Comme un opéra…

Pour tout amateur d’opéra, il faut pour son plaisir une ouverture, deux ou trois actes et un bis. Je les ai eus ! Je suis comblée avec ce nouvel opus « Rita ou la retraitée ravie ».

L’ouverture

Dominique de Saint-Lazare et Barbara en furent les conceptrices.  Dès la fin de mes jours de cours, le vendredi 5 juin, l’une m’envoya le parfait kit de la retraitée zen et l’autre me convia à un superbe repas agrémenté de cadeaux!

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Acte 1   

Pas de photo et pour cause, l’affaire était restée secrète jusqu’à son dénouement. Nous sommes le mercredi 16 juin, c’est mon dernier examen.  Les élèves de 3ème qui vont plancher déposent sur mon bureau ce petit mot. Attention bien émouvante mais qui me projette dans un abîme de perplexité. Leur ai-je vraiment appris quelque chose ??? hum, hum.

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Ensuite lentement mais sûrement, un défilé d’anciens élèves s’organise. Ils frappent à la porte de la classe, déclament un petit compliment, m’embrassent et m’offrent même des fleurs : la sidération commence. Puis à l’issue de l’examen, ce sont mes camas profs (les vieux et les jeunes!) qui déboulent dans la classe avec cadeaux et bouquets de fleurs. Et ce n’est pas tout, ils ont prévu un adorable apéro avec zakouskis et boissons en tous genres. Même Mich’ a fait le déplacement depuis Huy… séquence émotion!

Acte 2

Le lendemain, c’est au tour d’un duo de bobonnes, Chantal, ma chère « madame Gligli » et Anne, de me convier à un petit resto et de m’offrir des cadeaux. Repas et après-midi bien agréables. Nous nous connaissons depuis si longtemps et elles sont retraitées depuis peu. Leur mine épanouie me dit que j’ai fait le bon choix… Cadeaux avec celui de Rosa en sus!

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Acte 3

C’était jeudi soir. « La » cérémonie officielle. Nous étions trois à être fêtées. Trois amies, cela tombait bien.

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Il y eut des fleurs, des cadeaux, des embrassades, des rires et des larmes, le verre de l’amitié et le banquet. 

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11018341_10204697435861473_5491639328166323351_n.jpgMais il y eut aussi LE MOMENT!!!

Oui, je vous l’avoue, le moment que j’attendais depuis des années était celui du discours de Micheline. Elle en avait composé de si délirants pour d’autres collègues que je voulais absolument avoir le mien itou! 

Il y a un an, elle m’avait lancé un S.O.S., l’inspiration lui manquait. Bonne joueuse, j’ai rempilé pour un an, histoire de lui donner un petit répit et le résultat fut au-dessus de toutes mes espérances… 

Elle sait tout de moi. 

Nous avons été si bonnes collègues, nous passant élèves et prépas. Elle m’avait légué son local après son départ ; donc en entrant chaque jour en classe, je pensais à elle…

Nous discutions aussi de littérature à la salle des professeurs, sous les yeux ahuris des autres qui se demandaient de quoi nous parlions avec tant de passion.  

Nous avons partagé des Delfosse, puisque son homme et le mien étaient de vagues cousins.

Elle est une fidèle lectrice de ce blog.

Mais elle a tout de même réussi à me surprendre !!!

Voici donc ce qu’elle a commis…

 

Quoi que vous en pensiez, les discours pour retraités,

Ce n’est vraiment plus ma tasse de thé.

Et pour chanter dignement celle que l’on fête aujourd’hui,

Il faudrait entendre, dans la langue du midi,

La voix talentueuse d’un vrai troubadour

Car Rita Leclercq, M’sieurs Dames, «  c’est du lourd  »,

Comme dirait mieux que moi son cher Luchini !

Mais j’avais promis d’être ici… et j’y suis.

Eh oui ! J’ai des dossiers sur toi, ma petite Rita…

Et tu risques de reconnaître le baiser de Tosca !

Sans avoir du beau Nicolas Le Floch le talent

Ni du commissaire Brunetti le charme troublant,

J’ai aussi mené mon enquête et j’ai interrogé

Quelques bobonnes habituées à certains dîners.

Elles n’ont pas hésité à se mettre à table

Et sont vite devenues intarissables.

C’est ainsi que j’ai pu vérifier

Que «  la dona e mobile  » !

D’abord place à Sainte Rita, patronne des cas désespérés :

Aider de jeunes Bosniaques à se rescolariser,

Epauler des gamines défavorisées

Pour qu’elles obtiennent enfin leur CEB,

C’est ce genre de prof qu’on a toujours appréciée.

Mais Rita est aussi la patronne des prostituées

Et une amoureuse des plaisirs de la vie comme toi

Peut oublier parfois de la juste mesure les lois.

Par exemple, quand on a connu ta discrétion

Nourrie de tact et de distinction,

On douterait du témoignage de Suzanne Micha

Qui, un soir, à Paris, derrière l’opéra,

T’a récupérée échevelée, débraillée,

Une manche arrachée,

Parmi les groupies et autres passionnées

A la sortie des artistes de Garnier.

Eh oui ! Sous prétexte que tu es fondue de musique classique,

Qu’on a donné ton nom à un opéra comique

Et que, toute petite, tu es montée déjà

Sur la scène de notre royal opéra,

Tu poursuis sans cesse de tes ardeurs de mélomane

Certains artistes lyriques dont tu admires… le bel organe !

«  Cosi fan tutte  » dis-tu ?… Pas sûr…

Qu’il se méfie ce jeune Péruvien photographié avec toi récemment !

Sait-il que tu l’appelles déjà ton Don Juan ?

Ta dévotion à Placido, personne ne l’ignore,

Et tu ne caches pas, en parlant de ce ténor,

Qu’il fait battre ton cœur plus que tout autre artiste.

Oui, mais quand Jaroussky entre en piste,

Conquise, tu déclares l’écouter jusqu’à l’ivresse.

Tu dis : «  Regardez son corps, ses bras, ses mains…  »… pourquoi pas ses fesses?

Puisqu’elle ne te choque pas, avoues-tu Rita,

La totale nudité sur scène d’un chanteur d’opéra !

Mais abandonnons ce sujet délicat

Et passons à Rita, la collègue très sympa.

Mille fois, tu l’as prouvé…

Quand Anne Léonard a dû s’absenter

Pour je ne sais quel brevet aquatique

A l’autre bout de la Belgique,

Supprimant ton jour de congé, tu n’as pas hésité

A faire passer des tests de math toute une matinée.

Aux quarante cours préparés au long de ta carrière

Tu as pu ainsi ajouter une nouvelle matière.

Or, de la distribution des livres au service social,

En passant par la présidence ou l’intendance de l’Amicale,

Tu jouais déjà bien des rôles à Pitteurs !

Tu ne comptais jamais tes heures…

Mais en les gaspillant parfois, ma belle

Comme ce jour, en mission pour l’ASBL,

Où tu as rapporté, avec Margaret,

Des sets de table, hideux, pour une fête.

En période électorale, c’eût été louche

D’en acheter des verts, des bleus ou des rouges…

Oui, vous aviez des restrictions de couleurs

Mais Nicole ne s’attendait pas à ces horreurs !

Peut-être que, prenant votre tâche à la légère,

Aviez-vous, en chemin, bu un petit verre ?

Car si on salue en toi l’intellectuelle

Amoureuse de la vie culturelle,

Ta jouissance des plaisirs terrestres

N’a jamais été en reste !

De la petite coupe dégustée dans ta jeunesse

Avec ta grand-mère…  «  pour dissiper la tristesse  »,

Aux montagnes escaladées pour cueillir du génépi,

Tu honores volontiers les vins de France et d’Italie,

Sans dédaigner le p’tit «  pèkèt  » du 15 août

Ni la crapuleuse Jupiler de chez nous.

On m’a rapporté qu’à Berlin, en voyage culturel,

Ne trouvant pas de verre dans votre chambre d’hôtel,

Tu as incité tes collègues à déguster du porto

Dans des godets de films photos !

Voilà le genre de prof à qui on a confié 41 ans

L’éducation de nos enfants.

Mais ce bonheur de vivre est dans ta nature

Et, dans ta vie privée ou à l’école de coiffure,

Il t’a bien aidée dans les moments les plus durs

A préserver ta vocation de passeuse de culture.

Tu as toujours été pour moi d’ailleurs

Une sorte de Jean d’Ormesson de Pitteurs.

Toujours enthousiaste et prête à partager

Tes émerveillements si variés.

Un bonus de Guillaume Gallienne

Une page de Philippe Delerm

Une escapade en Provence

Une étape du Tour de France

Des achats chez Gibert à Paris

Un grand air de Verdi…

Mille choses qui ont agi comme une Flûte enchantée

Pour recharger sans cesse les accus d’une passionnée…

Tu es venue nous dire que tu t’en vas pourtant

Sans attendre qu’on porte la retraite à septante ans !

Tu fais bien car tu es vraiment équipée

Pour déguster une retraite bien méritée.

Et même si tu rechignes à passer ton permis,

D’après ce qu’Anne Philippe en dit,

Avec un GPS greffé derrière les yeux

Tu vas, j’en suis sûr, d’ici peu

Sillonner des villes et des sites historiques

Reconvertie en guide touristique !

Mais en attendant, puisque aujourd’hui on a des verres,

Je propose qu’on se désaltère

Et qu’on les remplisse sans tarder… Pour trinquer à ta santé !

 

Comment vous dire mon état d’esprit pendant ce discours ? Je suis allée d’étonnements en découvertes, de stupeurs en tremblements de rire. Quelle virtuosité ! J’ai vécu 8 minutes et demie de pur bonheur. Merci, mille mercis, chère Micheline, car je sais ce que cela t’a coûté d’efforts pour ne pas dépasser les 10 minutes fatidiques selon Cécile (merci aussi à elle!).

Merci aussi à Marga, les deux Nicole, Pascal et Carine, Jean et Micheline pour leurs cadeaux. Merci à tous les collègues pour leur carte et la généreuse cagnotte qui l’accompagnait. Merci pour ces beaux bouquets !

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Merci enfin à tous les anciens qui sont revenus à l’école pour me fêter.

Le bis

P1050484.JPGC’est à Axelle que je le dois. Son petit montage de fleurs m’a beaucoup émue car je sais combien un euro compte dans le budget de sa famille. Qu’elle sache que je suis fière d’elle car elle a réussi son CE1D en français, pas si facile cette année, avec intelligence et panache ! La dernière grande satisfaction du prof que je fus… 

  

18 commentaires sur “Comme un opéra…

  1. Je vous souhaite de tout cœur une superbe et magnifique nouvelle vie! Régalez-nous avec votre blog toujours… passionnant! L’attention de vos élèves est vraiment très touchante… et, comment dire… époustouflante! 😉
    Jean-Marc Onkelinx

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  2. Sans voix!
    Quelle finale en feux de Bengale!
    La dite Micheline est très douée, drôle, quel talent rigolo. Elle ne m’a pas l’air triste du tout!
    Je n’ai pas tout compris de ce beau et long opéra que tu décris, n’ayant pas été dans le sanctuaire de l’éducation nationale belge pendant presque un demi siècle, mais le cœur y est!
    Carpe Diem chère cousine, beau temps, mauvais temps la vie ludique et magnifique est désormais toute a toi.

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  3. Que d’indulgence pour la rimailleuse que je suis.! Je n’avais qu’un but : participer à l’hommage qui devait être rendu à une des meilleures profs que j’ai connues. Quel plaisir ce fut pour moi de jouer un petit rôle dans cette fête… Ma seule récompense espérée : te lire très souvent sur ton blog.

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  4. Mich’, arrêtons de nous jeter des fleurs, on en est presqu’aux pots, hihihi !!! J’ai un peu délaissé mon blog ces derniers mois en grande partie à cause du travail scolaire. Donc maintenant, je vais redémarrer plein pot (encore!). Les sujets ne manquent pas, certes, mais j’aime bien soigner un peu la forme, présenter les choses d’une manière originale, je n’ai pas toujours l’inspiration sur le moment et un post me demande parfois plusieurs jours de travail. Je l’écris, je le modifie, je cherche de la docu, un joli titre, un p’tit boulot, quoi ! Ma récompense, c’est de savoir que certains sont à l’affût de mes petites causeries et que cela leur apporte du bonheur.

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  5. Merci! Mais que dire du vôtre! Mon nouvel emploi du temps va me permettre de le lire plus attentivement et de réagir à vos articles toujours tellement intéressants. Dorénavant, deux rendez-vous avec vous : le lundi après-midi à l’U3A et le jeudi après-midi aux Chiroux. Des moments toujours passionnants!

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  6. Chère Dominique, ce fut une bien belle fête avec des étapes (pas comme un chemin de croix!). J’ai bien aimé ces étapes car elles m’ont permis de me détacher en douceur de ce boulot passionnant. Mais toute l’année scolaire fut traversée de petits deuils, quand j’avais fini de donner une leçon que j’aimais particulièrement, je me disais que c’était la dernière fois, j’étais un peu triste… Maintenant, il est temps de ranger les cahiers, classeurs et autres manuels scolaires. J’ai une énorme bibliothèque de livres de français et d’histoire. Je vais en garder certains car il y a déjà des parents qui me sollicitent pour des leçons particulières. Le reste, je crois que je vais le léguer à ma dernière stagiaire qui a vraiment la passion de l’enseignement ; ce qu’elle ne voudra pas, ce sera pour une école de devoirs ou une mission dans un pays francophone défavorisé… Les livres et le savoir qu’ils véhiculent doivent voyager!!!

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  7. Je ne suis pas rimeuse, la poésie, je ne sais pas faire et j’ai un peu honte à le dire, je n’aime pas trop la lire. Mais l’entendre dite par un grand comédien, oui! Pour Plácido, ce seront des bises virtuelles car je ne sais plus le rencontrer qu’à Paris. Et rien depuis Il Postino… Il y a une Traviata prévue mais ce n’est pas le rôle de baryton dans lequel je le préfère. J’aurais préféré Simon ou I due Foscari ou Nabucco ou Macbeth!

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  8. Mia cara Rita,
    un bel discorso, addirittura. Io son di cuore con te e spero che adesso ci vedermo un po piu spesso. Ti scrivo questo piccolo messaggio in italiano perchè io so che la tua seconda lingua di cuore è l’italiano. Ora che ormai avrai il tempo, chissà faremo insieme un bel giro turistico in questo bel paese du coltura che è la bella Italia. Come nella nostra gioventù.
    Baccioni.

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  9. Ma gente dame , ce blog sur ta retraite est un vrai régal à lire et que l’on savoure , tellement on est heureux de partager ce grand moment avec toi….
    Bravo à Micheline pour ce discours en vers dépeignant le portrait d’une grande dame et d’une prof. extraordinaire. J’ai aimé le lire et pour mieux le saisir , je l’ai fait à haute voix…car oui , j’aime la poésie .
    La cloche a sonné et l’école est finie…définitivement ? peut-être pas ! mais ce qui est sûr , c’est que ce 1er jour de la retraite signe le 1er jour du reste de ta vie alors PROFITES-EN BIEN . Mets ton réveil définitivement sur silencieux , habitue Bacchus à se lever plus tard et bonne et longue route vers cette nouvelle vie….avec moins de stress et plus de plaisir .

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  10. Chère Barbara, merci pour toutes ces gentillesses. Oui, j’ai bien l’intention de profiter au maximum de cette retraite. Beaucoup de projets me trottent dans la tête et j’espère que la plupart se réaliseront en ta compagnie, que nous les partagerons! Nous avons pas mal de centres d’intérêt communs et puis il y a l’amitié ! Partageons le bon, le meilleur et le moins bon, dans ce cas, nous serons plus fortes!!!

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  11. Caro Bruno,
    Ti ringrazio. È un po’ difficile risponderti in italiano perchè non ho più parlato ne scritto questa bellissima lingua da molto tempo. Forsé tornerò al corso l’anno scolastico prossimo ma ho voglia di libertà, non più vivere con un orario preciso nella mente. Dunque ho un po’ paura di troppo organizzare il mio tempo, i miei giorni. Voglio alzandomi potere farmi la domanda: « Che mi piacerebbe fare oggi? » e scegliere forse niente o un’altra attività. Capisci?
    Sicuro che tornare in Italia è nei miei progetti ma quando il cane sará al paradiso. Vorrei visitare les ville palladiane sulla Brenta e poi anche andare a Lucca, a Pisa e Roma che non ho mai viste ! E viaggiare con te sarebbe stupendo!
    Scusi per gli sbagli! Baci amichevoli a te Rita
    PS. OK per Amsterdam se c’è qualcosa di piacevole…

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  12. Hum, ce ne sont que des restes… Je suis allée au cours du soir deux fois par semaine pendant 3 ans puis pendant plusieurs années, j’ai fréquenté un cours de perfectionnement et une table de conversation. Mais j’ai dû les abandonner car j’avais trop de travail à l’école. J’avais un nouveau cours de français de 7 heures à préparer et je partais de rien, donc un fameux boulot. Ce qui fait que j’allais à l’italien sans jamais avoir eu le temps de lire ce que demandait le professeur. C’était devenu un fardeau. Donc j’ai tout abandonné il y a environ 6 ans. Peut-être vais-je m’y remettre pour préparer de futurs voyages… Bisous!

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  13. Pas vraiment, ma mère est arrivée en Belgique à l’âge de 3 ans et ses parents ont adopté le français comme langue courante pour accélérer leur intégration. Ils étaient les seuls italiens à des km à la ronde. ..dans les années 2 0. Ma mère ne le parlait quasiment plus à notre naissance. Dommage.

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