Au féminin

Un petit livre que j’ai glissé dans ma mallette un jour de délibés, me disant que si les choses tiraient en longueur, j’aurais de quoi passer le temps agréablement. J’avais les clefs d’un joli monde.

Nous voilà dans un gynécée parisien où vivent Carla, Giuseppina, Rosalie, Simone et la Reine. À l’abri des hommes. Un mode de vie qui n’est pas un choix féministe mais une sorte d’instinct de survie car la vie les a bien cabossées, ces dames. Chacune a un sac à dos plein à ras bord de blessures, de désillusions, d’humiliations.

C’est ce que va nous raconter Karine Lambert dans son premier roman, L’immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes.  

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Carla partie se ressourcer en Inde, c’est Juliette qui va occuper son appartement. Car ces dames vivent en communauté dans un grand immeuble du XXème arrondissement de Paris mais avec chacune son espace à vivre personnel.

Juliette découvre un endroit calme, fleuri, reposant. Aucun homme n’y entre jamais. Pour toutes les situations de la vie quotidienne nécessitant l’intrusion dans leur résidence, elles font appel à des femmes. Un exception: Jean-Pierre, le matou… Elles ont fait allégeance au réglement édicté par la Reine, en souffrent parfois car même leurs fils sont interdits d’entrée. Mais le lieu ne ressemble en rien à un couvent, tout y est souvent joyeux, on y partage une fois par semaine un vrai festin.

Sauf que Juliette, elle, n’a en aucun cas renoncé à l’amour des hommes. Tout en respectant l’interdit, elle va quand même titiller les certitudes, chambouler les esprits. Vous pensez, elle est monteuse et ses films cultes sont Le Vieux Fusil, Des Dieux et des hommesOut of Africa et Sur la Route de Madison. Elle côtoie tous les jours l’expression cinématographique de l’amour sublimé…

Avec légèreté, l’auteur nous brosse le portrait de ces femmes. Giuseppina, la Sicilienne, « vendue » par son père à un mari qui ne voit en elle qu’une machine à satisfaire ses besoins de mâle. Simone tombée sous le charme de l’Amérique du Sud et de ses machos. Rosalie qui a vu son François d’amour prendre ses jambes à son cou quand elle a parlé de son désir d’enfant. La Reine, ancienne danseuse étoile qui a collectionné les aventures romanesques, mais dont le corps lâche inexorablement. Juliette? Elle, elle ne fut jamais aimée de ses parents qui l’oubliaient sciemment partout où ils le pouvaient… 

C’est vif, moderne, optimiste, désenchanté aussi et plein d’humour. J’ai lu certains commentaires de lectrices qui  avaient été déçues du manque de vrai féminisme revendicateur. Ce n’est pas le propos de cette histoire mais bien les stratagèmes que ces femmes ont trouvés pour s’en sortir dignement et chercher l’apaisement.

Je ne doute pas que ce livre délicieux sera bientôt porté à l’écran. Un film choral comme Vincent, François, Paul et les autres ou Le coeur des hommes mais où cette fois, ce seront les femmes les narratrices.

Et d’ailleurs, pourquoi ne pas jouer au petit jeu des actrices qu’on verrait bien dans tel ou tel rôle? J’attends vos suggestions! 

Parmi les scènes cultes de Juliette, il y a le final de Sur la route de Madison, le moment où Francesca tourne lentement la poignée de la portière… avec Meryl Streep au sommet de son art. On se la regarde? Tout juste sublime!