Paris remodelé
Passé les guichets du Louvre, ce fut le choc. La pyramide était sortie de terre. Si ses panneaux de verre Saint-Gobain étaient encore loin d’être posés, la structure même était déjà là, et les échafaudages d’acier disposés en paliers la faisaient ressembler à celle de Saqqarah. Bernard en retira son chapeau. La modernité était là, devant lui, et cela par la volonté d’un homme, celui dont il avait défendu le nom. Le chantier titanesque du Grand Louvre avait permis la découverte de vestiges remontant au néolithique et depuis les premiers coups de pioche, c’était tout un Paris englouti qu’avaient retrouvé avec passion les archéologues. À qui devait-on tout cela ? À Mitterrand bien sûr, avec ses grands travaux : l’Opéra-Bastille, la pyramide du Louvre, l’Arche de la Défense qu’il vit presque achevée en se retournant. François Mitterrand savait marquer son temps, il savait s’inscrire dans l’Histoire, et dans le présent. Poser une pyramide en verre devant le Louvre, des colonnes à rayures dans le Palais-Royal, une arche au bout de la perspective de l’Arc de triomphe, relevait d’une volonté parfaitement anticonservatrice, iconoclaste. Limite punk.
Les palissades de l’immense chantier étaient recouvertes de graffitis surprenants, exécutés à plusieurs mains à la manière d’une longue fresque ésotérique. Bernard s’approcha d’un des motifs, qui tenait plus de la peinture que du graffiti : un hippopotame rose dans le corps duquel l’artiste avait peint d’autres hippopotames, plus petits et bleus ceux-là. Le gros hippopotame tirait une sorte de langue électrique qui s’achevait en spirale, plus loin une silhouette d’homme à tête d’oiseau tenait un revolver géant sur lequel se perchait un chat jaune aux yeux dilatés. Des oeuvres fortes, inattendues, et pleines de sève. Quelle créativité, quelle imagination ! se dit Bernard et la fresque se poursuivait tout autour de l’ancienne cour Napoléon. Une heure entière n’aurait pas suffi à suivre ce long et hermétique rébus des temps modernes. Il fit quelques pas à reculons pour contempler à nouveau l’immense squelette de la pyramide.
C’est une horreur, n’est-ce pas ? Bernard se retourna vers un homme en manteau de cachemire poil de chameau et barbiche grise. Comme si on avait besoin d’une pyramide devant le Louvre… dit-il avec dédain. – Mais si, on en a besoin, lui répliqua Bernard, contenant tant qu’il le pouvait sa colère. On a besoin d’une pyramide à cet endroit précis, on a besoin des colonnes de Buren. On a besoin de tout ça, vous et les autres vous ne comprenez rien et le reste vous échappe ! -Oh ! si j’ai bien compris, fit l’autre dans un croassement, avec votre chapeau noir et votre écharpe, j’aurais dû m’en douter, vous êtes de l’autre bord, grand bien vous fasse. Et il tourna les talons…
Antoine LAURAIN, Le Chapeau de Mitterrand





L’acceptation de l’art nouveau ou différent à – de tout temps – suscité beaucoup de polémiques. Il faut donner du temps au temps…et en fin de compte (quasi)tous s’y habituent et ne voudraient en aucun cas revenir en arriere…
Qui imaginerait aujourd’hui Paris sans sa Tour Eiffel ?
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C’est une période pendant laquelle je ne suis pas venue à Paris. Je le regrette. J’avais vécu la construction du Centre Pompidou et du forum des Halles. Le trou, on s’y promenait. Plus tard, nous étions également passés sous l’Arche de la Défense, mon homme voulant me satisfaire mais peu enclin à l’admiration… toute une période de la transformation de Paris qui m’a échappée. Comme je le regrette !
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