Diable préfabriqué

C’est à une autre époque, dans une autre vie que j’ai découvert Berlin. En octobre 2000, on y fêtait le dixième anniversaire de la réunification. L’avenir européen semblait radieux ; la guerre froide, définitivement enterrée ; la paix, à portée de main…

Si Paris s’enorgueillit de sa « Vieille dame de fer », la capitale allemande est, elle aussi, hérissée de tours. Vers l’ancien Berlin-Est, la fameuse Fernsehturm (la tour de la télévision) qui de ses 365 m permettait à la RDA de tout voir du côté ouest ; vers l’ancien Berlin-ouest, la Siegessäule ou Else d’or, colonne célébrant les victoires de la Prusse contre le Danemark, l’Autriche et la France ; La Funkturm (la tour de la Radio), relais vers « le monde libre »… Et pour poursuivre dans la comparaison avec Paris, dans le lointain ce qui pourrait faire penser au Sacré-Coeur!

Mais si on zoome, on aperçoit alors un bien étrange bâtiment complètement délabré.

C’est la Teufelsberg, la colline du diable avec à son sommet une ancienne « grande oreille » américaine, une des plus grandes bases d’espionnage du temps de la Guerre froide. On y recevait et décryptait tous les signaux venant du Bloc de l’Est, URSS comprise. Sa construction a commencé au début des années 60, s’est amplifiée dans les années 70 pour se terminer et fonctionner à plein régime dans les années 80.

La station de la NSA était parfaitement intégrée au paysage et aux loisirs berlinois avec des lieux de détente, une piste de ski, un grand lac et même un vignoble…

La disparition de l’URSS sonne le glas de la station. Elle est démantelée puis abandonnée. Aujourd’hui, ses ruines sont le témoin d’une époque pas si lointaine de l’histoire européenne et représentent un des plus grands lieux d’expression d’art urbain avec graffs, graffitis et tags en tous genres.

Des voix s’élèvent aujourd’hui pour réhabiliter le site mais tous les projets se heurtent au fait que la forêt environnante est classée désormais réserve naturelle.

Et pourtant, cette Teufelberg, cette colline du diable n’a absolument rien de naturel, c’est une création totale. Une création dramatique et assez morbide… Cette colline verdoyante de 120 mètres de haut a été construite dès 1950 avec 26 millions de m3 de gravats des ruines du Berlin bombardé.

Mais ce n’est pas tout! Ces tonnes de gravats ont enseveli un bâtiment que les Alliés voulaient voir disparaître à tout jamais : la Wehrtetechnische Fakultät, la faculté de génie militaire de l’université de Berlin… Un site imposant qu’il fut plus facile, même s’il avait été bombardé, d’ensevelir que de démolir.

Voilà donc l’étonnante histoire de cette colline du diable!

Si le site vous intéresse, il fait partie du programme de certaines agences touristiques lorsque les visites sont autorisées sur la base américaine… Quant à son avenir, il est depuis 2013 en discussion avec les différents intervenants politiques.

Il y a certaines vertes collines qui cachent décidément bien leur jeu…

Petit mais costaud!

Si vous voulez mieux me voir, cliquez sur chaque photo, elle apparaîtra en plus grand, sous forme de galerie!

Ce que c’est de vivre à l’ombre d’un grand arrogant qui surplombe la Seine de sa majestueuse verrière et qui prend ses aises sous les frondaisons des Champs-Élysées !

Me voilà donc réduit, en apparence, à la portion congrue de l’autre côté de l’avenue Winston Churchill.

Moi, le Petit Palais…

Mais je n’ai jamais abdiqué face à mon grand voisin rouleur de mécanique, foi de Clémenceau!

Depuis ma construction pour l’Exposition universelle de 1900, je fais mieux que me défendre. Mes visiteurs me trouvent un charme fou, renforcé depuis ma complète restauration en 2005.

Je renferme plus de 1300 oeuvres, de l’Antiquité au XIXème siècle, qu’on peut contempler gratuitement puisque je suis devenu un Musée de la Ville de Paris. Le tout complété par des expositions temporaires de prestige.

Mais je suis un joyau architectural à moi tout seul…

Conçu par Charles Giraud, celui-là même que Léopold II engagea pour la construction du Musée de Tervueren, après m’avoir admiré lors de son passage à l’Exposition. Il faudra plus de 20 ans pour compléter ma riche décoration intérieure. On me dit élégant et ingénieux grâce à mes 4 bâtiments en forme de trapèze et la variété de mes volumes se combinant autour d’un beau jardin semi-circulaire. Je suis certes monumental mais convivial.

Parcourez mes salles et galeries baignées de lumière, elle est y est belle et naturelle malgré un dimanche pluvieux de début février, avec partout des échappées vers l’extérieur.

Lors de ses déambulations, ma visiteuse est tombée en pâmoison devant les deux élégants escaliers des rotondes et leurs sublimes ferronneries. Avalanche de photos.

Mes collections d’œuvres d’art furent au fil du temps, grâce à des directeurs avisés et à des artistes donateurs, étoffées de sculptures et de tableaux des plus grands maîtres du XIXème siècle. Parmi ces personnalités, ma visiteuse tient à faire une place particulière à André Chamson qui prit ses fonctions en 1946, assura la reprise des activités du musée gravement endommagé lors de la Libération de Paris et la réintégration des collections mises à l’abri dans le Sud de la France.

Protestant cévenol, André Chamson s’inscrit dès le début des années 30 dans la lutte antifaciste en soutenant notamment les Républicains espagnols. Puis il organise avec Jacques Jaujard le déménagement du Louvre et l’évacuation des œuvres vers le musée Ingres de Montauban. Écrivain, il devient académicien. Sa fille, Frédérique Hébrard raconte l’action de ses parents dans un superbe livre « La Chambre de Goethe » dans lequel on découvre les tribulations de la Joconde mais également de nombreux tableaux qui, roulés dans les bagages d’André et de son épouse, passaient la ligne de démarcation et étaient cachés au Vigan, leur village natal cévenol. À lire par tous les amateurs d’art!

Et donc, ces collections, mes collections…

Tout le 19ème siècle est là! Delacroix, Courbet, Géricault, Bouguereau, Cézanne, Toulouse-Lautrec, les Impressionnistes et Monet avec « Impression soleil couchant », Berthe Morisot, les comédiennes et les demi-mondaines…

Dans une des galeries ouvertes en 2015, on peut admirer deux toiles monumentales de Delaroche et de Schnetz qui eurent chaud rétrospectivement. Commandées pour décorer l’Hôtel de Ville de Paris, elles ne furent pas acceptées, les sujets n’étant plus en odeur de sainteté. Elles échappèrent ainsi à l’incendie de 1871.

Octave Penguilly l’Haridon, Aristide Maillol, Pierre Bonnard, Rembrandt Bugatti… et puis des bronzes, des sculptures, du mobilier. Le tout de l’Antiquité à la guerre 14/18,

Et pour se remettre de toutes ces beautés, un petit tour au jardin et au restaurant. Le temps de février n’est pas très propice mais dès la belle saison, cela devient un havre de paix et de fraîcheur en plein Paris.

Bref, vous avez compris le propos de ma promeneuse d’un dimanche pluvieux de février. Je suis un lieu incontournable par son charme et sa haute tenue artistique. À ne rater sous aucun prétexte lors d’une prochaine visite parisienne! Je vous attends!

Entre les lignes (2)

Continuons donc notre découverte du Parc de la Villette.

C’est un jardin extraordinaire … de 55 ha qui se dévoile à nous derrière la Grande Halle. Il aura fallu l’action de trois présidents de la République pour que le lieu acquière sa physionomie actuelle. En 1973, fin des activités des abattoirs et comme c’est dans l’air du temps de Georges Pompidou, il est question d’une grande opération urbanistique et immobilière. Puis vint Valéry Giscard d’Estaing qui traîne souvent la réputation de ne pas avoir eu une politique de grands travaux. Pourtant, c’est grâce à son action que furent sauvés de la démolition la gare d’Orsay et sa reconversion en musée, et le site de La Villette avec projet d’un musée et d’un grand parc. Avec François Mitterrand, allait-on au clash? Au contraire, tout s’accélère sous la férule de Jack Lang. Une Cité de la Musique et un Musée des sciences et des techniques viendront contrebalancer dans l’ouest parisien l’érection de l’Opéra Bastille… Il y aura également un jardin ouvert, c’est le projet de Bernard Tschumi qui remporte le concours.

Entre les lignes, disais-je…

Le jardin est ponctué par deux grandes rectilignes nord-sud et est-ouest, la galerie couverte de La Villette et le canal de l’Ourcq. Une ligne sinueuse, la promenade cinématique, permet de parcourir 3 km à travers le jardin.

Il y a également des points, les Folies rouges. Les Folies (terme désignant au 18ème siècle des lieux de plaisance dans un jardin) sont au nombre de 26, construites sur la base d’un cube de 10,80m de côté et espacées de 120 mètres ; elles tissent ainsi une trame avec des fonctions variées (Folie Douce, Folie des Anges, Folie des vents et des dunes, Folie des merveilles…)

Et enfin des surfaces, les prairies et les différents jardins thématiques.

On se promène dans ce jardin, on s’amuse aussi !

Et pour en prendre plein les yeux, on va vers la Géode, gigantesque miroir aux alouettes, voisine de la Cité des sciences.

Le jardin est peuplé d’une multitude d’oiseaux que notre guide historien ornithologue nous a fait découvrir. Mais dans le parc de La Villette question musique, il y a aussi un Zénith, le Conservatoire supérieur de musique et de danse de Paris, la Cité de la musique et la nouvelle Philharmonie de Paris.

Au bout du jardin, on arrive aux écluses de Flandre et aux anciens moulins de Paris, souvenirs du passé industriel du lieu.

Et après cette visite éclair de 3 km à travers ce merveilleux jardin, flânerie pour immortaliser en quelques photos de plus des lignes, des lignes et encore des lignes. Que du plaisir!

Conclusion: Ne vous arrêtez pas à la Grande Halle et aux bâtiments voisins, partez en vagabondage dans ce pays vert plein de surprises et de zénitude!

Toutes les photos ont été prises le samedi 22 juin 2019 lors de notre visite à l’exposition Toutânkhamon.

Entre les lignes (1)

En attendant l’heure de notre visite à l’exposition Toutânkhamon, l’organisatrice de notre voyage avait prévu une promenade dans le parc de La Villette. Sympathique initiative après un voyage de plus de cinq heures en car, avais-je pensé, qui allait nous permettre de nous dérouiller les jambes et prendre un peu l’air avant de nous immerger dans le monde pharaonique.

La promenade fut guidée par un ornithologiste botaniste historien… et me fit découvrir un lieu chargé d’histoire et un parc de plus de 55 ha paisible, bucolique, roucoulant d’eau et parfois exotique, en plein 19ème arrondissement de Paris.

Mes connaissances du lieu se limitaient au fait que c’était là que se situaient les abattoirs de la ville de Paris, la grande halle étant réservée à la viande de bœuf, deux halles secondaires consacrées à la viande de mouton et à la viande de porc.

Mais la commune de La Villette, c’est bien plus que cela : elle se trouva comme d’autres coincée entre deux lignes, entre deux murs jusqu’au début du 20ème siècle : le Mur des Fermiers Généraux et les fortifications de Thiers, les fameuses fortifs dont parlaient tous les chansonniers!

Le Mur des Fermiers Généraux n’était pas une muraille défensive mais un carcan autour de Paris voulu par Louis XVI en 1780 pour collecter l’impôt. « Ce mur murant Paris, qui rend Paris murmurant » disait Beaumarchais. Ce mur ponctué de 54 bureaux d’octrois appelés « barrières » fut pris d’assaut dans la nuit du 12 au 13 juillet 1789, vrai signal de départ de la Révolution. Il fut définitivement mis à bas en 1860 sous l’impulsion du Baron Haussmann qui voulait étendre la superficie de la ville de Paris. ††††††Ce qu’il en reste aujourd’hui? La Rotonde du Parc Monceau (devenue toilettes publiques), la Barrière du Trône (limite entre les 11ème et 12ème arrondissements, y passaient également les fortifications de Philippe-Auguste et de Saint-Louis), la fameuse Barrière d’Enfer (Denfer-Rochereau) dont le rôle fut primordial dans l’insurrection de Paris lors de la Libération en août 1944 et célèbre pour les amateurs d’opéra puisque c’est là que se situe le 3ème acte de La Bohème de Puccini et enfin la superbe Rotonde de Claude-Nicolas Ledoux au bassin de La Villette.†††††

Les fortifications, elles, furent érigées sous Louis-Philippe par Thiers de 1840 à 1844, en réaction au traumatisme de voir les Russes envahir Paris en 1814 après la défaite de Napoléon. C’était un anneau de 35 km avec 95 bastions, 60 portes et 16 forts avancés auquel Vauban, l’architecte de Louis XIV avait déjà rêvé. Derrière la zone fortifiée, 250 mètres de zone inconstructible et ensuite une route empierrée pour la circulation des troupes. Les différents bastions furent reliés par le chemin de fer de la petite ceinture.

Ces « fortifs » se révèlent rapidement complètement obsolètes puisque les Prussiens bombardent déjà Paris en 1870. Mais elles avaient permis aux Communards de tenir en respect les troupes Versaillaises. Elles deviennent tantôt un lieu de jeux pour les enfants et de promenades, des potagers ou alors la fameuse « zone » (le terme date de l’époque) où apparaissent des bidonvilles pour les sans-abris et où se replient tous les malfrats…

Dès 1884, certains envisagent de les démanteler et de construire un grand boulevard circulaire « de promenades, de jardins et de sports ». Dans l’entre-deux guerres, de très grands architectes comme Le Corbusier rêvent de cités-jardins. Sortent de terre alors des habitations bon marché en brique rouge (HBM). Les bidonvilles, eux, sont petit à petit rasés sur l’ordre du gouvernement de Vichy dès 1943.

Même si elles sont très présentes dans l’imaginaire collectif, il reste peu de choses de ces fortifications. Quelques morceaux de bastions, des marques au sol pour les matérialiser, quelques murs et ponts et la petite ceinture ferroviaire qui est aujourd’hui en voie de réhabilitation écologique à certains endroits.

C’est qu’à sa place est venu s’implanter le périphérique. Envisagé dès 1954 et inauguré en 1973…

Dans son besoin de liberté et d’extension, Paris a ainsi fait sauter ses deux derniers murs d’enceinte. La commune de La Villette se trouvait coincée entre les deux. Depuis la réorganisation des arrondissements Paris en 1860, elle fait dorénavant partie du 19ème.

Elle est traversée par le canal de l’Ourcq, creusé sous l’initiative de Napoléon dès 1802 pour ravitailler Paris en eau potable mais ensuite devenu voie navigable, industrielle et commerciale avec un port parmi les plus importants de France. Traversée également par les routes vers les Flandres et l’Allemagne.

Prochain article : nous prendrons le frais dans le parc!

Et si la passionnante histoire des fortifications de 1840 à nos jours (puisque de nouveaux projets sont dans les cartons des paysagistes et écologistes afin de rendre un peu d’humanité aux abords du périph’) vous intéresse, une seule adresse : des récits, des images, des photos, une documentation inouïe!

http://www.laurentbaziller-graphiste.fr/fortifs/index.html

Sacré Nicholas…

En 1913, pour créer cette œuvre maîtresse de la musique du XXème siècle qu’est le Sacre du Printemps, ils étaient quatre : ††

Le directeur des Ballets Russes Serge Diaghilev, le compositeur Igor Stravinski, le chorégraphe Vaslav Nijinski et le scénographe Nicholas Roerich.

Nicholas Roerich (1874-1947) est alors un célèbre peintre russe. Diplômé de l’Université de Saint-Pétersbourg en droit et de l’Académie des Arts, il fréquente les figures intellectuelles de l’époque: Stassov, Repine, Rimski-Korsakov et Diaghilev. Il a déjà collaboré avec ce dernier pour les fameuses Danses polovtsiennes du Prince Igor.

Il se lie d’amitié avec Stravinski et le seconde dans l’élaboration de l’argument du Sacre du Printemps, par sa passion pour l’archéologie, les rites anciens et la philosophie. Il avait notamment visité avec Héléna, son épouse et muse, plus de 40 villes, en quête de monuments antiques et des racines de la culture russe.

Nous sommes en 1913. De nombreuses photos et dessins témoignent de la création du Sacre. Ce qui a permis de reconstituer la chorégraphie et la scénographie originales.

C’est à ce titre que le nom de Nicholas Roerich est à la postérité connu des mélomanes. Et cela aurait suffi à sa gloire.

Mais pendant les 35 ans du reste de sa vie, il va révéler bien d’autres facettes de sa personnalité!

Terminons-en avec l’époque des Ballets et Saisons russes.

Nommé directeur de l’École de la Société impériale de l’Encouragement des Arts, il participe à de nombreuses expositions partout en Europe. Les plus grands musées (dont le Louvre) acquièrent ses tableaux. Des livres et des magazines d’art lui sont dédiés. En 1916, il s’exile en Finlande pour des raisons de santé. L’y rejoignent des artistes fuyant la Révolution de 1917. Les frontières étant dorénavant fermées, il est condamné à rester en Scandinavie, s’intéresse à son folklore et continue sa collaboration avec Diaghilev notamment pour le ballet Peer Gynt.

En 1920, Roerich tente l’aventure américaine, devient le directeur de l’Institut d’art de Chicago et organise une tournée de grandes expositions dans 30 villes américaines. Un peu plus tard, il rencontre Louis L. Horch qui devient son mécène et fait construire « The Master », un building de 29 étages dont les deux premiers sont dédiés à son art.

Et c’est ici que le destin de Roerich bascule et devient original et universel!

Épris depuis toujours de philosophie orientale, Nicholas et son épouse Héléna créent l’Agni Yoga Society d’inspiration théosophique, dans la recherche de valeurs universelles. Ils entreprennent un immense voyage en Asie pendant lequel ils découvrent le Tibet. Le peintre nous lègue alors des centaines de tableaux et des écrits, témoignages de ces paysages lointains et de sa spiritualité personnelle.

Quiconque a visité l’Himalaya ne peut y rester insensible… Pour ma part, ils me rappellent mon propre éblouissement devant ces sommets qui vous toisent de leur splendeur glacée hypnotique mais plus encore, ces jeux de lumières, ces immenses ombres violettes qui balayent les oasis du désert minéral que sont le Ladakh et le Zanskar. Souvenirs personnels très forts!

Me permettrez-vous devant ces beautés de vous livrer deux souvenirs de cette région du petit Tibet que nous avons explorée en 1986?

Dans l’avion tombeau volant qui nous conduisait de Delhi à Srinagar, un ami membre de l’expédition m’appelle, il était près du hublot: « Des nuages à ton avis? » Devant nous barrant l’horizon de part en part une mer blanche… « Oui… non! la barrière himalayenne… » Tous les 8000 de la Terre sous nos yeux dont l’Everest!

À pied cette fois en gagnant le camp 1 sur le grand plateau du Nun-Kun que nous devions escalader. Une immense crevasse à passer à chaque ravitaillement mais l’effort et les risques encourus valaient la peine car on se retournait et on avait la gifle du massif du Nanga-Parbat, 3ème 8000 après l’Everest et le K2. En majesté. Rien que pour nous…

 

Revenons à Roerich! Il se métamorphose et il rencontre Nehru et Indira Gandhi…

Avouez qu’on est loin du dandy de Saint-Pétersbourg, de Paris et de New York! Mais ce n’est pas tout!

En 1929, il crée « la Croix Rouge de l’art et de la culture », devenu le Pacte Roerich en 1935 qui servit à l’établissement de la Convention de La Haye sur la propriété culturelle et artistique. Il est pour cela nominé pour le Prix Nobel de la Paix. L’UNESCO s’en inspire pour sa « Convention sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé », d’actualité devant les exactions de DAESH notamment…

Sa bannière de la paix qu’on retrouve dans nombre de ses tableaux:

Vous n’êtes pas au bout de vos surprises, une dernière car cet homme a des ressources insoupçonnées! Roerich est à l’origine de l’inclusion sur le dollar américain de la Grande Pyramide surmontée de l’œil de la Providence…

Nous voilà à la fin d’un voyage des plus étonnants, n’est-il pas, avec ce sacré Nicholas!

 

Quand Minna s’envoyait en l’air…

Après Gerda, cette Mina, elle va aussi vous emballer grave. Qu’est-ce qu’elle n’a pas fait par amour…

C’est mon professeur d’allemand qui m’a demandé de présenter à la classe un travail oral sur Wilhelmine Reichard, dont je n’avais jamais entendu parler. Merci, Ermin!

Reichard002Wilhelmine naît à Brunswick (Basse-Saxe) en 1788. Cette « Mädchen Minna » a un fameux caractère: elle quitte la maison familiale à 19 ans de son propre chef, pour vivre une grande histoire d’amour avec Johann Gottfried Reichard. Ils se marient le 6 août 1807 et trois mois plus tard, naît leur première fille…

Le couple part à Berlin. La vie n’est pas simple car Gottfried est encore étudiant en chimie. Il enchaîne les petits boulots, donne des leçons particulières, fait des conférences. En 1810, il réalise son plus grand rêve: il a construit un ballon à gaz et il réalise son premier vol. Il est le deuxième aéronaute allemand.

en_plein_airL’aéronautique est alors une discipline assez nouvelle. Le premier vol en ballon fut effectué en 1783 par les Frères Montgolfier et leur pilote François Pilâtre de Rozier. Ils sont montés à 200 mètres d’altitude et ont parcouru 25 kilomètres en 9 minutes.

Beaucoup d’autres vols eurent lieu ensuite et évidemment le premier accident en 1785: à Tullamore (Irlande), un ballon s’écrase mettant le feu à plus de 100 maisons. Les femmes volent également, d’abord accompagnées puis seules. La première fut Geneviève Labrosse en 1799. Madeleine Sophie Blanchard fut, elle, la première victime. Elle s’écrasa sur un toit en 1819.

Alors notre Wilhelmine rêve également de voler. Elle s’initie à la météorologie et fait ses premiers vols avec son mari. Et puis le 16 avril 1811, elle part seule et devient ainsi la première aéronaute allemande. Lors de son 3ème vol, elle atteint l’altitude de 7800 mètres, le record! Elle fait un malaise, le ballon s’écrase et elle est grièvement blessée.

Reichard013Reichard008En ces temps de guerres napoléoniennes, les Reichard s’installent à Döhlen (Freital) dans la banlieue de Dresde. Gottfried parle français, il va donc trouver un très bon emploi et  gagner pas mal d’argent. La famille peut enfin s’installer dans une jolie maison.  Gottfried voudrait également acheter une usine chimique et pharmaceutique, mais hélas, ses économies ne suffisent pas…

Minna a alors une petite idée: « La première aéronaute, maintenant jeune maman de trois enfants, reprend ses vols en ballon », voilà une nouvelle qui va plaire aux journalistes ! Ils écriront des articles dans leurs journaux et feront ainsi une publicité indirecte pour l’usine… C’est exactement ce qui se passe. En 1816, elle vole la première fois depuis son accident de 1811. En cinq ans, elle réalise ainsi 14 vols dans toute l’Europe, devient la coqueluche des paparazzi car ses exploits aériens ne l’empêchent pas d’enchaîner les grossesses, elle vole même enceinte de plusieurs mois…  Les scientifiques s’en mêlent, on suit ses exploits depuis la terre, notamment à l’observatoire de l’université de Leopoldberge.

Son dernier vol en solo: elle rejoint l’Oktoberfest à Munich.

L’usine est désormais opérationnelle et très rentable. Le devoir accompli, Wilhelmine décide de se consacrer uniquement à sa grande famille, elle a maintenant huit enfants…

Gottfried, lui, se révèle un scientifique en avance sur son temps et un homme d’affaires avisé. Il produits des substances pour le blanchiment, la teinture, les encres d’imprimerie et la pharmacie. Pour approvisionner son usine plus sûrement, il crée l’idée de partenariats avec les mines environnantes.

Mais l’envie de voler le titille encore. Il a construit un grand ballon avec une nacelle à trois places. En 1834, il vole avec sa fille Minna Angelika. En 1835, le couple Reichard rejoint Munich, ce sera leur dernier vol à tous les deux.

Reichard016 Gottfried meurt inopinément en 1844. Wilhelmine est écrasée de chagrin. Mais elle va se révéler encore une fois une femme en avance sur son temps: elle reprend la direction de l’usine, secondée par ses fils. Elle meurt quatre ans plus tard.
Wilhelmine reste très populaire en Allemagne. Des rues, des écoles, la route vers l’aéroport de Dresde portent son nom ainsi qu’un grand concours de montgolfières. De nombreuses voilures de ballon la célèbrent également.

 

 

 

Et pour les curieux, voici ma petite présentation orale en allemand…

Wilhelmine wurde 1788 in Braunschweig (Niedersachsen) geboren.
« Mädchen Minna » hat einen starken Charakter !
Mit 19 Jahren verlässt sie das Elternhaus und gründet ihre eigene Familie.
Am 6. August 1807 heiratet sie den Chemiker Johann Gottfried Reichard und drei monate später ist ihre erste Tochter geboren.
Das Paar lebt in Berlin aber die finanzielle Lage der jungen Familie ist schlecht, weil Gottfried noch Student ist. Er macht verschiedene Berufe, gibt Privatstunden und Konferenzen.
1810 erfüllt er doch seinen größten Wunsch: Er hat einen Gasballon konstruiert und macht seinen ersten Flug. Er ist der zweite deutsche Flieger.

Hier ist eine kleine historische Erinnerung über Ballons 
1783 ist in Frankreich der erste Ballonflug. Die beiden Brüder Montgolfier und ihr Pilot François Pilâtre de Rozier steigen bis 200 Meter in die Höhe und fahren 9 Kilometer in 25 Minuten. Viele anderen Flüge finden statt und 1785 ist es der erste Unfall : ein Ballon fällt auf die Stadt von Tullamore in Irland und steckt mehr als hundert Häuser in Brand.
Frauen fliegen mit Männern. Dann alleine : die erste, Geneviève Labrosse 1799. Sie macht auch den ersten Fallschirmsprung. 1819 ist Madeleine Sophie Blanchard das erste Opfer, sie fällt auf das Dach eines Hauses.

Unsere Wilhelmine träumt auch zu fliegen.
Sie wird am 16. April 1811 die erste deutsche Fliegerin. Bei ihrem dritten Flug steigt sie bis zu 7800 Metern, das ist der Höhenrekord. Sie fühlt sich sehr schlecht und ihr Ballon stürzt ab. Sie ist schwer verletzt.

Die napoleonischen Kriege kommen an. Die Reichard leben in Döhlen in der Nähe von Dresden.
Gottfried spricht französisch und findet eine gute Arbeit. Er kann geld sparen und er will eine Chemische Fabrik kaufen. Aber er hat nicht genug Geld.
Dann hat Wilhelmine eine Idee : Sie ist eine Mutter mit drei Kindern und wenn sie erneut fliegt, schreibt die Zeitung Artikel und macht Werbung für die Fabrik…

Ihr erster Flug nach dem Unfall von 1811 findet 1816 statt.
Bis 1820 macht sie 14 Flüge in ganz Europa. Ihr letzter Flug ist seit Erde im Observatorium der Universität von Leopoldsberge beobachtet.

Gottfried kann seine Fabrik drehen. Wilhelmine hat ihm mit ihren Flügen sehr geholfen. Sie kehrt zu ihrer Rolle als Mutter zurück, sie hat acht Kinder jetzt.

1834 baut Gottfried nochmals einen Ballon mit einer Gondel für drei Personen. Er fliegt mit seiner Tochter Minna Angelika.
1835 reist das Paar Reichard mit diesem großen Ballon zum Oktoberfest, von Döhlen nach München. Es ist ihr letzter Flug.

Gottfried stirbt 1844. Für Wilhelmine ist der Tod ihres Mannes sehr schmerzvoll aber sie nimmt mit ihren Söhnen die Leitung der Fabrik .
Sie stirbt 1848.
Wilhelmine Reichard bleibt sehr berühmt in Deutschland. Ein Ballonwettkampf trägt ihren Namen in Dresden.

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Une super nana!

Être inhumée au cimetière du Père-Lachaise exactement le jour de ses 27 ans en présence d’une foule de plusieurs milliers de personnes dont Aragon et Pablo Neruda, voilà le point final de la vie de Gerta  Pohorylle.

838_gettyimages-1004315622Nous sommes le 1er août 1937 et tous rendent hommage à la première femme photographe de guerre. Martyre de l’antifascisme, cette « pequeña rubia » couvrait la Guerre Civile espagnole aux côtés des Républicains.

Née à Stuttgart, elle avait déménagé avec sa famille à Leipzig où elle avait déjà tâté de la prison à cause de ses idées révolutionnaires et de distribution de tracts anti-nazis. Juive d’origine polonaise, elle finit par fuir l’Allemagne. Elle ne reverra jamais sa famille. La voilà réfugiée à Paris en 1933 avec, pour survivre, un emploi de dactylo à mi-temps. Elle y fréquente également les cercles intellectuels et les militants socialistes allemands en exil. Elle finit par décrocher un poste d’assistante à l’agence Alliance-Photo.

En septembre 1934, elle est installée à la terrasse du Dôme et un jeune homme l’aborde. Il se nomme Endre Ernö Friedmann, est Hongrois et reporter-photographe. Il arrive tout juste de Berlin. Il parle très mal français et n’a pas de travail. Ils tombent immédiatement amoureux et entament une relation passionnée.
73efde0c-8137-11e8-98a9-8f8934803a67Elle contribue financièrement à son départ pour l’Espagne en proie à la guerre civile et à son retour, l’aide à développer ses négatifs, à les légender et à en assurer la vente. Elle est trilingue et possède une solide formation commerciale mais cela ne suffit pas, ces photos n’attirent pas une véritable clientèle. C’est alors qu’elle a une idée de génie  : les clichés de l’obscur juif hongrois Endre Ernö Friedmann vont devenir ceux de Robert Capa, flamboyant et mystérieux reporter américain fraîchement débarqué en Europe. L’effet est immédiat, le succès au rendez-vous. Quant à elle, ayant obtenu une carte de presse et s’étant familiarisée avec la technique photographique, elle se métamorphose en Gerda Taro.

Deux nouveaux noms et une nouvelle vie : à l’été 1936, ils partent ensemble pour l’Espagne. Ils soutiennent la cause républicaine et suivent les Brigades Internationales formées par des volontaires venus du monde entier. Puis avec leur ami Daniel Seymour dit Chim, ils témoignent de la violence des combats mais également de la vie du peuple.

On peut à cette époque faire la différence entre les clichés de Capa et ceux de Gerda Taro. Au début, lui utilise un Leica au format carré ; elle, un Rolleiflex, au format rectangulaire. Pourtant, ils sont déjà référencés au mieux « Capa et Taro » ou simplement « Capa ». Les choses se compliquent encore un peu plus quand Gerda utilise elle aussi un Leica. C’est d’ailleurs grâce à cet appareil qu’on lui attribue un surnom: « La Fille au Leica » (titre également d’un roman d’Helena Janeczek sur la vie de Gerda).

 

Le soldat qui tombe  ou Mort d’un soldat républicain (la photo la plus célèbre de la Guerre d’Espagne, de Capa) – Capa photographié par Gerda

Gerda photographiée par Capa

Au fil du temps et des reportages, Gerda veut conquérir son propre style de photographies : montrer la mort, la souffrance, la furie du combat sans fioritures. Capa, lui, veut l’épouser mais elle refuse. Elle repart seule en février 1937 alors que Capa reste à Paris pour préparer leur voyage commun en Chine.

Quelques photos définitivement attribuées à Gerda (elle travailla notamment pour Ce soir (le journal du parti communiste français), Regards et LIFE)

 « Si tes photos ne sont pas bonnes, c’est que tu n’es pas assez près », lui disait Capa.

Le 25 juillet 1937 alors qu’elle mitraille de son Leica la résistance farouche des Républicains à Brunete sur le marche-pied d’une voiture, un char la heurte et la fauche.  Ainsi meurt la première femme reporter de guerre après une carrière de seulement onze mois…

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Si sur le moment sa mort provoque une émotion immense, Gerda sombre rapidement dans l’oubli ou plutôt est des milliers de fois citée simplement comme la compagne (et selon les dires de celui-ci le seul véritable amour) de l' »ogre » Capa.

En effet, Capa devient rapidement le meilleur reporter de guerre du monde. Il couvre l’invasion japonaise de la Chine en 1938, la Seconde Guerre mondiale (il est le seul journaliste présent lors du Débarquement du 6 juin 1944), la Guerre d’Indochine où il meurt en 1954, ayant marché sur une mine. En 1947, il fonde avec Henri Cartier-Bresson, George Rodger et Daniel Seymour l’agence MAGNUM.

Toute la famille de Gerda ayant disparu lors de l’Holocauste, il n’y eut personne pour prendre soin de son héritage qui fut en partie englobé dans l’œuvre de Capa sauvegardée par Magnum. Il était donc presqu’impossible pendant longtemps de retrouver précisément les photos de Gerda prises lors des reportages partagés avec Capa.

Il faut attendre 1994 pour qu’Irma  Schaber « rétablisse Taro dans son rôle de photographe indépendante majeure, digne d’intérêt au-delà de sa liaison avec Capa ».

th6SJ7PBZUEt puis en 2008, surgit l’affaire dite de « la valise mexicaine ». On découvre au Mexique trois boîtes contenant 4500 négatifs, pour l’essentiel des images faites par Capa, Taro et Chim en Espagne entre l’été 1936 et mars 1939. Dans ce trésor, il y a 800 négatifs de Gerda…

Également des photos de Gerda prises par Fred Stein qui nous dévoilent une jolie jeune femme.

« Le mystère de la valise mexicaine »

À la déclaration de guerre, Capa doit quitter en urgence la France pour les États-Unis. Dans son studio parisien, au 37, rue Froidevaux, derrière le cimetière du Montparnasse, il laisse des boîtes contenant son travail et celui de ses amis, soit près de 4 500 négatifs et tirages de la guerre d’Espagne. Son ami Csiki Weisz, un photographe hongrois, lui aussi réfugié à Paris, les emporte à Bordeaux : « En 1939, alors que les Allemands approchaient de Paris, j’ai pris tous les négatifs de Bob et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer sur un bateau à destination du Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de déposer les boîtes de films au consulat pour qu’elles y restent en sûreté. Il a accepté. » Puis, plus de traces des trois fameuses boîtes. Pendant près de soixante-dix ans, on les recherche inlassablement. Jusqu’à ce qu’un cinéaste mexicain les reçoive en héritage et se décide à les remettre en 2007 à l’International Center of Photography. Le trésor : 4500 négatifs dans trois boîtes scrupuleusement compartimentées en 50 cases numérotées et commentées sur l’envers du couvercle. On peut donc lire au crayon les sujets, les noms de lieux et des personnes correspondant à chaque pellicule.

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Ainsi Gerda Taro est enfin sortie de l’ombre! Pour mieux la connaître, trois livres…

 

Les villes de Stuttgart et de Leipzig, notamment, lui ont rendu hommage en donnant son nom à une école et à une place.

À Tervuren, « tout passe sauf le passé »…

C’est le titre du livre du sociologue flamand Luc Huyse (consacré à l’Apartheid) qui accueille dorénavant le visiteur de l’Africamuseum de Tervuren.

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Auparavant pavillon colonial lors de l’exposition universelle de Bruxelles en 1897, il se métamorphose en « Musée colonial » par la volonté du roi Léopold II ( inauguré en 1910 par Albert 1er). Il portera ensuite le nom de « Musée du Congo belge » et après 1960, « Musée Royal de l’Afrique Centrale ».

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20190119_100946Le voici  par un samedi gelé de janvier 2019, s’étant refait une virginité décolonisatrice, avec adjonction d’une aile d’accueil moderne à l’extrême gauche où je me trouve (avec l’excellent restaurant TEMBO que je vous recommande chaudement).  On rejoint le palais-musée par un couloir souterrain plein de surprises.

 

Pour mieux savourer la métamorphose, jetons un coup d’œil sur son passé…

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Si le buste du roi Léopold II a été aujourd’hui remplacé par la sculpture « Souffle nouveau » d’Aimé Mpané, c’est pourtant bien grâce ou à cause de ce souverain que la Belgique va devenir une nation colonisatrice et richissime jusqu’à l’après-deuxième guerre mondiale. Et ainsi que de fabuleuses  collections uniques au monde vont être engrangées.

Léopold II fut le monarque qui fit entrer la Belgique dans l’ère de la modernité industrielle et architecturale qu’il avait découverte en Angleterre et dans le Paris du baron Haussmann. Rendons à César…

Mais comme ses voisins européens, il avait des ambitions colonisatrices.

Dès 1876, il organise une association internationale comme paravent pour son projet privé d´exploitation des richesses de l’Afrique centrale (caoutchouc et ivoire). Il est aidé par  Stanley contre l’explorateur français de Brazza pour acquérir des droits sur la région du Congo. La région devient sa propriété personnelle, qu’il agrandit avec le Katanga. Ayant pris comme exemple les méthodes brutales des Hollandais face aux populations autochtones notamment « les mains coupées », il est mis en cause dès 1894 par les autorités internationales qui organisent une Conférence internationale sur le sujet. Il est jugé par ses pairs et se voit alors contraint en 1908 de céder ses biens à l’État belge ; biens qui deviendront le Congo belge jusqu’à l’indépendance en 1960.

Léopold II organise en 1897  à Bruxelles une Exposition internationale. Le pavillon africain est construit à Tervuren avec un village africain « zoo humain » selon la tradition de l’époque.

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Le succès fulgurant amène Léopold II à envisager la construction d’un véritable musée colonial, le Musée du Congo. Il engage Charles Giraud, l’architecte du Petit Palais de Paris. Mais le roi meurt en 1909 et c’est son successeur Albert Ier qui l’inaugure.

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Le musée changea de nom, certes, mais eut du mal à se moderniser…

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La transformation fut envisagée dès 2007. Il s’agissait de mettre les collections au goût du jour muséal mais également de les « décoloniser », de faire découvrir et admirer le patrimoine culturel et naturel de l’Afrique centrale. Dans la foulée, des associations réclamèrent la restitution de certains objets aux états africains. La position actuelle du musée est de dire que ces centaines de milliers d’objets, témoins d’une civilisation essentielle à la compréhension de l’aventure humaine, ont été sauvés de la destruction par l’action muséale.

Et pour ma part, je suis de cet avis.

Je ne suis jamais allée en Afrique, je ne suis pas portée instinctivement vers cette civilisation  mais que de merveilles ai-je découvertes lors de cette visite! Les yeux totalement écarquillés… Et je comprends la fascination des artistes européens du début du XXème siècle face à elles…  Peut-être les odeurs de la savane et de la forêt tropicale vont-elle me titiller?

La découverte du désormais Africa-museum  de Tervuren s’est faite en deux temps

La visite du matin fut plutôt consacrée à l’architecture primitive et à la rénovation.

En route pour le couloir souterrain. Tout commence par cette immense et lourde pirogue (plus de 22 mètres de long, pas loin de 4 tonnes confectionnée dans un tronc de Sipo)  utilisée par Léopold III. Dernier objet à quitter le vieux musée, elle fut la première à entrer dans le nouveau. Placée dans le couloir souterrain,  elle fut installée lors de la construction. Impossible de la sortir aujourd’hui…

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On passe ensuite, toujours dans ce couloir, par le dépôt. Lieu dans lequel sont consignées les statues colonialistes…

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Ensuite, promenade dans un bâtiment exceptionnel… L’architecture initiale est respectée avec une touche de modernité indéniable

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L’après-midi, visite d' »objets »… Des masques, des statues, des objets par milliers d’une beauté insolente, émouvante. Quelques photos, moisson bien dérisoire…

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Et les animaux, dont l’emblématique éléphant, dans la grande section de la biodiversité fréquentée par des centaines d’enfants!

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On en ressort à la nuit tombée. Lune glaciale sur le parc engourdi et l’étang gelé mais que de merveilles au fond des yeux !

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Une visite s’impose.

Une visite? ça ne suffira pas pour aller à la découverte de ce musée à nul autre pareil!

Un Espagnol flamboyant

Reverte1Arturo Pérez-Reverte

Un nom découvert au gré de l’inspection nonchalante des rayons d’une librairie, mon nez de lectrice compulsive au vent en quête de nouveauté.

J’avoue humblement  à ce moment ne pas le connaître du tout, mais le sujet du livre que j’ai entre les mains m’intéresse, passion familiale oblige : la traque par une historienne de l’art urbain de Sniper, le roi des graffeurs espagnols.

Franc-tireurC’est La patience du Franc-tireur. De Madrid à Lisbonne, de Vérone à Naples, Alejandra le traque sans répit et au péril de sa  vie, ce Sniper. Le récit se transforme en thriller à la lecture ; ce n’était pas l’essentiel pour moi, mais bien  la découverte artistique et sociétale du Street-art, la vraie guérilla urbaine qu’elle engendre, suintant l’adrénaline et la rébellion. Rites et rixes à l’assaut de la ville. J’ai lu un chouette livre et j’ai appris bien des choses au fil des pages! Ce Pérez-Reverte me plaît décidément beaucoup. Premier contact réussi.

Né en 1951, licencié en Sciences politiques et en journalisme, Arturo Pérez-Reverte a travaillé longtempsArturo_Pérez-Reverte comme grand reporter et correspondant de guerre pour la télévision espagnole, sur tous les conflits de la seconde moitié du 20ème siècle. À la fin des années 90, il se reconvertit en romancier avec des succès mondiaux. Plusieurs de sa vingtaine de romans ont été portés à l’écran. Élément important pour la suite: il est membre de la Real Academia de Letras d’Espagne.

Il m’a charmée, cet homme, et j’ai donc encore bien des lectures futures pour perpétuer le plaisir. Que j’aime cette sensation de rendez-vous à venir!

Cela n’a pas tardé. Une nouvelle flânerie dans mon lieu de perdition préféré et sous mes yeux, un objet de convoitise irrésistible à la lecture du résumé-apéritif…

deux hommesDeux hommes de bien, un merveilleux roman historique mais pas que. Vous allez voir.

Comme le disent les critiques littéraires, Pérez-Reverte considère ses lecteurs comme des gens intelligents. Et nous, les lecteurs en question, on apprend, on savoure, on jubile au rythme d’une véritable saga qui exalte aussi le sentiment d’amitié.

L’Académie royale d’Espagne (à laquelle appartient aujourd’hui Reverte comme dit précédemment) demande à deux de ses membres d’aller à Paris, à la veille de la Révolution française, se procurer la première édition de l’’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Ces « Deux hommes de bien » : le bibliothécaire Hermogenes Molina et l’amiral don Pedro Zarate.

Ils vont donc entreprendre le périlleux voyage de Madrid à Paris en diligence. Les aléas et les lenteurs du voyage vont faire naître une véritable amitié entre ces deux personnages fort dissemblables : le bibliothécaire est érudit et pratiquant ; le marin, bel homme un peu désabusé et libre-penseur (je lui trouve un lien de parenté avec Corto Maltese…). La quête périlleuse de cette fameuse première édition en 28 volumes de l’Encyclopédie  va nous conduire dans un récit digne d’Alexandre Dumas avec d’ innombrables rebondissements. Et également du côté de Jean-François Parrot, avec son héros Nicolas Le Floch, pour la documentation précise de l’époque et de Paris à la fin du règne de Louis XVI.  On est immergé dans la Grande Histoire par le petit bout de la lorgnette.

Mais ce n’est pas tout.

L’auteur intervient dans le roman. Il nous explique son travail de recherche, de réflexion et d’écriture. On assiste alors à la création des éléments de l’histoire et du décor. On fouille avec lui dans les témoignages d’époque, on consulte les vieux plans de Paris, on décortique les gravures des rues… C’est semblable à la « petite cuisine » d’un réalisateur de cinéma qui part à la recherche des paysages, des lieux les plus parlants pour son film…

Bref, ce livre réussit le parfait grand écart : il nous divertit sur une époque historique foisonnante (et pas si différente de la nôtre par ses révoltes qui grondent, ses classes sociales qui s’ignorent, les riches très riches et les pauvres très pauvres, la faiblesse du pouvoir politique, la dette de l’état, le bling-bling, les agitateurs brassant dangereusement le mécontentement…)  tout en nous instruisant sur le métier de romancier. Que du plaisir intelligent!

Alors, vous vous en doutez, un seul conseil : embarquez dans la diligence de nos deux hidalgos et vivez avec eux leur rocambolesque aventure humaniste. L’Histoire prend une tout autre saveur avec ces deux hommes de bien!

Quant à moi, je continue la découverte de cet écrivain qui, décidément, me plaît!

Voir Rome…

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Depuis le 25 avril jusqu’au 26 août se tient au musée de le Boverie à Liège l’exposition « Viva Roma! » (en partenariat avec le Louvre-Paris), développant en près de 150 tableaux la fascination qu’eurent les artistes du nord pour la Ville Éternelle.

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Corot, Le Tibre et le Château Saint-Ange

De tout temps (du 16ème siècle – Lambert Lombard avait été envoyé à Rome par le prince-évêque Érard de la Marck – à aujourd’hui), cette ville singulière émeut les artistes du Nord qui y séjournent. Certains finançaient leur voyage par leurs propres deniers (les Suisses, les Danois…), d’autres étaient accueillis à la Villa Médicis (les Français) ou par la Fondation Darchis (les Belges).
Après un long voyage parfois périlleux, ils découvraient enfin la ville dont ils avaient rêvé en feuilletant les premiers guides touristiques et les recueils de gravures. Ils y arrivaient la plupart du temps à la fin de l’automne, s’installaient et nouaient des contacts avec les autres artistes pendant l’hiver et dès le printemps partaient, cahier de croquis à la main, à l’assaut de la ville, réservant les escapades dans la campagne romaine pour les chaudes journées d’été. Ce n’était guère du tourisme car ceux qui vivaient sur leurs deniers propres devaient absolument produire et vendre pour s’autofinancer ; ceux qui étaient envoyés par des institutions avaient l’obligation de résultats probants.
Ci-dessous, Alexis-Nicolas Noël, Le col du Grand Saint-Bernard ; Charles Gleyre, Les brigands romains

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Comme les touristes d’aujourd’hui, tous ces peintres sont immanquablement attirés par les vues et les monuments célèbres maintes fois traités par leurs aînés : le Colisée, le Forum, la pyramide Cestius… Et c’est ce qui peut décontenancer le visiteur de l’expo et quelquefois le lasser: il a l’impression de toujours voir la même chose, sans grande originalité de style, d’autant qu’il s’agit souvent de la production de jeunesse des artistes…
Ci dessous, le dieu Mercure (fresque de Raphaël à la Villa Farnesina) et sa copie par Ingres.

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Pour trouver un réel intérêt à cette exposition, il ne faut pas déambuler en espérant être foudroyé par l’émotion devant un tableau. Il faut la découvrir en respectant les différentes sections proposées: « Découvrir l’Antiquité » ; « Copier la Renaissance » ; « Rome la catholique » ; « Les brigands, phénomène artistique » ; « L’obsession du Forum » ; « Le creuset de la Villa Médicis » ; « Le peuple de Rome » ; « La lumière de Rome » ; « L’excursion napolitaine ». Mieux encore: s’offrir une visite guidée, ce que nous avions fait.

Alors la visite devient une aventure passionnante.

On s’identifie à ce jeune artiste du nord qui voit son rêve enfin se réaliser : il débarque après un voyage éprouvant, grisé par la lumière, le ciel bleu et les beautés environnantes qu’il a maintes fois contemplées  sur des gravures et qui sont là, enfin bien réelles. Il doit s’intégrer à la communauté  de peintres de son pays pour y trouver soutien et émulation, il découvre des coutumes, des odeurs, des costumes, des gens bien différents de ceux qu’il a toujours connus. Il doit travailler, il n’est pas là pour le farniente. Et s’il le peut, il trace jusqu’à Naples, le Vésuve et les ruines de Pompéi. Quels chocs émotionnels!

Personnellement, j’ai eu trois coups de cœur.

Tout d’abord, les Capricci.
Sortes de « cartes postales » très prisées des touristes sur lesquelles l’artiste va rassembler différents monuments célèbres, souvent très éloignés les uns des autres dans la réalité. Le spécialiste en était Giovanni Paolo Panini (1691-1765) qui fait figurer la pyramide Cestius au milieu du forum alors qu’elle se trouve le long de la Via Appia en dehors de la ville. On y représente également des ruines imaginaires, flattant ainsi la fascination des Anglais pour ces lieux. Ici Les Découvreurs d’antiques d’ Hubert Robert (1733-1808)

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Mon deuxième coup de cœur est Guillaume Bodinier (1795-1872)
La Paysanne de Frascati au confessionnal par le motif inversé du buste et de la jupe captive la vue tout comme les dessins préparatoires dignes d’un architecte. Je suis également restée subjuguée par la modernité d’Un Garçon sur la plage

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Mon troisième coup de cœur, et une totale découverte: Gilles-François Closson (1796-1842). Liégeois d’origine, il part en Italie grâce à la Fondation Darchis. Il réalise environ 600 œuvres, d’étonnant travaux préparatoires à l’huile sur papier retranscrits ensuite sur toile. Lors de la création de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, il en devient le professeur et directeur. Il abandonne alors toute production personnelle pour se consacrer à son rôle de pédagogue. À sa mort, sa veuve lègue une grande partie de son œuvre au Musée des Beaux-Arts de Liège. Celle-ci sera conservée, vu sa fragilité au Cabinet des Estampes et aujourd’hui dans la galerie noire du Musée de la Boverie, avec une rotation des travaux exposés. Ce qui est fascinant chez cet artiste, c’est notamment l’art de la perspective. Notons que certains de ses tableaux ont été acquis par le Metropolitan Museum et le Getty Museum.

Vues du Colisée et cascades dans la campagne romaine

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Dans cette visite guidée, nous n’étions que des femmes et nous nous sommes étonnées qu’elles ne soient représentées, dans cette exposition, que par Louise Sarazin de Belmont . La réalité est que pour pouvoir profiter d’une bourse de l’État français à la Villa Médicis ou de la Fondation Darchis, il fallait sortir d’un établissement d’enseignement, lieu alors interdit aux femmes. Les seules à avoir pu découvrir l’Italie en tant qu’artistes étaient celles qui accompagnaient leur mari…
De même on peut s’étonner de l’absence de sculptures. Quelques copies en plâtre venant de Bruxelles agrémentent la scénographie, d’ailleurs très sobre mais très réussie.

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Pour le côté pratique…
Prévoyez une petite laine car il fait très froid dans les salles. Ensuite n’espérez pas pouvoir faire des photos, c’est interdit. Je me suis fait copieusement rabrouer (à la limite de la politesse) par un garde tout imbu de l’autorité que lui conférait sa chemise d’uniforme… J’aurais dû voir le petit pictogramme situé à la droite du pupitre marquant l’entrée de l’expo. Faisant partie d’un groupe, sans doute quelqu’un me l’a-t-il caché. Mesure très bizarre quand on pense qu’à Orsay, à l’Orangerie, au Louvre-Lens, au musée de Lille, au musée du Cinquantenaire pour ne citer que les musées que j’ai visités récemment, il est tout à fait autorisé de faire des photos sans flash.
Ceci est d’autant plus frustrant qu’il n’existe pas de cartes postales des œuvres présentées. Il y a bien un catalogue, véritable livre d’art, mais qui coûte 34€ et une petite brochure sur la Fondation Darchis à 5€. On peut aussi acheter l’affiche… La charmante demoiselle qui tient la superbe librairie du musée nous a expliqué qu’il n’y avait pas d’équivalent belge aux revues « Connaissance des arts », Beaux-Arts » etc… présentant pour un prix modique un résumé fort bien fait et les reproductions des œuvres maîtresses de l’expo. Certes, mais pourquoi alors ne pas permettre au visiteur d’emporter ses propres souvenirs? Il y a pléthore de gardes dans cette expo qui passent leur temps à pianoter sur leur Smartphone. Ils pourraient avantageusement surveiller afin que les visiteurs n’utilisent pas de flash, non? J’ai fait part de cette remarque sur la page Facebook du musée. On m’a gentiment répondu ce matin qu’on transmettait…

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Pour finir sur une note plus agréable, nous sommes tombées en pâmoison devant ce beau romantique ténébreux… Sur Internet, il est répertorié comme un auto-portrait de Léon Cogniet. À l’expo, il est présenté comme le portait d’Achille Etna Michallon par Léon Cogniet
Et comme nous avions un peu froid, nous nous sommes réchauffées devant L’Éruption du Vésuve de Volayre (dans la section « excursion napolitaine »).

 

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Note du 28 mai 2018: Une amie de Facebook me fait savoir que depuis ce week-end, les photos sont autorisées… Bravo!