les faibles, ceux qui savaient mordre et ceux qui toute leur vie tendaient la main au patron, chaque soir, ou chaque semaine pour toucher leur paie. Carlo abattait son poing sur la table :
- Pourquoi moi ? Pas eux ? disait-il, qui les en empêche ?
Max GALLO, La Baie des Anges
Terrible.
Et maintenant ils traversent la Méditerranée en canots pourris, ou des murs de barbelés gardés par une armée d’élite amplement armée, le long des usa ou ailleurs.
Les Déshérités, les petites mains, les petits pieds nus, les sans le sous, la faim au fond des yeux, les enfants misérables et squelettiques, ceux des îles qui se noient dans les oceans et qui n ont plus rien, plus de sol sous leurs pieds. Ceux bien tranquilles chez eux que d’autres pilonnent au mortier ou autre, je date je crois en matière d’armement!
Et peu font un geste de bienvenue……
Mais ceux qui le font sont des Humains.
Il y en a sûrement dans tous les pays, des gens aux gestes de bienvenue. Quel bien fou cela fait.
J’en avais vu lors d’un reportage le long de la frontière italienne ou à Lille, des aidants qui se font poursuivre par les autorités!
Il existe a la frontière Canado-américaine un sentier des pauvres, par forêt, fossés , et Ruisseaux. Ou par neige verglas et fondrières…..c’est un lieu dit , proche de la halte frontière officielle De Lacolle.
Quand par leurs propres moyens, sans aide, c’est très important pour la suite, car alors ils sont considérés comme réfugiés, ils arrivent jusqu’à notre ligne fictive, les gendarmes de la gendarmerie royale les attendent avec des bonnets, gants, thé, cafe et biscuits, soupes et bouteilles d’eau, dependant de la météo.
Je me rappelle avoir vu un topo sur le sujet il y a 2-3 ans, ou ces mêmes gendarmes et des gens autour, les encourageaient de la voix!
Ils étaient rapatries a Montreal dans des gymnases, des salles ne servant plus mais propres.
Soins médicaux et psychologues.
Bien du monde est allé donner un coup de main.
Et cela d’un bout a l’autre du pays.
Ces frontières des pauvres sont malheureusement fermées pour cause de pandémie.
Plus personne ne peut atteindre ces frontières puisque les usa se sont refermées, implosion de virus et de politique. Ce pays colapse sur lui-même.
Mais un c19 pour celle qui fuit bombes et viols, fusils et déportations se fiche bien du c19, ses enfants a la main et le 3 eme sur son dos, un maigre baluchon et les yeux baissés pour ne pas attirer l’attention.
La misère du monde, la vraie, m’a toujours bouleversée.
Que faire de cette vastitude de monde malheureuse?
Et ça augmente.
Je ne parle pas des nantis qui pleurent après leurs vacances, ou leur retraite précoce et a leur sacro saint 35 heures.
Ceux la sont des pourris nantis. Oh yes!
Je viens de me faire plein d’amis, ha ha ha.
Même pas peur.
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Nous serons deux renégates, je n’en peux plus de les entendre geindre, se plaindre, n’être d’accord avec rien et clamer qu’ils vivent dans une dictature… Ont-ils la moindre idée de ce que c’est, une dictature ? Moi, j’en ai vu un tout tout petit bout en Espagne en 1971, dans la simple vie quotidienne des gens normaux… Et oui, les chemins de l’exil sont malheureusement vieux comme l’histoire de l’Homme…
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