Une femme en or

Maria, fringante septuagénaire un peu désargentée, tient une jolie boutique de mode à Los Angeles. Venant de perdre sa soeur et entreposant toutes les affaires de celle-ci dans une petite pièce de sa propre maison, elle découvre tout à coup une carte postale représentant le célèbre tableau d’Adele Bloch-Bauer par Gustav Klimt.

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hqdefault.jpgLe passé lui revient alors en mémoire car Adele, c’était leur tante chérie morte très jeune d’une méningite. Elle se souvient parfaitement de ce superbe collier qu’elle l’aidait à fixer autour de son cou lors de ces soirées viennoises où leurs familles juives côtoyaient la plus belle société intellectuelle. La guerre arriva, Maria dut fuir tout cela soixante ans auparavant…    

Mais nous sommes en 1998 et une loi permet dorénavant aux familles spoliées par le régime nazi de faire valoir leurs droits sur leurs biens familiaux volés. Maria Altmann va dès lors s’allier à Randol Schoenberg, un jeune avocat petit-fils du grand compositeur viennois Arnold Schoenberg, pour tenter de récupérer les tableaux de Klimt, possession de l’état autrichien et notamment cette Dame en Or considérée comme la Joconde autrichienne, icône du musée du Belvédère.

On retrouve ici le même cheminement des jeunes générations face au drame du nazisme que dans le film Labyrinthe. Là, un jeune Allemand tente de comprendre pourquoi un de ses amis s’auto-détruit. Par son histoire, il va découvrir le mot « Auschwitz », l’horreur qui se cache derrière et la dissimulation organisée par la génération des survivants, bourreaux comme victimes. En tant que jeune Allemand, il en sortira meurtri mais victorieux.

La-Femme-au-Tableau-Affiche-France.jpgDans La femme au tableau, c’est un jeune avocat juif américain, petit-fils d’Arnold Schoenberg qui décide d’aider une amie dans sa quête pour récupérer des tableaux. Il agit tout d’abord par intérêt, on est en 1998 aux débuts d’internet et il comprend tout de suite, par quelques recherches sur le web naissant, des sommes colossales en jeu. Il est dans une passe difficile et décide de son action uniquement par intérêt pécuniaire. Mais un voyage à Vienne avec sa cliente, sur les traces de leurs ancêtres et de leur passé tragique, va changer sa vision des choses. La seule restitution des tableaux volés et indûment considérés comme patrimoine de l’état autrichien devient sa priorité au-delà des sommes astronomiques en jeu.

  

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C’est aussi un peu la suite de Monuments Men.

Maria Altmann est très présente sur Internet. Vous trouverez énormément de documents antérieurs à ce film. Je vous propose celui-ci, datant de 2006, où l’on voit la vraie Maria nous parlant d’une époque incroyable, d’une Vienne carrefour de civilisation. Et l’on est pris de vertige en voyant de nos propres yeux ce qui va passer peu de temps après. Comment un peuple va anéantir ses intellectuels de la plus horrible des façons.

Il est vrai que pas mal d’amis me disent souvent que les Autrichiens d’aujourd’hui vous soutiendraient en toute mauvaise foi qu’Hitler était allemand et Beethoven Autrichien…  N’oublions pas la mésaventure Kurt Waldheim et plus près de nous, Jörg Haider dont l’irrésistible ascension ne fut stoppée que par sa mort accidentelle. 

Si vous avez vu le film (ou pas), ceci ne peut que vous intéresser, vous bouleverser. Quel document! 

(Je ne l’ai malheureusement pas trouvé sous-titré en français – je cherche toujours, il doit exister puisqu’il est produit notamment par France Télévisions –  mais l’anglais n’est pas très difficile à comprendre dans son essentiel…)

 

Fritz Altmann, chanteur d’opéra et mari de Maria, connut bien des mésaventures qu’on ne relate pas dans le film mais dont parle Maria dans le document. Voici son témoignage:  http://schoenblog.com/?p=656

Un conseil: allez voir ce film!      

Gott! Welch Dunkel hier…

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Peut-être sont-ce les paroles prononcées par Jon Vickers ce 10 juillet 2015. En espérant cependant pour lui, le croyant fervent, que le lieu soit plus accueillant que la prison de Florestan, et que la lumière ait enfin remplacé l’obscurité dans laquelle l’avait plongé lentement la maladie d’Alzheimer depuis une dizaine d’années.

Sans aucun doute, la plus déchirante interprétation de ce célèbre cri du mari de Fidelio dans l’unique opéra de Beethoven.

Personnage carré physiquement parlant avec une voix ni italienne (bien qu’il ait interprété de grands rôles de ce répertoire), ni allemande (malgré ses nombreux rôles wagnériens), ni française (il fut pourtant Don José, Samson, Énée…). Une voix qui ne ressemblait à aucune autre, brute comme celle d’un bûcheron disaient certains en référence à sa nationalité canadienne, mais capable des nuances et des pianissimi les plus subtils. Une présence charismatique également à une époque où les ténors ne faisaient pas de l’investissement scénique une priorité… (ici en répétition avec Karajan et Rolf Liebermann)

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Pour les amateurs d’opéra de ma génération, le nom de Vickers fait tout de suite penser à ces enregistrements légendaires dont les pochettes même nous émeuvent aujourd’hui tellement elles nous étaient familières…

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Sa discographie est immense, beaucoup de ces opéras existent en plusieurs versions avec tous les grands interprètes de l’époque et les plus grands chefs. Son répertoire était aussi extrêmement éclectique. On y trouvera aussi le Requiem de Verdi, Le Chant de la Terre de Mahler, Elijah de Mendelssohn, le Winterreise de Schubert, la 9ème de Beethoven, certains lieder de Richard Strauss… Seul Mozart manque à l’appel et cela vaut mieux d’après quelques témoignages retrouvés après la seule interprétation qu’il donna de Così fan tutte en 1953 à Toronto. Le grand Nicolaï Gedda (toujours vivant n’en déplaise à certains), ayant interprété Ghermann de la Dame de Pique de Tchaïkowsky, confia qu’il voyait mieux ce rôle pour Vickers ou Domingo. Vickers ne releva pas le défi de chanter en russe. Dommage car la folie du héros lui aurait bien convenu…

J’ai aussi cherché à savoir si son chemin avait croisé celui de Callas. Eh oui, plusieurs fois dans Medea de Cherubini. Un extrait d’interview de la Divina avec la représentation de cet opéra à la Scala en 1961. On y aperçoit Vickers mais on ne l’entend pas malheureusement…

Il existe aussi des films, le plus souvent tournés avec Karajan, où son talent de comédien et son charisme sont bridés par l’inévitable play-back de mise à l’époque.

Quant à mon expérience personnelle, elle se limita d’abord au disque. C’est lui qui m’a fait découvrir Samson. J’ai adoré son Siegmund, le duo d’amour des Troyens. À la scène, j’ai pu voir son Otello à Garnier en avril 77 et j’avoue ne pas en avoir gardé un souvenir exceptionnel. Il y avait sur scène un Iago qui capta toute mon attention (Sherrill Milnes) et puis les costumes et la mise en scène avaient été conçus pour Domingo que j’avais vu plusieurs fois dans cette production. Il y campait un Otello charnel, comme un grand fauve, avec des costumes accentuant plus son côté maure et arabe que sa négritude. Vickers, la face très noire, eut du mal à se glisser dans cette vision du personnage.

J’ai tout de même retrouvé dans mes archives quelques documents émouvants de cette soirée…

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hqdefault.jpgDe Paris, je garde également un souvenir ébloui d’une retransmission de l’Incoronazione di Poppea où il campait, aux côtés de Gwyneth Jones et du Sénèque grandiose de Nicolaï Ghiaurov, un Néron fantastique. 

En dehors du Palais Garnier, c’est sans aucun doute, sur le sol français, aux Chorégies d’Orange qu’il livra ses représentations les plus légendaires : Tristan, Fidelio et La Norma.

Ah, cette Norma! Avec Montserrat Caballé, Josephine Veasey et … le mistral, d’enfer ce soir-là, qui ajouta encore plus de densité dramatique au jeu de ces immenses chanteurs. Définitivement pour moi, La Norma, c’est cette interprétation !

  

Pendant longtemps, j’ai cru qu’en raison de ses croyances religieuses très exacerbées, Vickers avait refusé d’interpréter Parsifal. Je me trompais lourdement. C’est en réalité Siegfried qui lui semblait trop païen. Il campa un Parsifal extraordinaire dont porte témoignage Christa Ludwig:

« (Kundry) quel formidable rôle! Et, en plus, merveilleux à chanter! Au dernier acte, lorsque Parsifal dit: « Du weinest-Sieh! es lacht die Aue » (Tu pleures! Vois, tout rit aux plaines), j’étais à chaque fois si émue que je me mettais à pleurer. Surtout lorsque Jon Vickers était mon Parsifal. Jon Vickers s’appropriait ses rôles au point de s’identifier à Othello ou à Parsifal. Il chantait ces « notes entre les notes » qui expriment la musique au-delà de la vocalité pure. J’ai chanté avec lui pour la dernière fois au Met avec James Levine au pupitre. Ce grand chef mit un tapis de pianissimo enchanteur sous le récit « Ich sah das Kind an seiner Mutter Brust » (Je vis l’enfant au sein de sa mère)! Je n’oublierai jamais l’explosion de Vickers « Amfortas! », après le baiser de Kundry ; la prise de conscience subite de Parsifal s’exprimait si violemment dans la voix de Vickers que cela allait bien au-delà d’une note chantée. » 

Christa Ludwig, Ma voix et moi, Les Belles Lettres/Archimbaud – page 133.    

Un extrait sonore de l’Enchantement du Vendredi Saint lors d’une représentation à Bayreuth en 1964 (avec Hans Hotter). Et la fin impressionnante dans une version vidéo à Genève en 1981. 

 

 

Vickers4.jpgPour en revenir au côté italien de sa carrière, je vous recommande ce disque (enregistré à Rome en 1961) où l’on va d’étonnement en étonnement en l’entendant interpréter Gioconda, Don Carlo, Andrea Chenier, Tosca, Il Trovatore… Cielo e mar, Recondita armonia, Ah!si ben mio, Come un bel dì di maggio désarçonnants…    

Lors de mes recherches, je suis tombée sur ce portrait très intéressant réalisé par un autre bloggeur.  

http://www.paperblog.fr/7706282/in-memoriam-jon-vickers-1926-2015/

Pour ceux qui lisent l’anglais, un portrait « candide » par John Ardoin, dans The Tenors, Herbert H.Breslin, Editor. Et l’incontournable « En passant par Paris » de Rolf Liebermann, un livre monument avec des photos incroyables. 

En conclusion, je ne peux que vous souhaiter de bien belles heures musicales en découvrant ou en redécouvrant cet artiste majeur de la vie lyrique du 20ème siècle.

Sans aucun doute le plus bel hommage qu’on puisse lui rendre. 

La baby factory des Ardennes

Quel enfant liégeois n’a jamais fréquenté cet endroit idyllique pendant les beaux jours d’été?

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lac wégimont.jpegOn y trouve tout pour s’amuser : un mini-golf, des tennis, une plaine de jeux, des bois, un arboretum, des barbecues, des étangs romantiques avec barques, le seul camping de la périphérie liégeoise…

Et pendant ces jours de canicule que nous venons de vivre, l’immense complexe aquatique qui a remplacé l’antique piscine de notre jeunesse fut pris d’assaut !

Devenu propriété de la Province de Liège en 1920, c’est une des perles du tourisme wallon: le domaine de Wégimont à Soumagne.

Mais à Wégimont, il y a aussi un château.

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Les premières traces datent du XVème siècle. Il passa de mains en mains et fut considérablement abîmé lors de la guerre entre les Chiroux et les Grignoux en 1636. Appartenant alors aux d’Aspremont, il devint la propriété ensuite des Eynatten et des d’Oultremont jusqu’en 1920. Les deux comtesses, Camille et Appoline, le vendirent à la Province de Liège qui ne sut qu’en faire jusqu’en 1938. Nous étions alors à l’époque des premiers congés payés et il fut converti en centre de loisirs avec son parc de 18 hectares que le roi Léopold III vint inaugurer.

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546_001.jpgAYENEUX Château de Wégimont 1956 ed. Blanchy (Small).jpg

Dans ma jeunesse, une partie du château était également affectée à une maison de retraite. En 1964, un drame dont je me souviens parfaitement : le château flamba à cause d’une friteuse mal éteinte. Il y eut 17 victimes et le château n’était plus qu’un amas de ruines fumantes. Mais on le reconstruisit rapidement sans toutefois respecter le plan d’origine, la tour et le corps de logis principal ayant disparu.

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Beaucoup d’historiens regrettent qu’il n’existe que peu de documents sur ce beau château. Mais ce n’est pas étonnant car il a une part d’ombre, une tache honteuse : il fut le seul Lebensborn de Belgique, « le Lebensborn des Ardennes ».

Lors de la seconde guerre mondiale, les Allemands organisèrent des centres d’éducation pour les jeunes bambins nés de très jeunes mères d’origine germanique. Elles y étaient mises en production comme des poules pondeuses pour fournir à l’Allemagne de vrais petits aryens, de futurs invincibles soldats. Le Lebensborn de Wégimont s’est développé sous la direction d’Inge Viermetz avec un personnel de jeunes aidantes et infirmières, et des médecins et gynécologues de Soumagne et de Liège.

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Cependant l’intendance laissait beaucoup à désirer et causait énormément de soucis aux autorités allemandes : la mort d’un bébé, une invasion de moustiques dus aux étangs, du personnel peu zélé contraignirent de transporter un temps les pensionnaires à l’hôpital de Bavière. Tout sembla ensuite rentrer dans l’ordre mais les Alliés approchaient. Mères et enfants furent séparés, envoyés en Allemagne dans d’autres institutions. Après la Libération, les petits parlant français ont pour la plupart été déclarés comme Français et placés en familles d’accueil ou adoptés par des Français.

Je vous propose la lecture d’un excellent article retraçant cette époque douloureuse. Le journaliste Joël Matriche reçut d’ailleurs le prix DEXIA pour ce travail : Jöel Matriche, Les Enfants belges du Führer.

Voici un lien vers ce travail mais il ne fonctionne pas sur Internet Explorer mais bien sur Google Chrome.

http://joelmatriche.com/lebensborn/?page_id=41

Après la Libération, le château servit de prison pour les militaires allemands puis de lieu de repos pour les GI’s.

Une histoire du château à travers le temps un peu plus détaillée :

http://www.provincedeliege.be/sites/default/files/media/268/Un%20bref%20historique%20du%20Ch%C3%A2teau%20et%20du%20Domaine.pdf

Ainsi donc ce domaine si plaisant et si fréquenté aujourd’hui nous cache bien des mystères inavouables!

Au féminin

Un petit livre que j’ai glissé dans ma mallette un jour de délibés, me disant que si les choses tiraient en longueur, j’aurais de quoi passer le temps agréablement. J’avais les clefs d’un joli monde.

Nous voilà dans un gynécée parisien où vivent Carla, Giuseppina, Rosalie, Simone et la Reine. À l’abri des hommes. Un mode de vie qui n’est pas un choix féministe mais une sorte d’instinct de survie car la vie les a bien cabossées, ces dames. Chacune a un sac à dos plein à ras bord de blessures, de désillusions, d’humiliations.

C’est ce que va nous raconter Karine Lambert dans son premier roman, L’immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes.  

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Carla partie se ressourcer en Inde, c’est Juliette qui va occuper son appartement. Car ces dames vivent en communauté dans un grand immeuble du XXème arrondissement de Paris mais avec chacune son espace à vivre personnel.

Juliette découvre un endroit calme, fleuri, reposant. Aucun homme n’y entre jamais. Pour toutes les situations de la vie quotidienne nécessitant l’intrusion dans leur résidence, elles font appel à des femmes. Un exception: Jean-Pierre, le matou… Elles ont fait allégeance au réglement édicté par la Reine, en souffrent parfois car même leurs fils sont interdits d’entrée. Mais le lieu ne ressemble en rien à un couvent, tout y est souvent joyeux, on y partage une fois par semaine un vrai festin.

Sauf que Juliette, elle, n’a en aucun cas renoncé à l’amour des hommes. Tout en respectant l’interdit, elle va quand même titiller les certitudes, chambouler les esprits. Vous pensez, elle est monteuse et ses films cultes sont Le Vieux Fusil, Des Dieux et des hommesOut of Africa et Sur la Route de Madison. Elle côtoie tous les jours l’expression cinématographique de l’amour sublimé…

Avec légèreté, l’auteur nous brosse le portrait de ces femmes. Giuseppina, la Sicilienne, « vendue » par son père à un mari qui ne voit en elle qu’une machine à satisfaire ses besoins de mâle. Simone tombée sous le charme de l’Amérique du Sud et de ses machos. Rosalie qui a vu son François d’amour prendre ses jambes à son cou quand elle a parlé de son désir d’enfant. La Reine, ancienne danseuse étoile qui a collectionné les aventures romanesques, mais dont le corps lâche inexorablement. Juliette? Elle, elle ne fut jamais aimée de ses parents qui l’oubliaient sciemment partout où ils le pouvaient… 

C’est vif, moderne, optimiste, désenchanté aussi et plein d’humour. J’ai lu certains commentaires de lectrices qui  avaient été déçues du manque de vrai féminisme revendicateur. Ce n’est pas le propos de cette histoire mais bien les stratagèmes que ces femmes ont trouvés pour s’en sortir dignement et chercher l’apaisement.

Je ne doute pas que ce livre délicieux sera bientôt porté à l’écran. Un film choral comme Vincent, François, Paul et les autres ou Le coeur des hommes mais où cette fois, ce seront les femmes les narratrices.

Et d’ailleurs, pourquoi ne pas jouer au petit jeu des actrices qu’on verrait bien dans tel ou tel rôle? J’attends vos suggestions! 

Parmi les scènes cultes de Juliette, il y a le final de Sur la route de Madison, le moment où Francesca tourne lentement la poignée de la portière… avec Meryl Streep au sommet de son art. On se la regarde? Tout juste sublime! 

     

Comme un opéra…

Pour tout amateur d’opéra, il faut pour son plaisir une ouverture, deux ou trois actes et un bis. Je les ai eus ! Je suis comblée avec ce nouvel opus « Rita ou la retraitée ravie ».

L’ouverture

Dominique de Saint-Lazare et Barbara en furent les conceptrices.  Dès la fin de mes jours de cours, le vendredi 5 juin, l’une m’envoya le parfait kit de la retraitée zen et l’autre me convia à un superbe repas agrémenté de cadeaux!

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Acte 1   

Pas de photo et pour cause, l’affaire était restée secrète jusqu’à son dénouement. Nous sommes le mercredi 16 juin, c’est mon dernier examen.  Les élèves de 3ème qui vont plancher déposent sur mon bureau ce petit mot. Attention bien émouvante mais qui me projette dans un abîme de perplexité. Leur ai-je vraiment appris quelque chose ??? hum, hum.

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Ensuite lentement mais sûrement, un défilé d’anciens élèves s’organise. Ils frappent à la porte de la classe, déclament un petit compliment, m’embrassent et m’offrent même des fleurs : la sidération commence. Puis à l’issue de l’examen, ce sont mes camas profs (les vieux et les jeunes!) qui déboulent dans la classe avec cadeaux et bouquets de fleurs. Et ce n’est pas tout, ils ont prévu un adorable apéro avec zakouskis et boissons en tous genres. Même Mich’ a fait le déplacement depuis Huy… séquence émotion!

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Le lendemain, c’est au tour d’un duo de bobonnes, Chantal, ma chère « madame Gligli » et Anne, de me convier à un petit resto et de m’offrir des cadeaux. Repas et après-midi bien agréables. Nous nous connaissons depuis si longtemps et elles sont retraitées depuis peu. Leur mine épanouie me dit que j’ai fait le bon choix… Cadeaux avec celui de Rosa en sus!

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Acte 3

C’était jeudi soir. « La » cérémonie officielle. Nous étions trois à être fêtées. Trois amies, cela tombait bien.

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Il y eut des fleurs, des cadeaux, des embrassades, des rires et des larmes, le verre de l’amitié et le banquet. 

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11018341_10204697435861473_5491639328166323351_n.jpgMais il y eut aussi LE MOMENT!!!

Oui, je vous l’avoue, le moment que j’attendais depuis des années était celui du discours de Micheline. Elle en avait composé de si délirants pour d’autres collègues que je voulais absolument avoir le mien itou! 

Il y a un an, elle m’avait lancé un S.O.S., l’inspiration lui manquait. Bonne joueuse, j’ai rempilé pour un an, histoire de lui donner un petit répit et le résultat fut au-dessus de toutes mes espérances… 

Elle sait tout de moi. 

Nous avons été si bonnes collègues, nous passant élèves et prépas. Elle m’avait légué son local après son départ ; donc en entrant chaque jour en classe, je pensais à elle…

Nous discutions aussi de littérature à la salle des professeurs, sous les yeux ahuris des autres qui se demandaient de quoi nous parlions avec tant de passion.  

Nous avons partagé des Delfosse, puisque son homme et le mien étaient de vagues cousins.

Elle est une fidèle lectrice de ce blog.

Mais elle a tout de même réussi à me surprendre !!!

Voici donc ce qu’elle a commis…

 

Quoi que vous en pensiez, les discours pour retraités,

Ce n’est vraiment plus ma tasse de thé.

Et pour chanter dignement celle que l’on fête aujourd’hui,

Il faudrait entendre, dans la langue du midi,

La voix talentueuse d’un vrai troubadour

Car Rita Leclercq, M’sieurs Dames, «  c’est du lourd  »,

Comme dirait mieux que moi son cher Luchini !

Mais j’avais promis d’être ici… et j’y suis.

Eh oui ! J’ai des dossiers sur toi, ma petite Rita…

Et tu risques de reconnaître le baiser de Tosca !

Sans avoir du beau Nicolas Le Floch le talent

Ni du commissaire Brunetti le charme troublant,

J’ai aussi mené mon enquête et j’ai interrogé

Quelques bobonnes habituées à certains dîners.

Elles n’ont pas hésité à se mettre à table

Et sont vite devenues intarissables.

C’est ainsi que j’ai pu vérifier

Que «  la dona e mobile  » !

D’abord place à Sainte Rita, patronne des cas désespérés :

Aider de jeunes Bosniaques à se rescolariser,

Epauler des gamines défavorisées

Pour qu’elles obtiennent enfin leur CEB,

C’est ce genre de prof qu’on a toujours appréciée.

Mais Rita est aussi la patronne des prostituées

Et une amoureuse des plaisirs de la vie comme toi

Peut oublier parfois de la juste mesure les lois.

Par exemple, quand on a connu ta discrétion

Nourrie de tact et de distinction,

On douterait du témoignage de Suzanne Micha

Qui, un soir, à Paris, derrière l’opéra,

T’a récupérée échevelée, débraillée,

Une manche arrachée,

Parmi les groupies et autres passionnées

A la sortie des artistes de Garnier.

Eh oui ! Sous prétexte que tu es fondue de musique classique,

Qu’on a donné ton nom à un opéra comique

Et que, toute petite, tu es montée déjà

Sur la scène de notre royal opéra,

Tu poursuis sans cesse de tes ardeurs de mélomane

Certains artistes lyriques dont tu admires… le bel organe !

«  Cosi fan tutte  » dis-tu ?… Pas sûr…

Qu’il se méfie ce jeune Péruvien photographié avec toi récemment !

Sait-il que tu l’appelles déjà ton Don Juan ?

Ta dévotion à Placido, personne ne l’ignore,

Et tu ne caches pas, en parlant de ce ténor,

Qu’il fait battre ton cœur plus que tout autre artiste.

Oui, mais quand Jaroussky entre en piste,

Conquise, tu déclares l’écouter jusqu’à l’ivresse.

Tu dis : «  Regardez son corps, ses bras, ses mains…  »… pourquoi pas ses fesses?

Puisqu’elle ne te choque pas, avoues-tu Rita,

La totale nudité sur scène d’un chanteur d’opéra !

Mais abandonnons ce sujet délicat

Et passons à Rita, la collègue très sympa.

Mille fois, tu l’as prouvé…

Quand Anne Léonard a dû s’absenter

Pour je ne sais quel brevet aquatique

A l’autre bout de la Belgique,

Supprimant ton jour de congé, tu n’as pas hésité

A faire passer des tests de math toute une matinée.

Aux quarante cours préparés au long de ta carrière

Tu as pu ainsi ajouter une nouvelle matière.

Or, de la distribution des livres au service social,

En passant par la présidence ou l’intendance de l’Amicale,

Tu jouais déjà bien des rôles à Pitteurs !

Tu ne comptais jamais tes heures…

Mais en les gaspillant parfois, ma belle

Comme ce jour, en mission pour l’ASBL,

Où tu as rapporté, avec Margaret,

Des sets de table, hideux, pour une fête.

En période électorale, c’eût été louche

D’en acheter des verts, des bleus ou des rouges…

Oui, vous aviez des restrictions de couleurs

Mais Nicole ne s’attendait pas à ces horreurs !

Peut-être que, prenant votre tâche à la légère,

Aviez-vous, en chemin, bu un petit verre ?

Car si on salue en toi l’intellectuelle

Amoureuse de la vie culturelle,

Ta jouissance des plaisirs terrestres

N’a jamais été en reste !

De la petite coupe dégustée dans ta jeunesse

Avec ta grand-mère…  «  pour dissiper la tristesse  »,

Aux montagnes escaladées pour cueillir du génépi,

Tu honores volontiers les vins de France et d’Italie,

Sans dédaigner le p’tit «  pèkèt  » du 15 août

Ni la crapuleuse Jupiler de chez nous.

On m’a rapporté qu’à Berlin, en voyage culturel,

Ne trouvant pas de verre dans votre chambre d’hôtel,

Tu as incité tes collègues à déguster du porto

Dans des godets de films photos !

Voilà le genre de prof à qui on a confié 41 ans

L’éducation de nos enfants.

Mais ce bonheur de vivre est dans ta nature

Et, dans ta vie privée ou à l’école de coiffure,

Il t’a bien aidée dans les moments les plus durs

A préserver ta vocation de passeuse de culture.

Tu as toujours été pour moi d’ailleurs

Une sorte de Jean d’Ormesson de Pitteurs.

Toujours enthousiaste et prête à partager

Tes émerveillements si variés.

Un bonus de Guillaume Gallienne

Une page de Philippe Delerm

Une escapade en Provence

Une étape du Tour de France

Des achats chez Gibert à Paris

Un grand air de Verdi…

Mille choses qui ont agi comme une Flûte enchantée

Pour recharger sans cesse les accus d’une passionnée…

Tu es venue nous dire que tu t’en vas pourtant

Sans attendre qu’on porte la retraite à septante ans !

Tu fais bien car tu es vraiment équipée

Pour déguster une retraite bien méritée.

Et même si tu rechignes à passer ton permis,

D’après ce qu’Anne Philippe en dit,

Avec un GPS greffé derrière les yeux

Tu vas, j’en suis sûr, d’ici peu

Sillonner des villes et des sites historiques

Reconvertie en guide touristique !

Mais en attendant, puisque aujourd’hui on a des verres,

Je propose qu’on se désaltère

Et qu’on les remplisse sans tarder… Pour trinquer à ta santé !

 

Comment vous dire mon état d’esprit pendant ce discours ? Je suis allée d’étonnements en découvertes, de stupeurs en tremblements de rire. Quelle virtuosité ! J’ai vécu 8 minutes et demie de pur bonheur. Merci, mille mercis, chère Micheline, car je sais ce que cela t’a coûté d’efforts pour ne pas dépasser les 10 minutes fatidiques selon Cécile (merci aussi à elle!).

Merci aussi à Marga, les deux Nicole, Pascal et Carine, Jean et Micheline pour leurs cadeaux. Merci à tous les collègues pour leur carte et la généreuse cagnotte qui l’accompagnait. Merci pour ces beaux bouquets !

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Merci enfin à tous les anciens qui sont revenus à l’école pour me fêter.

Le bis

P1050484.JPGC’est à Axelle que je le dois. Son petit montage de fleurs m’a beaucoup émue car je sais combien un euro compte dans le budget de sa famille. Qu’elle sache que je suis fière d’elle car elle a réussi son CE1D en français, pas si facile cette année, avec intelligence et panache ! La dernière grande satisfaction du prof que je fus…