Migration d’oiseaux…

Ce vendredi, j’ai assisté à un spectacle incroyable. Franchissant la Meuse tôt le matin pour me rendre au travail, j’ai soudain vu débouler un escadron d’une centaine d’oies cendrées qui commençaient sans aucun doute leur migration. Mais au lieu de croiser dans le ciel, elles avaient choisi de passer sous la Passerelle, au ras de l’eau, dans un ensemble digne de la Patrouille de France. Ce fut un spectacle inouï que j’ai pu contempler du petit promontoire qui donne l’impression romantique d’être accoudé au bastingage d’un paquebot.

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Croyez-moi si vous voulez, je fus la seule à m’arrêter… Mes compagnons de traversée n’ont, à mon avis, rien vu venir ni rien entendu. L’oeil fixé sur leur Ipod au cas où le sort de l’humanité dépendrait de leur Facebook, l’oreille bouchonnée par leur musique dématérialisée.

La nature leur réservait pourtant un moment inoubliable. Tant pis pour eux!

Que l’on parle d’oiseaux, je vous propose une vidéo que m’a envoyée ma cousine du Québec. Tchaikovsky mode cuisine chinoise, c’est du Nem de cygnes (pardon!)…  Poétique? Athlétique !

Gymnastique théâtrale liégeoise

Même si toutes les générations liégeoises et immigrées s’essayent au wallon et le font vivre tant bien que mal, Liège est une indécrottable cité francophone et à ce titre, elle se doit d’avoir un lieu de « théâtre parlé ».  Il faut avouer que depuis très longtemps, le théâtre parlé fut le plus mal loti, entre l’orchestre et la rénovation de sa salle, et la totale métamorphose de l’opéra.

Ceux de ma génération gardent un souvenir ému du Théâtre du Gymnase situé au pied des degrés du square Notger au sommet de l’antique place Saint-Lambert. Sa démolition fut vécue, pour tous les Liégeois, comme le premier acte de la tragédie de cette place. Le théâtre Royal du Gymnase… Royal et du Gymnase comme à Paris, oui, oui! L’esprit principautaire ne reculait devant rien à l’époque, on se la pétait un peu…  

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Après, où aller, où partir en exil? Mais chez Tchantchès, pardi! À Dju d’là Mouse, Outremeuse-sur-Meuse, rive droite. Le grand écart  au-dessus du fleuve, et il lui ouvrit les bras, l’accueillit pendant 37 ans. Ainsi naquit l’épisode du Théâtre de la Place, théâtre dit « éphémère » (hum)…

Le rêve de tout Liégeois : le retour de « son » Théâtre  sur la place Saint-Lambert, comme un pied de nez à l’histoire. Mais l’espace Tivoli, seul endroit encore non bâti, ne convenait pas. On finissait par se résigner :  condamné à jamais au préfabriqué, notre théâtre parlé…

C’est alors que naquit le projet de l’Émulation. Bâtiment à l’abandon, chancre culturel nargué par le siège du savoir, l’Université, juste en face. De deux misères réunies, pourquoi ne pas faire un miracle? C’est ce que nous avons découvert le samedi 5 octobre.

Voilà donc un nouveau théâtre à Liège, « le Théâtre de Liège »,  que le public fut convié à découvrir tout un week-end avec des visites, des concerts et des animations. La foule avait répondu en masse, ce qui me conforte dans l’idée que les Liégeois sont plus que jamais attentifs au moindre frémissement qui annonce la renaissance de leur ville, dont ils sont si fiers. Une attitude positive pleine d’espoir, je vous en reparlerai un peu plus tard.

Quand nous sommes arrivés en fin d’après-midi, le hall était encore plein à craquer de candidats à la visite. Les hôtesses nous ont découragés d’attendre mais nous nous nous sommes incrustés, nous voulions montrer aux enfants ce nouveau théâtre! Et nous fûmes vraiment vernis puisque, en tant que dernier groupe de la journée, nous fûmes pris en charge par le directeur lui-même, Serge Rangoni.

Quelle chance! Pour cause d’encombrement (toujours la foule, on frisait la rançon du succès), il nous emmena tout d’abord dehors contempler le bâtiment. Il nous parla avec passion de ce lieu, de son histoire. « Place du XX août », souvenir de fusillés à cette date en 1914 par l’armée allemande. Le bâtiment? incendié en représailles, reconstruit par l’asbl Société libre de l’Émulation dans un esprit assez rétrograde pour l’époque puisqu’il est contemporain de Flagey à Bruxelles, symbole de l’art Nouveau. 

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On saura tout : la visite se fera à l’envers, pour notre plus grand bonheur: des ateliers de costumes et des coulisses vers les lieux publics.

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Un restaurant gastronomique « Le Balcon de l’Émulation »,accessible même en dehors des spectacles, clair et ouvert sur l’extérieur.

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Rénovation vraiment très réussie avec la mise en valeur de la beauté intrinsèque du bâtiment et de son mariage avec des parois en bois, modernes mais très douces à l’oeil, rassurantes, accueillantes. Le visiteur-spectateur est comme cocoonné! 

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Seul regret : la salle de la Grande Main dont il nous avait expliqué toute la complexité architecturale nous restera fermée, les animations y avaient débuté. On ira comme spectateurs, c’est pas plus mal…  

Un fil conducteur : tous ces textes et petites phrases qui ponctuent chaque endroit:

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Le plafond du hall d’entrée est ceinturé d’une frise où l’on parle d’un Alberto et d’une Elsa…

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C’è Alberto M., il vero ? Moravia, sicuro! E la sua Elsa… Certo, ragazzi, non si puo essere che la stupenda Elsa Morante… Chè bellezza, no?

Et puis levez  les yeux, la verrière a aussi son secret…

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L’ensemble est complété au rez-de-chaussée par Le Café des Arts et une nouvelle librairie que je m’en vais visiter un de ces jours.

Un petit album des photos de la visite sur la colonne de droite pour ceux qui veulent en voir plus. 

Vous voulez connaître la Société de l’Émulation qui donna son nom au bâtiment ? Vous y rencontrerez Velbruck et de Launoit, des noms qui comptent à Liège!

http://www.emulation-liege.be/fr/Historique/7.html  

Viva Verdi!

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C’était hier, l’exact bicentenaire. J’ai fait le tour des sites et autres blogs musicaux que je fréquente régulièrement, tous rendent hommage au grand homme. Pourtant dans certains commentaires sur Facebook notamment, j’ai lu un certain mépris de la part de mélomanes plus enclins à aimer la musique de chambre, baroque, contemporaine. Et j’avoue que cela m’attriste. Oui, notre cher « Peppino » comme aimait l’appeler affectueusement son épouse est encore bien souvent considéré comme « populaire ». Pire, dans leur bouche, « vulgaire »…

Vulgaire, dites-vous? Sachant que le mot vulgaire vient du latin « vulgus » ayant notamment comme signification le peuple ou encore le public, j’en arrive à me dire que ce commentaire volontairement désobligeant dans la bouche de nos contemporains aurait drôlement bien plu au maître de Busseto ! 

J’ai souvent dit ici combien le peuple italien d’hier et d’aujourd’hui s’identifie à Verdi. Lors de mes voyages en Italie, il y eut plusieurs fois des catastrophes nationales, attentats ou tremblements de terre. La foule rassemblée ne chantait pas Fratelli d’Italia mais d’une seule voix, d’une seule âme « Va, pensiero« .

J’ai aussi dit souvent ici mon amour pour Verdi et son oeuvre. Un artiste toujours en évolution, ancré dans la tradition italienne mais à l’écoute de la modernité, la devançant parfois (ce magique Fastaff!). Un homme qui n’a jamais renié ses convictions, qui a combattu la censure, qui a mis en exergue l’intolérance de la religion catholique. Un homme libre qui a vécu sa vie intime en bravant tous les interdits, à la campagne de sucroît. Un homme politiquement engagé.  Un notable ayant mis son aisance pécuniaire au service des humbles et des faibles, la Casa  Verdi en est toujours un exemple remarquable.

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Statue de Verdi – Piazza Buonarotti, Casa di riposo per musicisti – Milano

 

Verdi, un musicien à « flonflons » comme on me l’a dit l’autre jour ?

De son oeuvre immense, faudrait-il choisir un seul exemple pour mettre à mal cet avis, que je proposerais l’incroyable duo de basses dans Don Carlo. Un duo de basses, déjà ça, c’est révolutionnaire! Et puis  nous voyons Philippe II, roi d’Espagne, se confrontant au Grand Inquisiteur sur la mise à mort de son fils pour raison d’état…et puis surgit la question de l’hérésie. Frissons garantis, les amis, et dites-moi si vous entendez les relents d’un bal musette dans cette partition sublime !  

 

Il ne faut pas non plus oublier que Verdi a créé une typologie de voix, le baryton qui porte son nom, un  emploi moderne, riche vocalement et théâtralement. Que feraient les barytons d’aujourd’hui sans Verdi? Pour les fans et pour les autres, voici le beau Dmitri Hvorostovsky, baryton sibérien dont j’ai découvert la voix en achetant par hasard son premier CD consacré à Verdi au marché de Vaison-la Romaine il y a 20 ans… Passions modernes d’Un Ballo in maschera !

 

Que dire encore? Voyez Otello ! Le sublime duo d’amour du 1er acte, Plácido Domingo et Kiri te Kanawa en direct du Covent Garden de Londres, sous la direction de Sir Georg Solti en 1992.            

 

Le plus bel hommage à Verdi, citoyen italien, homme du peuple, VULGUS donc pour certains. C’était le 20 mars 2011 à Rome, le maestro Riccardo Muti sonnait le début de l’hallali de Berlusconi… Va pensiero !

 

N’oublions pas Rigoletto, né sous la plume du grand « Totor » Hugo, qui se dresse contre les privilèges des grands. Et la Traviata, la Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils, femme libre victime du bon plaisir puis des préjugés des bourgeois. Personne ne peut résister à cette musique déchirante d’humanité.

Grazie a Lei, Signor Verdi !  

 

Petit quizz sympa… http://www.lamonnaie.be/fr/130/

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Superbes reportages et photos sur http://operachic.typepad.com/

 

36 chandelles X 1000… et beaucoup plus !

Et sans doute autant de visiteurs à cette nouvelle édition des Coteaux de la Citadelle à Liège. Est-ce le classement par le Huffington Post des escaliers de la Montagne de Bueren comme les plus extrêmes du monde, ou le pouvoir romantique des milliers de bougies, ou la météo idyllique de cette nuit, ou encore la légendaire convivialité des fêtes liégeoises? Peu importe ! En cette nuit du 5 octobre, Liège fut plus que jamais la Cité Ardente dans le quartier Hors-Château.

Ah! cette Montagne de Bueren, elle s’impose dans le panorama de Liège. On nous la fait contempler avec orgueil dès notre plus tendre enfance. De mon temps, le plaisir était double puisque la caserne des pompiers se trouvait au pied et avec un peu de chance, le vertige des escaliers se combinait au frisson de voir partir la grande échelle toutes sirènes hurlantes.

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Elle s’impose dans l’âme et la fierté liégeoise, le lieu mythique d’un fait d’armes désespéré des Liégeois attaqués par Charles le Téméraire et trahi par le Roi de France.

En 1468, la Principauté de Liège est cernée de toutes parts par les possessions des Ducs de Bourgogne, farouches opposants au Roi de France. Mariages, achats, héritages, et enfin installation d’un prince-évêque aux ordres de Philippe le Bon, tout est organisé pour faire céder Liège. On en vient à la guerre. Les Liégeois s’allient au roi de France Louis XI, qui les trahit. Charles le Téméraire, ayant succédé à son père Philippe le Bon, supprime toutes les libertés de la Ville et le Perron est envoyé à Bruges. Honte suprême.

Des patriotes liégeois tentent un coup de force : Jean de Wilde, Gosuin de Streel et Vincent de Bueren, alors que le Duc de Bourgogne et le Roi de France assiègent la ville en installant leur campement sur les hauteurs. Sont appelés à la rescousse 600 Franchimontois qui tentent la nuit du 29 au 30 octobre 1468, l’opération de la dernière chance. Ils échouent. Les soldats bourguignons mettent à sac la ville, la pillent et l’incendient ; le feu brûle pendant 7 jours, la ville est rasée.

La Montagne de Bueren symboliserait le chemin emprunté par les 600 Franchimontois, ce qui occasionne une méprise entre le nombre de soldats et de marches. Des marches, il y en a 374 à presque 30 degrés d’inclinaison, sur près de 200 mètres entre le quartier Hors-Château et le Citadelle.

Certains historiens pensent que les assaillants seraient plutôt montés par Sainte-Marguerite car le camp du Téméraire se situait vers la Côte d’Ans. Personnellement, j’ai habité toute ma jeunesse dans le quartier de Xhovémont-Saint Walburge et la rue des Neuves Brassines (en face du stade d’athlétisme Naimette-Xhovémont pour ceux qui connaissent), où habite encore ma maman, est considérée comme le lieu du camp bourguignon (entre la Citadelle et la côte d’Ans effectivement). Brassines voulant dire brasseries en français de l’époque, les Bourguignons parqués là ne buvaient pas que du pinard, c’est moi qui vous le dis!

La Montagne de Bueren telle que nous la connaissons aujourd’hui est une construction datant de la fin du 19ème siècle, suite à une décision du Conseil Communal, afin de permettre à la garnison en poste à la Citadelle de dégringoler rapidement en ville pour mater les soulèvements populaires. Donc un pur syndrome haussmannien, notre Montagne ? Tempérons : on dit aussi que ces escaliers permettaient aux soldats de ne pas passer par la rue Pierreuse où étaient installés cafés et péripatéticiennes…

Qu’importe l’histoire après tout ! Aujourd’hui, la Montagne de Bueren tout enflammée de dessins en bougies reste le clou de l’embrasement des Côteaux de la Citadelle chaque 1er samedi d’octobre. La version 2013 était, aux dires des spécialistes, particulièrement spectaculaire.

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Grâce à mon amie Barbara et à ses grands petits-enfants, j’ai vécu pour la première fois cette fête.

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Tout le quartier Hors-Château était illuminé de milliers de bougies, le chemin agrémenté de concerts, de stands de boissons et restaurations en tous genres (on est à Liège!).

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Arrivés à l’esplanade Saint-Léonard (là se situait la lugubre prison jusqu’en 1982  à l’architecture de château-fort, geôle des prisonniers politiques lors de la seconde guerre mondiale), on grimpe à travers bois par un chemin escarpé toujours parsemé de bougies jusqu’à la Citadelle. On chemine sur le promontoire, contemplant le panorama coloré de la ville avec, en prime, le champ de la foire d’octobre.

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Et puis, nous voilà au-dessus de cette fameuse Montagne qu’on redescend en slalomant entre les bougies. La foule est immense, certains grimpent et montent à la vitesse de l’éclair. Nous, nous nous arrêtons chez une collègue de Barbara qui vient d’y acquérir une maison. Tout étroite avec trois étages à l’escalier tournant raide à l’intérieur. Avec ceux de l’extérieur, je frise l’overdose et je me dis qu’à l’âge de vieillesse, il y aura de quoi déchanter, quel que soit… le charme indéniable de la maison!

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Nous vagabondons vers le Musée de la Vie Wallonne, dégustant une succulente pâtisserie et une bière bien rafraîchissante, les jeunes étant condamnés aux jus de fruits.

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Vers 23h30, un superbe feu d’artifice ponctue le milieu de la nuit, des effets pyrotechniques jamais vus, somptueux !

Il nous reste une heure avant le dernier autobus, nous nous laissons bercer par la foule bonne enfant et festive, faisant une dernière découverte au Collège Sainte-Croix, une église havre de calme polychrome dont je n’avais, je l’avoue, jamais entendu parler. Superbe!

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Nous traversons la Place du Marché aux terrasses surchargées de monde, une foule festive, heureuse, paisible. Pas un propos, pas un geste violent durant toute cette nuit, le bonheur! C’est Liège, tout simplement et merveilleusement.

Je vous propose un album de photos prises avec mon tout petit appareil numérique en pleine nuit mais il y a l’ambiance à défaut de qualités photographiques indéniables (!). Que cela vous donne l’envie de participer à la prochaine édition 2014, avec un p’tit rail de pekets aromatisés, why not? Nous, ayant charge d’âmes, nous avons terminé la nuit à la maison, un p’tit verre d’un joli Bordeaux en agréable somnifère. Journée full car avant, il y avait eu la visite de l’Émulation.

Compte-rendu pour demain, faut pas abuser des bonnes choses, même à Lîdje, crê vin d’jû!   

L’album, en haut à droite. Enjoy, piacere a tutti!