L’autre Montpellier

Sur l’air de L’autre Finistère des Innocents si vous le désirez !

Des Montpellier, il en existe de toutes les sortes : 11 avec un seul « l », essentiellement dans la sphère anglo-saxonne (États-unis, Irlande, Royaume-Uni), 6 avec deux « l » dans le monde francophone (France et Québec). Ce sont tous des noms de lieux.

P1050795.JPGCelui dont je vais vous parler, c’est un nom de famille et après bien des caprices de l’histoire, finalement belge : de Montpellier-d’Annevoie. Oui, celui des fameux jardins, perle du patrimoine wallon.

 

La famille d’abord!

Elle n’est pas du tout originaire du Languedoc comme on pourrait le croire. Un lointain ancêtre, Jehan Servais, étant parti faire des études de chirurgie à l’université de Montpellier, accole à son nom ce patronyme et s’installe dans la région namuroise. Ses descendants, spécialisés dans la sidérurgie, deviennent maîtres de forges, puis seigneurs et sont enfin anoblis en 1743 par l’impératrice Marie-Thérèse (oui, l’Autrichienne, la mère de Marie-Antoinette, vous comprendrez pourquoi plus tard). Le château d’Annevoie devient propriété de la famille par mariage.

Mais le grand homme de la famille, celui qui passera à la postérité, c’est Charles-Alexis de Montpellier. Il naît en 1717. Comme ses ancêtres, grande figure de la sidérurgie namuroise, il a engrangé d’énormes profits grâce auxquels de 1758 à 1776, il fait agrandir le château. Puis homme des Lumières, érudit et amateur de jardins (il a visité les plus beaux de France et d’Italie), il crée les jardins autour du Rouillon, un ruisseau qui cascade naturellement dans le domaine. Il meurt en 1807, à l’âge respectable de 90 ans.

Nous avons visité le domaine d’Annevoie le week-end dernier et nous nous sommes posé la question de savoir comment cet ensemble avait traversé la période troublée des révolutions.

Dans la jeunesse de Charles-Alexis, la région est autrichienne. En 1787, elle se soulève contre l’empereur Joseph II et fait partie  en 1790 de la Confédération des États belgiques unis qui ne vivra qu’un an (regroupant toutes les provinces belges ex-autrichiennes sauf la Principauté de Liège qui, elle, ne fut jamais autrichienne. Elle dépendait de l’empire allemand et avait fait sa propre révolution mais elle conclut très rapidement des accords avec la Confédération). Ensuite elle est annexée par la France et Namur devient la préfecture du département Sambre-et-Meuse. Après Waterloo, elle est, comme toute la Belgique, rattachée aux Pays-Bas. Puis vient la Révolution de 1830 et les descendants de Charles-Alexis en sont de grandes figures. Le domaine n’a donc jamais été en danger.

 

Et maintenant, les jardins!

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      Aujourd’hui, un jardin de 50 hectares avec 4 sources, 50 jeux d’eau qui fonctionnent depuis 250 ans sans interruption et de sublimes arbres de 200 ans d’âge…

 

C’est Charles-Alexis de Montpellier d’Annevoie qui, comme dit plus haut, crée ces jardins d’eau uniques en Belgique et parmi les plus beaux d’Europe (classés deux étoiles par le guide Michelin). L’eau est partout, cascadant sans aucune machine, par la seule pression et les déclivités naturelles du terrain étagé. On peut, au fil de sa promenade, se laisser envahir par le romantisme anglais, le raffinement italien, la géométrie à la française. Un écrin de verdure au sein d’un paysage forestier où on n’entend aucune rumeur de la modernité.

Pourtant, ce domaine est en perpétuelle mutation : depuis 1930, il ne cesse de s’agrandir et de se transformer. Malgré de sombres imbroglios financiers et immobiliers qui ont récemment conduit la Région Wallonne à y mettre bon ordre et à en devenir acquéreuse, il s’y passe toujours quelque chose : l’ouverture dès le printemps avec un marché artisanal, les superbes fêtes vénitiennes

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Un peu plus tard dans la saison, des concerts estivaux et même la célébration de Noël.

Lors de notre visite, notre parcours fut agrémenté par les superbes sculptures de Robert Arnoux (Issu de l’atelier de Soulages, il s’inscrit dans la lignée de Brancusi ou de Moore). Étonnant dialogue entre oeuvres d’art et nature, une vraie symbiose qui nous a ravies ! 

 

Je vous propose un album de 50 photos ci-contre à droite tout au-dessus (choix cruel, on se laisse aller, au gré de la promenade, à faire plus de 100 clichés qui vous semblent tous dignes d’intérêt…) Cliquez sur l’image puis sur  visualiser l’album et sur diaporama, c’est plus agréable.

La succession des photos correspond à la promenade conseillée.

L’entrée des jardins se fait par le coin inférieur gauche. On chemine ensuite de gauche à droite vers le buffet d’eau, le château, le miroir, la grande allée, les charmilles et le petit canal. Passé l’église (en rouge sur le plan), on entame la montée parmi de sublimes arbres centenaires vers le Grand Canal. Au sommet, on repart vers la gauche en direction du jardin de fleurs qui cascade vers le lac et retour vers l’Orangerie, où une bière locale vous attend. Deux heures et demie d’une promenade enchantée et apaisante.

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Si vous ne situez pas bien le lieu, c’est dans la haute vallée de la Meuse, entre Dinant et Namur.     

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 D’autres infos : http://www.annevoie.be/ 

Très Riche lieu d’histoire…

Vous connaissez? Mais si ! Tout visiteur de la capitale française a, au moins une fois dans sa vie, soulagé ses petons endoloris dans cet endroit champêtre. Un lieu pourtant chargé d’une histoire tumultueuse dans les siècles passés!

On le doit à Richelieu, le cardinal. Devenu ministre, celui-ci veut un pied-à-terre près de son lieu de travail, le palais du Louvre. Il acquiert un hôtel particulier qu’il transforme en palais avec un très vaste jardin limité par les rues de Richelieu, des Petits-Champs, des Bons-Enfants et Saint-Honoré. Il y meurt en 1642 après l’avoir légué par anticipation à Louis XIII. C’est le palais Cardinal.

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Plus tard, Anne d’Autriche s’y installe avec ses deux fils, Philippe d’Orléans et Louis XIV. Il prend alors le nom de Palais-Royal.

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Richelieu, amateur de théâtre, y avait fait construire une salle de spectacle privée. Louis XIV l’ouvre au public et y installe la troupe de Molière. On y donne également les opéras de Lully. Ayant brûlé en 1781, cette salle fut remplacée par un nouveau théâtre qui deviendra le Théâtre-Français (siège de la Comédie-Française).

Dès 1701, le palais devient la possession des ducs d’Orléans qui commencent un certain nombre de travaux, dont l’installation de boutiques, des maisons de jeu et de joie, une galerie de tableaux, un jardin planté d’arbres, une pièce d’eau.

9782253128755FS.jpgLe Régent Philippe II d’Orléans, ayant déserté Versailles, en fait le centre de la vie politique et artistique de 1715 à 1723 et  y organise des soupers libertins.

Je vous conseille ce livre de Michèle Barrière, dans lequel elle fait revivre cette époque. La haine du peuple pour le Régent, la Quatripartite pour éviter les guerres, les rumeurs, les espions qui sont partout, la crainte des empoisonnements, le Théâtre des Italiens et Marivaux, la guerre entre le Champagne et les vins de Bourgogne, la gastronomie dans ces soupers libertins, la pâtisserie et la parfumerie avec des mélanges qui nous semblent étonnants, c’est savoureux!   

En 1789, les Révolutionnaires s’y donnent aussi rendez-vous dès les premières heures.

 

C’est à la Restauration que Louis-Philippe donne au Palais-Royal sa physionomie actuelle.

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Il faut y ajouter une dernière modification à la fin des années 80 avec l’installation des colonnes de Daniel Buren.

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Les bâtiments, définitivement propriété de l’État en 1848, connaissent bien des utilisations: commerces, théâtres, musée, Bourse, Tribunal de Commerce, Comptoir d’escompte, état-major des gardes nationale et mobile…

Aujourd’hui, ils abritent notamment le Ministère de la Culture, le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’État ; la Comédie-Française et le petit Théâtre du Palais-Royal. Lors de la réfection de la salle Richelieu de la Comédie-Française en 2011-2012, on construit le long des colonnes de Buren un théâtre éphémère.

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Samedi dernier, dans ce jardin du Palais-Royal, nous avons fait un petit arrêt pique-nique bienvenu, dans notre long périple pédestre vers la Sainte-Chapelle.

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Aujourd’hui oasis de calme au centre de Paris mais au passé extrêmement riche et foisonnant dans les siècles précédents, n’hésitez pas à lire son histoire complète, c’est passionnant! Le passage au XXème siècle y laissera les souvenirs de la grande Colette et du restaurant gastronomique Le Grand Véfour.

La place Colette (1966 – André Malraux) devant la Comédie-Française qui sert souvent de parvis à des concerts improvisés et dont la bouche de métro de Jean-Michel Othoniel, est une des plus originales de Paris…

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L’histoire passionnante de ce restaurant gastronomique, qui se confond avec celle du lieu! (Vous pourrez également y consulter la carte alléchante et réserver… si les additions à 3 chiffres ne provoquent pas de reflux gastrique à votre portefeuille!) 

http://www.grand-vefour.com/legrandvefour/lhistoire.html

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« Quand je suis fatigué de lire mes dossiers et d’aligner les signatures sur les parapheurs, je sors sur la terrasse et je regarde les fenêtres de l’appartement de Colette à l’autre extrémité du Palais-Royal. je l’imagine quand elle remontait lentement les allées pendant la guerre, grosse et percluse d’arthrite, au bras de son mari Maurice Goudeket, dont elle assumait bravement l’étoile jaune et qu’elle avait réussi à sortir de Compiègne, l’antichambre de la mort… »

Frédéric MITTERRAND, La récréation, Le Livre de Poche, p.309 (Ministre de la Culture 2009-2012)

 

Je vous propose ce joli film dans lequel Colette, Raymond Oliver (celui qui fit renaître le Grand Véfour), Mireille, Cocteau et beaucoup d’autres repeuplent ce lieu mythique. (Les images ont été tournées alors que le théâtre éphémère coupait la perspective).