Au fil des mots (38) : « réputation »

Una bella figura come si dice in italiano!   

   Parmi les jeunes gens qui se posaient en adorateur de Laurence, il y avait un certain Montgenays, qui faisait des vers et de la prose pour son plaisir, mais qui, soit modestie, soit dédain, ne s’avouait point homme de lettres. Il avait de l’esprit, beaucoup d’usage du monde quelque instruction et une sorte de talent. Fils d’un banquier, il avait hérité d’une fortune considérable, et ne songeait point à l’augmenter, mais ne se mettait guère en peine d’en faire un usage plus noble que d’acheter des chevaux, d’avoir des loges aux théâtres, de bons dîners chez lui, de beaux meubles, des tableaux et des dettes. Quoique ce ne fût ni un grand esprit, ni un grand coeur, il faut dire à son excuse qu’il était beaucoup moins frivole et moins ignare que ne le sont pour la plupart les jeunes gens riches de ces temps-ci. C’était un homme sans principes, mais par convenance ennemi du scandale ; passablement corrompu, mais élégant dans ses moeurs, toutes mauvaises qu’elles fussent ; capable de faire le mal par occasion et non par goût ; sceptique par éducation, par habitude et par ton, porté aux vices du monde par manque de bons principes et de bons exemples, plus que par nature et par choix ; du reste, critique intelligent, écrivain pur, causeur agréable, connaisseur et dilettante dans toutes les branches des beaux-arts, protecteur avec grâce, sachant et faisant un peu de tout ; voyant la meilleure compagnie sans ostentation, et fréquentant la mauvaise sans effronterie ; consacrant une grande partie de sa fortune, non à secourir les artistes malheureux, mais à recevoir avec luxe les célébrités. Il était bienvenu partout, et partout il était parfaitement convenable. Il passait pour un grand homme auprès des ignorants, et pour un homme éclairé chez les gens ordinaires. Les personnes d’un esprit élevé estimaient sa conversation par comparaison avec celle des autres riches, et les orgueilleux la toléraient parce qu’il savait les flatter en les raillant. Enfin, ce Montgenays était précisément ce que les gens du monde appellent un homme d’esprit, les artistes, un homme de goût. Pauvre, il eût été confondu dans la foule des intelligences vulgaires ; riche, on devait lui savoir gré de n’être ni un juif, ni un sot, ni un maniaque. 

   Il était de ces gens qu’on rencontre partout, que tout le monde connaît au moins de vue, et qui connaissent chacun par son nom. Il n’était point de société où il ne fût admis, point de théâtre où il n’eût ses entrées dans les coulisses et dans le foyer des acteurs, point d’entreprise où il n’eût quelque influence, point de cercle dont il ne fût un des fondateurs et un des soutiens. Ce n’était pas le dandysme qui lui avait servi de clef pour pénétrer ainsi à travers le monde ; c’était un certain savoir-faire, plein d’égoïsme, exempt de passion, mêlé de vanité et soutenu d’assez d’esprit pour faire paraître son rôle plus généreux, plus intelligent et plus épris de l’art qu’il ne l’était en effet.

George SAND, Pauline

Par Saint-George, elle était olympique avant de Coubertin!

Je vous repropose cet article précédemment publié le 18 juin 2016 car il entre en résonance avec celui publié ce jour par Jean-Marc Onkelinx sur son blog : https://jmomusique.blog/

C’est une bien étrange histoire qui vient d’arriver à Julien Chauvin et ses amis musiciens en voulant donner à leur orchestre le nom de « Concert de la Loge Olympique », en référence à un orchestre portant ce nom en 1781 et issu de la « Société Olympique », une loge maçonnique fondée à Paris.

Au Siècle des Lumières et dans cette période pré-révolutionnaire, le Concert de la Loge Olympique était considéré comme un des meilleurs orchestres d’Europe, avait reçu la protection de Marie-Antoinette et rassembla de nombreux compositeurs fondateurs du Conservatoire de Paris (dont Cherubini). Il commanda notamment à Haydn ses six symphonies de Paris et les créa.

« La première preuve d’un succès avéré se manifeste par la commande du comte d’Ogny (1757-1790) de six symphonies destinées au répertoire du Concert de la Loge Olympique parisienne, société réputée dans toute l’Europe pour ses qualités d’exécution. En 1785 et 1786, six chefs-d’œuvre voient ainsi le jour (symphonies n° 82 à 87), inaugurant la série insurpassée des vingt-trois dernières symphonies du maître. Toutes ces compositions intéressèrent au premier chef les éditeurs français tant le public parisien montra une insatiable avidité à les entendre et les réentendre. »

Alexandre DRATWICKI, La réception des symphonies de Haydn à Paris. de nouvelles perspectives de recherche…

Aujourd’hui, Julien Chauvin, à l’instar d’autres formations spécialisées dans les interprétations historiques (Le Concert Spirituel, Les Arts Florissants, La Grande Ecurie et la chambre du roi…), a voulu donner une identité originale à son orchestre en puisant dans l’histoire de la musique durant la période révolutionnaire, dans le répertoire de la période « classique » de Haydn et de Mozart, et son choix se porta donc sur « le Concert de la Loge Olympique ».

 

(La rue est située entre la rue Royale et la rue Cambon, et donne dans la rue Saint-Honoré).