Les uns et les autres sans Lelouch

C’est le titre d’une collection de biographies de chez Gallimard dont voici la philosophie :

« Des vies mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu’une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle. L’un et l’autre : l’auteur et son héros secret, le peintre et son modèle. Entre eux, un lien intime et fort. Entre le portrait d’un autre et l’autoportrait, où placer la frontière? Les uns et les autres : aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieure, personnes ou lieux, visages oubliés, noms effacés, profils perdus. »

Bernard Chambaz, professeur-poète-écrivain-essayiste français, a parfaitement fait sienne cette philosophie en nous livrant le récit de la vie d’un musicien dont le début et la fin de la vie pourraient se résumer en ces deux photos :

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Bien mystérieux, n’est-ce pas ? À bien contempler ces deux clichés, ce musicien naquit dans le sud de l’Europe et mourut dans le nord.

On peut même imaginer qu’il s’agit de l’Italie et de la Belgique, dans une ville sillonnée par des trams, Bruxelles? Voyons voir : quel musicien italien a bien pu recevoir un hommage posthume en l’église Royale Sainte-Marie de Schaerbeek? 

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Oui, c’est bien lui, Giacomo Puccini, le compositeur de La Bohème, de Madama Butterfly, de Tosca, de Turandot notamment, né à Lucques en 1858 et décédé en 1924 dans une clinique d’Ixelles où il était venu faire soigner un cancer de la gorge.

Si l’on voulait être manichéen comme on dit aujourd’hui, on pourrait résumer l’opéra italien par les noms de Puccini et de Verdi. Verdi, parfois bien en prise avec la mélancolie des paysages de la plaine du Pô, nous apparaît pourtant comme un colosse, un phare du Risorgimento et des Chemises rouges de Garibaldi, une personnalité exaltante dont tous les Italiens sont encore fiers aujourd’hui. Puccini vécut aussi à une époque troublée, mais les chemises avaient pris la couleur noire et annonçaient le fascisme. Éternel neurasthénique des paysages brumeux toscans de Torre del Lago, il se fâcha avec son ami Toscanini pour avoir accepté avec une indifférence un peu molle, quelques honneurs des nouveaux maîtres de l’Italie. De sa vie intime, on retient sa passion des femmes et de la cigarette, des voitures et de la bicyclette. Cette dernière passion qu’il partage avec son biographe. Vie entâchée par un drame personnel tout comme celle de Bernard Chambaz également et qui va les réunir bien plus qu’on ne l’imagine comme on le comprend à la fin.

J’ai acheté ce livre à l’aveuglette, ne connaissant ni l’auteur ni la collection, simplement attirée par le sujet, Puccini est un de mes compositeurs préférés et j’aime qu’on lui rendre enfin justice. Ne vous attendez pas à une oeuvre biographique rigoureuse. C’est un peu comme si vous et moi, admirateurs de Puccini, nous nous mettions à raconter sa vie à un ami. En toute simplicité et sans souci de précision historique (mais sans erreur non plus!). Cela donne un livre absolument charmant, savoureux et bouleversant. Il nous chante aux oreilles. 

9782070138272FS.jpg« Né à Lucques à deux pas de la cathédrale Saint-Martin, achète avec son premier cachet une bicyclette, aime les voitures rapides et rutilantes, fumeur invétéré, chasseur, doué pour la mélodie, prétend que ses deux instruments préférés sont le piano et le fusil de chasse, chiche par nature, débourse une jolie somme pour que sa femme échappe à la prison quand leur domestique s’empoisonne au curare, asssez indifférent au mouvement général de l’histoire mais sans la moindre sympathie pour les Chemises noires, esprit curieux des inventions technologiques, auteur d’une ode au dentifrice, tempérament éclectique, timide, toujours très attiré par les femmes, amateur occasionnel du cinématographe, ému à jamais par le spectacle des peupliers, renonce à se faire greffer des couilles de gorille à cause de son diabète, drôle à ses heures, foncièrement optimiste malgré tout, mort à Bruxelles d’un cancer de la gorge.

J’ai toujours eu à traîner un lourd fardeau de mélancolie. Il n’ya aucune raison à cela, mais je suis fait ainsi. C’est, lui, Puccini qui l’a écrit. » B.C.

Catalogué comme « le » musicien de la femme » pour avoir si bien mis en scène les amours tumultueuses de Manon Lescaut, de Mimi, de Cio-Cio-San, de Floria Tosca, de Minnie ou de Turandot ; classé dans ce courant vériste souvent dénigré par les mélomanes intellectuels. Pour ma part, j’estime qu’il vaut bien mieux que cela et je n’ai pas peur de dire que je le mets au même niveau que Ravel ou Richard Strauss dans la virtuosité et la richesse de l’orchestration. Mon avis musical, c’est pour la prochaine fois !

Mais que je vous dise aujourd’hui, ce livre est un vrai délice ! Si vous ne vous précipitez pas sur vos CD de Giacomo pendant et après sa lecture, je n’y comprends plus rien!

Encore un mot sur Puccini et Bruxelles. Il y vint se faire soigner car lors de ses précédents séjours, il avait apprécié beaucoup les spectacles du Théâtre de la Monnaie et l’Art Nouveau à la belge.

Durant ses voyages, il vécut avenue Rogier et surtout au 294 de la rue Royale à Saint-Josse, dans un bâtiment connu sous le nom de « Hôtel Puccini ». Un salon couronné d’un plafond à caissons à l’acoustique exceptionnelle lui permettait d’écouter de la musique avant de se rendre à La Monnaie. 

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220px-Puccini_IMG_2523.jpegEn 1924, il séjourna au n°1 de l’avenue de la Couronne à Ixelles où il mourut, étant soigné par le Professeur Ledoux dans une clinique du quartier (disparue depuis) et un hommage religieux lui fut rendu en l’église Royale Sainte-Marie de Schaerbeek.

 Une archive intéressante :

http://archives.lesoir.be/toute-la-belgique-chante-puccini-une-palette-musicale-v_t-20000610-Z0JAP9.html

 

Un cadeau-rappel pour tous les lecteurs qui seront arrivés à la fin du livre et qui comprendront pourquoi.

  

Entre Prosecco et Chianti

Passé le 15 août, les vacances tirent à leur fin dans les odeurs du papier des cahiers neufs et de plastique du nouveau cartable. Il ne reste alors que de beaux souvenirs au coin des yeux et au bord des lèvres, surtout si l’on a visité l’Italie.

Visiter l’Italie? Vous pouvez encore le faire sans quitter votre fauteuil grâce à deux charmants livres que mes commentatrices de prédilection, Dominique et Micheline, ont déjà mentionnés dans leur prose amicale. 

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Marlena de Blasi, l’auteure, est une Américaine chef de restaurant et critique gastronomique. Un jour de pluie à Venise, elle entre dans un café pour se mettre à l’abri et y rencontre un bel Italien aux yeux myrtille qui dit l’avoir déjà rencontrée quelques mois auparavant et ne jamais l’avoir oubliée…

Ah, ces Italiens, rois de la drague ! Sauf que…, sauf que Marlena tombe éperdument amoureuse et que soudain changer de vie s’impose à elle. Si impérieusement qu’elle rentre en Amérique pour tout vendre, son restaurant, la maison qu’elle adore et revenir libre auprès de Fernando. Typiquement américain et à l’eau de rose, me direz-vous. Certes. Mais le récit est autobiographique et Marlena ne nous épargne pas ses déconvenues, son ennui, ses doutes, ses désespoirs même. Elle nous raconte Venise « de l’intérieur », languissante, mystérieuse, flamboyante ; celle des petites gens qui font leurs courses au marché du Rialto, qui sont solidaires et dont le luxe est d’aller boire un cappuccino au café Florian ou un verre de Prosecco au Lido. Même au bord de la lagune dans la cité romantique par excellence, l’amour n’est pas un long fleuve tranquille!

C’est parfois un rien naïf à l’américaine, souvent voluptueux par la gastronomie et les produits fabuleux dans leur simplicité goûteuse, toujours enchanteur dans la description des lieux et des gens.

Un jour, Fernando est victime du même syndrome : il ns supporte plus sa vie formatée à la banque et à Venise. Sans travail, sans logement, cap sur la Toscane!

Un voyage improbable qui les conduit à San Casciano, dans une vieilleMille jours en Toscane.jpg ferme à courants d’air. Ce deuxième livre est rythmé par les saisons dans une vie rurale rude mais passionnante. Il y aura les vendanges, la chasse aux truffes, les recettes de cuisine, les visites au Centrale (le café du village), les fêtes campagnardes,  et encore et toujours la solidarité entre les habitants. Une Toscane vécue de l’intérieur, bien loin des clichés touristiques !

Ces deux livres ne sont sans doute pas de ces chefs-d’oeuvre qui bouleversent l’ordre établi du monde littéraire mais quel vent d’optimisme, de bonté et de beauté ! Rien que pour cela, et surtout pour cela, je vous les recommande. Ils vous procureront une parenthèse humaine, apaisante, savoureuse et enchantée. Pas si mal, non ? 

 

 

 

 

Wagner en chambre

Sacrifier à la commémoration du bicentenaire de la naissance de Verdi et de Wagner quand on est un festival consacré à la musique de chambre, ce n’est pas simple! On peut évidemment en passer par le bon vieux Liszt et ses paraphrases verdiennes et autres transcriptions wagnériennes. Mais cela devient un peu répétitif au fil de tous les concerts de l’été.

Pour Verdi, on peut envisager son quatuor ou encore ses nombreuses mélodies trop mal connues:

http://www.arre-se.com/arr-verdi_fr2.html

Mais Wagner… Si on veut éviter son beau-père hongrois, il reste la fameuse transcription (encore) de la Siegfried-Idyll de Glenn Gould et puis…

Et puis le festival de Stavelot a eu une autre idée et fait ainsi découvrir au public d’hier et de ce soir une véritable perle!

Suzanne Micha, présidente du festival et Jérôme Lejeune, directeur artistique ont fait le siège auprès de Tedi Papavrami et du quatuor Schumann, détenteurs d’une version des Wesendonck lieder qu’ils avaient transcrite pour quatuor à clavier et voix… qui ont fini par céder les partitions.

Choc de la musique, comme dirait une revue bien connue !!!

Frank Braley, Lorenzo Gatto, Gérard Caussé, Camille Thomas et Angélique Noldus (superbe mezzo-soprano de chez nous) ont donc livré à nos oreilles ébahies des sonorités inconnues pour une oeuvre si souvent entendue dans sa version orchestrale ou pianistique.

Non, ne vous précipitez pas à l’abbaye de Stavelot ce soir, c’est sold out ! mais Musiq3 enregistre le concert et nous aurons ainsi la joie de (re)découvrir cette interprétation dans quelques mois à la radio.

Pour ceux qui ne peuvent pas attendre, il existe une version CD du quatuor Schumann avec Felicity Lott (grande chanteuse de lieder mais pas la plus grande wagnérienne qui soit!).

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Il est aussi possible d’entendre ce disque par Spotify (télécharger Spotify, la version free est gratuite, et puis taper dans la recherche Wesendonck Lieder quatuor Schumann, c’est tout simple et efficace).

Ou via ma page Facebook.

La soirée compta également d’autres bien belles choses que je vous laisse découvrir grâce à ce lien : http://www.festivalstavelot.be/

Et merci à tous les amis du festival, vous m’avez réservé un accueil plein d’amitié sincère qui a rendu ce premier retour parmi vous, certes un rien nostalgique, mais tellement chaleureux.  

La Fanny révélée

Ah, cette Fanny, la coquine, elle est déjà révélée par deux de mes plus chères lectrices ! Alors, baste, arrêtons le compte à rebours et revenons à Marcel Pagnol qui va tout vous expliquer dans Le Temps des Amours.

Petite mise en place: Un concours de boules richement doté doit avoir lieu au village. Cent vingt joueurs sont inscrits mais pour viser la deuxième place, car c’est l’équipe du facteur Pessuguet qui rafle tous les premiers prix en « vrais professionnels ». Une stratégie va cependant être mise en place pour tenter de les battre, c’est l’oncle Jules et Joseph (le papa de Marcel) qui sont chargés de la mener à bien en formant l’équipe des Bellons. Mais il faut déjà sortir des éliminatoires…

   Le village avait formé six équipes, dont trois n’avaient absolument aucune chance de gagner une seule partie : mais c’était une manigance de M. Vincent, il nous avait confié son plan.

   Il nous fit savoir que, d’après ses renseignements, Pessuguet transpirait beaucoup et se laissait facilement tenter par la bière fraîche : c’est pourquoi, vers le soir, son tir perdait quelquefois sa meurtrière efficacité. Il fallait donc faire durer le concours le plus longtemps possible, et c’est pourquoi M. Vincent s’efforçait de réunir au moins quarante équipes, afin que la finale ne pût avoir lieu qu’après quatre parties en quinze points, vers les six heures du soir, au déclin du soleil et de Pessuguet.

   L’équipe des Bellons descendit donc au village pour s’entraîner, sur le terrain même où se jouerait la finale, et l’équipe d’Honoré lui donnait la réplique. J’étais assis sur le parapet, entre Paul et Lili, et nous encouragions nos joueurs par des cris d’admiration et des applaudissements. L’oncle Jules et Joseph mesuraient les pentes, marquaient des repères à la craie sur le tronc des platanes (afin de pouvoir juger des distances au premier coup d’oeil), examinaient les moindres cailloux incrustés dans le sol avec une attention minutieuse. L’oncle Jules fut élégant, Mond efficace, Joseph éblouissant, et M. Vincent radieux. Le cinquième jour, il était si content qu’il conseilla à nos joueurs d’arrêter leur entraînement et de prendre quarnte-huit heures de repos, comme font les grands athlètes. (…)

Arrive le jour du Concours. Bon premier tirage au sort pour l’équipe des Bellons.

   Naturellement, je restai, avec Lili, François et quelques autres – dont M. Vincent – près de l’équipe des Bellons, qui jouait contre ceux d’Éoures. L’oncle Jules était brillant, et sa boule, par des chemins imprévus, allait presque toujours mourir sur le bouchon. Mon père n’était pas content, parce qu’il manquait une boule sur deux, et paraissait énervé, mais Mond, malgré ou grâce à son bras en tire-bouchon, jouait magistralement. Au bout d’une demi-heure, ils « menaient » par 8 à 2. Comme leur victoire me paraissait assurée, je proposai à Lili d’aller sur l’Esplanade, pour voir où en était le massacre de Pessuguet. Comme nous débouchions de l’étroite ruelle, nous entendîmes le choc métallique d’un carreau, puis la voix de Pessuguet qui disait:

   « 15 à zéro! c’est une Fanny! » 

   La foule fit de grands éclats de rire, et des bravos à l’adresse de Pessuguet tandis que les hommes de Ruissatel ramassaient leurs boules, et les remettaient dans les petits sacs sans lever les yeux. Quelques-uns leur lançaient des plaisanteries, et tout à coup plusieurs garçons partirent en courant vers le Cercle en criant « Fanny ! Fanny ! » comme s’ils appelaient une fille. Alors Pessuguet prit ses boules qu’un admirateur avait ramassées pour lui, et dit à mi-voix: « Je crois qu’il y en aura d’autres! »

   Il avait l’air si décidé que j’en fus épouvanté.

   Devant le Cercle, il y avait déjà deux douzaines de joueurs qui venaient de finir leurs parties, et parmi eux, je vis avec joie notre équipe des Bellons, qui avait battu Éoures par 15 à 8. Il était facile de reconnaître les vainqueurs : ils frappaient leurs boules l’une contre l’autre, ou les fourbissaient avec leurs mouchoirs et ils étaient en bras de chemise. Les vaincus avaient remis leurs vestons ; leurs boules étaient déjà serrées dans les sacs ou les muselières, et plusieurs se querellaient, en se rejetant la responsabilité de la défaite.

   À la table officielle, le journaliste notait soigneusement les résultats de chaque partie sur un petit registre et faisait signer les chefs d’équipe. Pendant ce temps, M. Vincent triait ses numéros pour le tirage du second tour, car il fallait supprimer les sorties.

   Quand ces travaux furent terminés, M. Vincent lut solennement les résultats, qui furent salués par des applaudissements et quelques protestations. Puis, dans un grand silence, comme il présentait l’ouverture du sac à une petite fille, la voix de Pessuguet s’éleva:

   « Et la cérémonie? »

   Alors les jeunes se mirent à crier en choeur:

   « La Fanny ! La Fanny!

    – C’est la tradition, dit le journaliste. il me semble que nous devons la respecter! »

   À ces mots, deux jeunes gens entrèrent en courant dans la salle du Cercle, et en rapportèrent, au milieu de l’allégresse générale, un tableau d’un mètre carré, qu’ils tenaient chacun par un bout.

   Les trois perdants s’avancèrent, avec des rires confus, tandis que la foule applaudissait. Je m’étais glissé jusqu’au premier rang, et je vis avec stupeur que ce tableau représentait un derrière ! Rien d’autre. Ni jambes, ni dos, ni mains. Rien qu’un gros derrière anonyme, un vrai derrière pour s’asseoir, que le peintre avait cru embellir d’un rosé qui me parut artificiel.

   Des voix dans la foule crièrent:

   « À genoux! »

   Docilement, les trois vaincus s’agenouillèrent. Deux faisaient toujours semblant de rire aux éclats, mais le troisième, tout pâle, ne disait rien, et baissait la tête.

   Alors les deux jeunes gens approchèrent le tableau du visage du chef de l’équipe, et celui-ci, modestement, déposa un timide baiser sur ces fesses rebondies.

   Puis il fit un grand éclat de rire, mais je vis bien que ce n’était pas de bon coeur. Le plus jeune, à côté de lui, baissait la tête et le muscle de sa mâchoire faisait une grosse bosse au bas de sa joue. Moi, je mourais de honte pour eux… Cependant, quelques-uns les applaudirent comme pour les féliciter de la tradition, et M. Vincent les invita à boire un verre : mais le chef refusa d’un signe de tête, et ils s’éloignèrent sans mot dire. (…)

   C’est à six heures du soir, ainsi que l’avait prévu l’astucieux M. Vincent que la dernière partie put commencer. Il faisait encore très chaud, et le soleil déclinait rapidement. La finale opposait l’invincible triplette des Bouches-du-Rhône, qui avait triomphé facilement de ses adversaires, et notre chère équipe des Bellons.

   Nous étions partagés, Lili et moi, entre la fierté de voir nos champions accéder à la finale et la crainte à l’idée de l’humiliante défaite que le terrible Pessuguet allait leur infliger. Celui-ci entra sur le terrain et en apercevant Joseph des Bellons, fit un petit sourire qui me déplut. De plus, à pile ou face, il gagna l’avance de lancer le bouchon le premier, ce qui me parut de mauvais augure – et la partie commença, entre deux haies qui avaient chacune trois rangs d’épaisseur. (…) Quand les Pessuguet eurent marqué douze points d’affilée, M. Vincent, l’archiviste de la préfecture, donna l’ordre de commencer le bal sur la place, pour détourner l’attention d’une si douloureuse épreuve. Tous les spectateurs furent heureux d’avoir ce prétexte pour fuir la place… Lili et moi, nous les suivîmes, et le boulanger résuma l’impression générale en disant :

   « C’est une boucherie ! »

   Monsieur Vincent, soucieux, ajouta :

   « Pourvu que ce ne soit pas une Fanny! »

   Cette idée me bouleversa ; j’imaginais Joseph et l’oncle Jules agenouillés devant ce derrière, présenté par l’affreux Pessuguet. Quelle honte éternelle pour notre famille !…

La suite ? Plongez dans Le Temps des Amours, c’est délicieux! Alors, bonne lecture!

Sachez que la tradition est toujours respectée et que dans tout local bouliste qui se respecte, trône une Fanny plus ou moins avenante ! 

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Quant à la fameuse scène de Mon oncle Benjamin, j’aurais bien aimé la retrouver en video pour remercier ainsi ma chère amie Micheline qui en parle dans son commentaire. Hélas, je n’ai trouvé qu’une photo…

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Mais pour le plaisir de retrouver l’immense Jacques Brel dans ce film délicieusement rabelaisien, voici la bande annonce. Puissent les plus jeunes de mes lecteurs qui ne connaissent pas ce chef-d’oeuvre avoir envie de le découvrir!     

  

 

La Fanny

Premier été sans Provence depuis près de 35 ans et même si l’été en Belgique est exceptionnel, l’odeur du romarin, le chant des cigales et les fureurs du mistral me manquent. Alors Pagnol est venu à mon secours. J’ai d’abord relu les souvenirs de jeunesse du petit Marcel, un régal qui commence bien grâce aux dessins de Sempé.

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Et puis, ce furent les deux films réalisés par Daniel Auteuil : Marius et Fanny. Films « à l’ancienne », pleins de charme, d’émotion, de bel accent et de pudeur. Merveilleuses performances d’acteurs de Marie-Anne Chazel, de Jean-Pierre Darroussin et de Daniel Auteuil lui-même. Ils ne surjouent jamais, ne cherchent pas à faire sonner « l’assent de Marseille » plus qu’il ne faut, ne « singent » pas leurs glorieux ancêtres. Ils sont tout simplement parfaits. Et les « pitchouns »? Marius me fait penser à Alain Delon jeune, et Fanny négocie parfaitement l’évolution de son personnage.

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J’adore ce prénom, Fanny. Tellement féminin dans sa consonance, un rien coquin aussi avec un petit relent belle époque…

Coquin? me direz-vous.  Oui, oui ! Allez, que je vous explique…   

Il fut donc un bienheureux temps où nous étions un groupe d’amis à passer tous nos congés en Provence, nous en étions devenus les heureux résidents. Étant d’habiles cuisiniers et cuisinières, nous nous invitions les uns chez les autres. Un tour au marché, chez le boucher et le boulanger du village et hop à la bonne franquette, nous rivalisions de recettes simples mais goûteuses mijotées au barbecue ou au four à pizza du jardin en bordure de piscine. On n’était pas riches mais on savait profiter de la vie, bien nous en a pris car beaucoup d’entre nous nous ont quittés à tout jamais.

Ca commençait toujours par un pastis, les plus doués savaient reconnaître le 51 du Ricard, on passait ensuite au vin du pays, le Seigneur Côte-du-Rhône, dans le triangle Gigondas-Vacqueyras-Chateauneuf du Pape, que boire d’autre, dites-moi… Le repas terminé, à l’ombre, la peau du ventre bien tendue, on laissait passer la cagnâ en dégustant une bière belge à la mousse bien fraîche qui faisait se pâmer nos amis provençaux. À 17 heures, c’était immanquablement la partie de boules sur le terrain d’en face. Jeu très masculin (sans mauvais jeu de mots) et très macho, les équipes se formaient exclusivement entre hommes mais plutôt habile, j’avais fini par être intégrée à l’une d’elles. Les règles étaient subtiles et changeantes selon l’état de lucidité des participants, je me fiais à mon coéquipier qui me conseillait de tirer ou de pointer.

Et puis parfois pour une équipe, se levait le spectre de « la Fanny »… Notre ami Lambert était le spécialiste du coup d’oeil coquin qui accompagnait la menace : « Attention, les amis, la Fanny vous attend… »

Cette Fanny-là, quelle infâmie !

Tiens, il y a longtemps que je ne vous ai plus proposé une devinette. Alors, cette Fanny tant redoutée, qui peut nous dire ce que c’est ? J’attends vos propositions, chers amis lecteurs, disons jusqu’au 14 août minuit.

Après, pour tout Liégeois qui se respecte, ce sera le règne du pekêt de Dju d’la Mouse !       

Jaroussky encore et encore!

Tout spécialement pour remercier Dominique, ma chère cousine du Québec, qui est un soutien indéfectible chaque semaine au téléphone et plus souvent encore par courriel et par ses merveilleux commentaires sur ce blog, je remets ici les  liens pour atteindre mon ancien blog (dont le compteur tourne encore comme un fou, mais oui, il y a encore des visiteurs…)

http://tempolibero.skynetblogs.be  

Et si Les feuilles mortes vous ont plu et/ou intrigués, voici les liens vers les deux posts que j’avais consacrés à Philippe Jaroussky. Le premier, le 26/10/11, déroulez s’il vous plaît, je ne peux pas faire mieux, je n’ai plus accès à la gestion.    

http://tempolibero.skynetblogs.be/index-22.html

Le lien vers son album Opium est obsolète, je vous remets donc ci-dessous l’exquise vidéo.

Le second post, le 12/10/11 – on déroule encore !, concernait sa carrière en musique baroque, de loin la plus célèbre qui a fait de lui une super-star! 

http://tempolibero.skynetblogs.be/index-19.html

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Et puis peut-être vous demandez-vous comment on devient un tel chanteur au 21ème siècle? Un film tout récent et passionnant  nous retrace son parcours, on est sous le charme et dans son énergie! Bonne écoute à tous et sachez que Philippe, après 8 mois de repos et de congé sabbatique – quelle sagesse! – nous revient en force et va sortir un tout nouveau disque sous le prestigieux label Erato. En route pour de nouvelles aventures!    

 http://www.philippejaroussky.fr/

 

 

Tant d’émotion

Bouleversée par cette interprétation lors du concert du 14 juillet dernier, n’est-ce pas le jour où je peux vous la faire découvrir et que nous l’écoutions ensemble avec émotion ? Peut-être l’entend-il, lui aussi, il appréciait tellement Philippe Jaroussky…