Hier, je vous ai présenté l’extrait d’un livre nous dévoilant l’horreur de la guerre civile espagnole de 1936. Nous connaissons bien ce terrible conflit grâce aux témoignages de grands écrivains ayant fait partie des Brigades internationales (Malraux, Hemingway, George Orwell…) mais également grâce aux premiers photographes de guerre. Parmi eux : une femme qui prit tous les risques et en mourut.
Je vous repropose un article que j’avais écrit il y a quelque temps à ce sujet. Bonne lecture et (re)découverte !
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Être inhumée au cimetière du Père-Lachaise exactement le jour de ses 27 ans en présence d’une foule de plusieurs milliers de personnes dont Aragon et Pablo Neruda, voilà le point final de la vie de Gerta Pohorylle.
Nous sommes le 1er août 1937 et tous rendent hommage à la première femme photographe de guerre. Martyre de l’antifascisme, cette « pequeña rubia » couvrait la Guerre Civile espagnole aux côtés des Républicains.
Née à Stuttgart, elle avait déménagé avec sa famille à Leipzig où elle avait déjà tâté de la prison à cause de ses idées révolutionnaires et de distribution de tracts anti nazis. Juive d’origine polonaise, elle finit par fuir l’Allemagne. Elle ne reverra jamais sa famille. La voilà réfugiée à Paris en 1933 avec, pour survivre, un emploi de dactylo à mi-temps. Elle y fréquente également les cercles intellectuels et les militants socialistes allemands en exil. Elle finit par décrocher un poste d’assistante à l’agence Alliance-Photo.
En septembre 1934, elle est installée à la terrasse du Dôme et un jeune homme l’aborde. Il se nomme Endre Ernö Friedmann, est Hongrois et reporter-photographe. Il arrive tout juste de Berlin. Il parle très mal français et n’a pas de travail. Ils tombent immédiatement amoureux et entament une relation passionnée.
Elle contribue financièrement à son départ pour l’Espagne en proie à la guerre civile et à son retour, l’aide à développer ses négatifs, à les légender et à en assurer la vente. Elle est trilingue et possède une solide formation commerciale mais cela ne suffit pas, ces photos n’attirent pas une véritable clientèle. C’est alors qu’elle a une idée de génie : les clichés de l’obscur juif hongrois Endre Ernö Friedmann vont devenir ceux de Robert Capa, flamboyant et mystérieux reporter américain fraîchement débarqué en Europe. L’effet est immédiat, le succès au rendez-vous. Quant à elle, ayant obtenu une carte de presse et s’étant familiarisée avec la technique photographique, elle se métamorphose en Gerda Taro.
Deux nouveaux noms et une nouvelle vie : à l’été 1936, ils partent ensemble pour l’Espagne. Ils soutiennent la cause républicaine et suivent les Brigades Internationales formées par des volontaires venus du monde entier. Puis avec leur ami Daniel Seymour dit Chim, ils témoignent de la violence des combats mais également de la vie du peuple.
On peut à cette époque faire la différence entre les clichés de Capa et ceux de Gerda Taro. Au début, lui utilise un Leica au format carré ; elle, un Rolleiflex, au format rectangulaire. Pourtant, ils sont déjà référencés au mieux « Capa et Taro » ou simplement « Capa ». Les choses se compliquent encore un peu plus quand Gerda utilise elle aussi un Leica. C’est d’ailleurs grâce à cet appareil qu’on lui attribue un surnom: « La Fille au Leica » (titre également d’un roman d’Helena Janeczek sur la vie de Gerda).
Le soldat qui tombe ou Mort d’un soldat républicain (la photo la plus célèbre de la Guerre d’Espagne, de Capa) – Capa photographié par Gerda
Gerda photographiée par Capa
Au fil du temps et des reportages, Gerda veut conquérir son propre style de photographies : montrer la mort, la souffrance, la furie du combat sans fioritures. Capa, lui, veut l’épouser mais elle refuse. Elle repart seule en février 1937 alors que Capa reste à Paris pour préparer leur voyage commun en Chine.
Quelques photos définitivement attribuées à Gerda. Elle travailla notamment pour Ce soir (le journal du parti communiste français), Regards et LIFE
« Si tes photos ne sont pas bonnes, c’est que tu n’es pas assez près », lui disait Capa.
Le 25 juillet 1937 alors qu’elle mitraille de son Leica la résistance farouche des Républicains à Brunete sur le marche-pied d’une voiture, un char la heurte et la fauche. Ainsi meurt la première femme reporter de guerre après une carrière de seulement onze mois…
Si sur le moment sa mort provoque une émotion immense, Gerda sombre rapidement dans l’oubli ou plutôt est des milliers de fois citée simplement comme la compagne (et selon les dires de celui-ci le seul véritable amour) de l' »ogre » Capa.
En effet, Capa devient rapidement le meilleur reporter de guerre du monde. Il couvre l’invasion japonaise de la Chine en 1938, la Seconde Guerre mondiale (il est le seul journaliste présent lors du Débarquement du 6 juin 1944), la Guerre d’Indochine où il meurt en 1954, ayant marché sur une mine. En 1947, il fonde avec Henri Cartier-Bresson, George Rodger et Daniel Seymour l’agence MAGNUM.
Toute la famille de Gerda ayant disparu lors de l’Holocauste, il n’y eut personne pour prendre soin de son héritage qui fut en partie englobé dans l’œuvre de Capa sauvegardée par Magnum. Il était donc presqu’impossible pendant longtemps de retrouver précisément les photos de Gerda prises lors des reportages partagés avec Capa.
Il faut attendre 1994 pour qu’Irma Schaber « rétablisse Taro dans son rôle de photographe indépendante majeure, digne d’intérêt au-delà de sa liaison avec Capa ».
Et puis en 2008, surgit l’affaire dite de « la valise mexicaine ». On découvre au Mexique trois boîtes contenant 4500 négatifs, pour l’essentiel des images faites par Capa, Taro et Chim en Espagne entre l’été 1936 et mars 1939. Dans ce trésor, il y a 800 négatifs de Gerda…
Également des photos de Gerda prises par Fred Stein qui nous dévoilent une jolie jeune femme.
« Le mystère de la valise mexicaine »
À la déclaration de guerre, Capa doit quitter en urgence la France pour les États-Unis. Dans son studio parisien, au 37, rue Froidevaux, derrière le cimetière du Montparnasse, il laisse des boîtes contenant son travail et celui de ses amis, soit près de 4 500 négatifs et tirages de la guerre d’Espagne. Son ami Csiki Weisz, un photographe hongrois, lui aussi réfugié à Paris, les emporte à Bordeaux : « En 1939, alors que les Allemands approchaient de Paris, j’ai pris tous les négatifs de Bob et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer sur un bateau à destination du Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de déposer les boîtes de films au consulat pour qu’elles y restent en sûreté. Il a accepté. » Puis, plus de traces des trois fameuses boîtes. Pendant près de soixante-dix ans, on les recherche inlassablement. Jusqu’à ce qu’un cinéaste mexicain les reçoive en héritage et se décide à les remettre en 2007 à l’International Center of Photography. Le trésor : 4500 négatifs dans trois boîtes scrupuleusement compartimentées en 50 cases numérotées et commentées sur l’envers du couvercle. On peut donc lire au crayon les sujets, les noms de lieux et des personnes correspondant à chaque pellicule.
Ainsi Gerda Taro est enfin sortie de l’ombre! Pour mieux la connaître, trois livres…
Les villes de Stuttgart et de Leipzig, notamment, lui ont rendu hommage en donnant son nom à une école et à une place.
Plaisir de relire la courte existence de cette jeune femme pleine de vie . Elle me fait un peu penser à Frida Kahlo : belle brunette , vive , énergique , indépendante , amoureuse et aimant passionnément son art .
Sa mort tragique et prématurée en 1937 met brutalement fin à une carrière hors du commun pour une femme . Gloire et reconnaissance sont enfin rendues à Gerda Taro : une super nana osant braver tous les dangers de la guerre pour assumer sa passion de photographe .
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Nous chercherons sa tombe lorsque nous nous baladerons au Père-Lachaise…
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Bonne idée ma gente dame , et me réjouit de repartir avec toi à Paris et au Louvre évidemment .
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J’ai toujours les billets TGV prévus pour aller voir Netrebko…
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