Une de mes photos, que je fais paraître chaque soir depuis le début du confinement, a particulièrement attiré l’attention de mes amis de Facebook. Soit parce qu’ils connaissaient l’endroit et en raffolaient, soit parce qu’ils le découvraient…
C’est un véritable havre de paix (même s’il y a de très nombreux promeneurs) coincé dans une partie de Liège particulièrement bruyante : entre le centre commercial de Belle-Île, la ligne de chemin de fer vers l’Allemagne et l’autoroute vers le Luxembourg et l’est de la France. Les habitués vont diront : c’est le canal de l’Ourthe. Ils ont raison.
Mais derrière cette dénomination se cache une des ces aventures extraordinaires dont seul le génie civil est capable.
Tout démarre sous le règne de Guillaume Ier d’Orange, un souverain hollandais qui au début du 19ème siècle règne sur un territoire qui correspond aujourd’hui aux Pays-bas, à la Belgique et au Luxembourg ; un souverain qui, comme Louis XVI ou Napoléon III, est haï par une partie de ses sujets mais à qui, à l’épreuve du temps, on reconnaît bien des qualités! Guillaume, avant d’être chassé de chez nous, avait eu le temps par exemple en 1817 de créer l’Université de Liège, notre chère Alma Mater… On peut le voir représenté dans la sublime salle académique lors de son inauguration en 1824 ainsi qu’aux murs son monographe (« W » pour Wilhelm/Guillaume).
Et ce n’est pas tout! Il jette les bases de la prospérité économique de la Wallonie en accueillant notamment John Cockerill, et améliore les voies navigables par le creusement de canaux. Des canaux, dont celui qui nous intéresse, qui relierait le Rhin à la Meuse!
Sur une carte, la distance entre le Rhin et la Meuse n’est pas très importante et relier ces deux grands fleuves a toujours fasciné. Dès l’époque romaine, on y songe avec l’empereur Claude, puis Philippe II (qui commença des travaux), Frédéric de Prusse et Napoléon… du beau monde!
Guillaume reprend l’idée dans l’optique du développement économique de la région liégeoise. On a trouvé au Luxembourg des gisements de minerai qu’on pourrait travailler dans le bassin sidérurgique nouvellement développé par Cockerill. De plus, le Luxembourg produit du bois, de la pierre et du cuir, matériaux très utiles dans les mines.
Son projet est très original : il envisage, au lieu de creuser un canal de bout en bout, d’utiliser les rivières existantes en les canalisant : la Moselle, la Clerve, la Wiltz, le ruisseau d’Hachiville, la Sûre et l’Ourthe. De Wasserbling (banlieue de Trêves) jusqu’à Liège, confluent de l’Ourthe et de la Meuse. Plus de 300 km rythmés par 205 écluses, le tout à la queue leu leu. Le seul vrai problème se situe entre Clervaux et Houffalize au niveau de Tavigny et de son hameau Bernistap. Un canal souterrain de plus de 2 km doit être construit sous une colline.
Tout le long du canal, un chemin de halage facilitera la circulation des petites embarcations en bois que sont les Betchètes.
L’ingénieur Remi De Puydt met au point l’ensemble du projet qui démarre. Survient le temps des Révolutions. Bon nombre d’écluses sont pourtant construites entre La Roche et Liège, le canal souterrain creusé en partie. L’ouvrage est mis en service entre Comblain-au-Pont et Angleur. Mais le chemin de fer arrive, puis la Première Guerre mondiale et on remblaie certains tronçons. La dernière partie est utilisée jusqu’en 1948.
La partie la plus étonnante est le canal-tunnel de Bernistap.
Ci-joint un lien pour voir un sujet proposé par l’émission de la RTBF « les Ambassadeurs » : https://www.rtbf.be/embed/m?id=2496376&autoplay=0
Un roman raconte également la création de cet étrange ouvrage…
La partie la plus touristique est sans aucun doute celle entre Comblain et Liège, avec toutes ses écluses et maisons d’éclusiers, le chemin de halage étant devenu un RAvel très prisé.
Pour se promener à pied depuis la Cité Ardente le long de ce canal au destin décidément peu commun , c’est entre Angleur et Liège que cela se passe. Et là encore bien des surprises géographiques et historiques nous y attendent ; les quartiers des Vennes et de Fétinne ayant été complètement transformés lors de l’Exposition de 1905, y compris le cours tortueux de l’Ourthe et par là même l’apparence de Liège elle-même comme nous le découvrirons dans un prochain post. Vous verrez, c’est passionnant et étonnant, et ça n’a qu’un peu plus de 100 ans!
Le lieu de promenade suggéré par ma photo se situe sur cette ancienne carte : l’Ourthe, en plus de son canal (signalé par écluse n°1), avait un bras, « le Fourchu Fossé », avec l’île aux Cochons et l’île aux Aguesses (l’île aux pies).
Allez, on se balade, vous l’avez bien mérité!
On partira de la Meuse et du quai Gloesener (juste après la Haute école polytechnique). Là se situe l’écluse n°1, la maison de l’éclusier et dans le canal des bateaux à demeure.
Nous arrivons alors au pont Marcotty , un petit goût d’Amsterdam, nous étions Hollandais à l’époque! Une deuxième partie du canal et un petit lac absolument charmant de romantisme qui correspond à l’ancien Fourchu Fossé…
On remonte toujours le canal et on trouve les pépés pêcheurs dans un site enchanteur. Oui, le centre commercial de Belle-Île est à gauche. Oui, l’autoroute est à portée de main. Oui, la ligne TGV vers l’Allemagne se voit. Et pourtant, tout est y miraculeux!
Nous voilà à notre point de départ. Avouez que l’histoire de ce lieu est étonnante… et vous verrez dans la suite de notre aventure que le quartier nous réserve d’autres métamorphoses de notre ville qu’on a peine à croire être seulement centenaires!
Comme toujours, vous pouvez agrandir les photos en mosaïques en cliquant dessus! Bonne balade, c’est précieux par les temps qui courent!
Et voilà de bonnes idées de balade pour un avenir plus ou moins 🤔 proche…
On attend la suite avec impatience !
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