C’est le titre d’une collection de biographies de chez Gallimard dont voici la philosophie :
« Des vies mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu’une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle. L’un et l’autre : l’auteur et son héros secret, le peintre et son modèle. Entre eux, un lien intime et fort. Entre le portrait d’un autre et l’autoportrait, où placer la frontière? Les uns et les autres : aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieure, personnes ou lieux, visages oubliés, noms effacés, profils perdus. »
Bernard Chambaz, professeur-poète-écrivain-essayiste français, a parfaitement fait sienne cette philosophie en nous livrant le récit de la vie d’un musicien dont le début et la fin de la vie pourraient se résumer en ces deux photos :
Bien mystérieux, n’est-ce pas ? À bien contempler ces deux clichés, ce musicien naquit dans le sud de l’Europe et mourut dans le nord.
On peut même imaginer qu’il s’agit de l’Italie et de la Belgique, dans une ville sillonnée par des trams, Bruxelles? Voyons voir : quel musicien italien a bien pu recevoir un hommage posthume en l’église Royale Sainte-Marie de Schaerbeek?
Oui, c’est bien lui, Giacomo Puccini, le compositeur de La Bohème, de Madama Butterfly, de Tosca, de Turandot notamment, né à Lucques en 1858 et décédé en 1924 dans une clinique d’Ixelles où il était venu faire soigner un cancer de la gorge.
Si l’on voulait être manichéen comme on dit aujourd’hui, on pourrait résumer l’opéra italien par les noms de Puccini et de Verdi. Verdi, parfois bien en prise avec la mélancolie des paysages de la plaine du Pô, nous apparaît pourtant comme un colosse, un phare du Risorgimento et des Chemises rouges de Garibaldi, une personnalité exaltante dont tous les Italiens sont encore fiers aujourd’hui. Puccini vécut aussi à une époque troublée, mais les chemises avaient pris la couleur noire et annonçaient le fascisme. Éternel neurasthénique des paysages brumeux toscans de Torre del Lago, il se fâcha avec son ami Toscanini pour avoir accepté avec une indifférence un peu molle, quelques honneurs des nouveaux maîtres de l’Italie. De sa vie intime, on retient sa passion des femmes et de la cigarette, des voitures et de la bicyclette. Cette dernière passion qu’il partage avec son biographe. Vie entâchée par un drame personnel tout comme celle de Bernard Chambaz également et qui va les réunir bien plus qu’on ne l’imagine comme on le comprend à la fin.
J’ai acheté ce livre à l’aveuglette, ne connaissant ni l’auteur ni la collection, simplement attirée par le sujet, Puccini est un de mes compositeurs préférés et j’aime qu’on lui rendre enfin justice. Ne vous attendez pas à une oeuvre biographique rigoureuse. C’est un peu comme si vous et moi, admirateurs de Puccini, nous nous mettions à raconter sa vie à un ami. En toute simplicité et sans souci de précision historique (mais sans erreur non plus!). Cela donne un livre absolument charmant, savoureux et bouleversant. Il nous chante aux oreilles.
« Né à Lucques à deux pas de la cathédrale Saint-Martin, achète avec son premier cachet une bicyclette, aime les voitures rapides et rutilantes, fumeur invétéré, chasseur, doué pour la mélodie, prétend que ses deux instruments préférés sont le piano et le fusil de chasse, chiche par nature, débourse une jolie somme pour que sa femme échappe à la prison quand leur domestique s’empoisonne au curare, asssez indifférent au mouvement général de l’histoire mais sans la moindre sympathie pour les Chemises noires, esprit curieux des inventions technologiques, auteur d’une ode au dentifrice, tempérament éclectique, timide, toujours très attiré par les femmes, amateur occasionnel du cinématographe, ému à jamais par le spectacle des peupliers, renonce à se faire greffer des couilles de gorille à cause de son diabète, drôle à ses heures, foncièrement optimiste malgré tout, mort à Bruxelles d’un cancer de la gorge.
J’ai toujours eu à traîner un lourd fardeau de mélancolie. Il n’ya aucune raison à cela, mais je suis fait ainsi. C’est, lui, Puccini qui l’a écrit. » B.C.
Catalogué comme « le » musicien de la femme » pour avoir si bien mis en scène les amours tumultueuses de Manon Lescaut, de Mimi, de Cio-Cio-San, de Floria Tosca, de Minnie ou de Turandot ; classé dans ce courant vériste souvent dénigré par les mélomanes intellectuels. Pour ma part, j’estime qu’il vaut bien mieux que cela et je n’ai pas peur de dire que je le mets au même niveau que Ravel ou Richard Strauss dans la virtuosité et la richesse de l’orchestration. Mon avis musical, c’est pour la prochaine fois !
Mais que je vous dise aujourd’hui, ce livre est un vrai délice ! Si vous ne vous précipitez pas sur vos CD de Giacomo pendant et après sa lecture, je n’y comprends plus rien!
Encore un mot sur Puccini et Bruxelles. Il y vint se faire soigner car lors de ses précédents séjours, il avait apprécié beaucoup les spectacles du Théâtre de la Monnaie et l’Art Nouveau à la belge.
Durant ses voyages, il vécut avenue Rogier et surtout au 294 de la rue Royale à Saint-Josse, dans un bâtiment connu sous le nom de « Hôtel Puccini ». Un salon couronné d’un plafond à caissons à l’acoustique exceptionnelle lui permettait d’écouter de la musique avant de se rendre à La Monnaie.
En 1924, il séjourna au n°1 de l’avenue de la Couronne à Ixelles où il mourut, étant soigné par le Professeur Ledoux dans une clinique du quartier (disparue depuis) et un hommage religieux lui fut rendu en l’église Royale Sainte-Marie de Schaerbeek.
Une archive intéressante :
Un cadeau-rappel pour tous les lecteurs qui seront arrivés à la fin du livre et qui comprendront pourquoi.
Eh oui, Domingo reste l’un des plus fameux Mario, mais il y a quelques jours (le 24), par hasard en zappant sur la deuxième chaîne néerlandaise, nous avons assisté au concert annuel du » Prinsengracht ». Orchestre du Concertgebouw , direction Pappano, avec comme ténor invité Joseph Calleja, qui nous a subjugués, malgré les conditions défavorables d’un concert en extérieur. Nous l’avions déjà entendu à Orange où il avait campé un grand Hoffman. Il deviendra sans doute, si il garde sa voix, l’un des grands.
Bravo pour votre blog toujours aussi intéressant.
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Pour avoir eu la chance de voir et d’entendre Plácido Domingo à l’opéra dans ce rôle, c’était effectivement extraordinaire car le comédien n’était pas en reste. Mais si j’ai mis cet extrait, c’est parce que l’auteur y fait mention tout à la fin du livre et dans des conditions dramatiques. Ainsi ce qu’il décrit, nous le voyons et l’entendons ! Pour Calleja, c’est une merveilleuse voix avec un timbre personnel (assez rare aujourd’hui) un peu mystérieux. je l’ai souvent entendu dans les retransmissions du Met. Dommage qu’il soit un rien « placide » (pas pu m’empêcher de faire ce jeu de mot…) et un peu emprunté sur scène par sa grande taille et sa corpulence (pas vraiment gros mais fort). Mais pour avoir lu certaines de ses interviewes, c’est un homme d’une grande qualité et très intègre face à son métier. Être people, c’est vraiment pas son truc. Il est Maltais. Merci pour vos encouragements et j’espère que nous finirons bien par nous rencontrer, une fois mon horizon de travaux et de revalidation de ma maman bien dégagé!
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