Luna rossa

C’est un peu facile, je sais ! Et pas très original, Facebook regorge de photos bien plus belles du phénomène. Mais j’ai envie de partager les miennes, toutes artisanales qu’elles soient. Je me suis levée à 4h15, je n’ai pas vu la lune disparaître, elle était déjà bien « sfumata » quand j’ai ouvert la fenêtre. Mais j’ai regardé la suite avec ravissement et émotion. Un spectacle grandiose avec en plus la lune qui se déplace dans le ciel, qui se déplace tant et si bien que je ne l’ai pas revue pleine, elle a glissé entre les toits de mes voisins d’en face, j’aurais peut-être dû descendre dans la rue en peignoir mais il faisait plus que frisquet… 

Pour moi, le moment le plus magique fut le tout premier petit point de la lumière du soleil revenant poindre sur le bord gauche de la lune, comme une étincelle de dessin animé, la mécanique céleste dans toute sa splendeur.  

Alors, juste pour le plaisir et l’émotion. 

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(mystérieuse juste au milieu)

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(si discrète à ras du toit…)

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À 5h17 exactement, la lumière solaire renaît!

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Et puis à 5h45, elle s’est glissée entre les toits et moi, je me suis glissée dans mon lit, les yeux encore écarquillés d’émerveillement…

Et ce matin, un soleil arrogant, comme un Sarastro victorieux de la Reine de la Nuit! 

Ah! Cette chanson s’imposait, en plus elle date de 1954, quelle année!   

Volée de bois vert

Journée du Patrimoine oblige, je m’en vais encore vous parler d’un lieu connu de tous les Liégeois mais méconnu ou du moins mal connu.

Notre bonne ville se remet seulement des immondes opérations immobilières qui l’ont défigurée dans les années 1970. Après avoir colmaté les brèches, on en est aujourd’hui à reconstruire un tout cohérent, assez élégant et novateur.

Mais que n’avons-nous pas dû subir…

Le quartier où je vous emmène est sans doute, avec celui de la place Saint-Lambert, le plus emblématique de ces affres « modernistes » complaisamment infligées par la société Demarche acoquinée avec certain échevin « bâtisseur visionnaire » de l’époque… 

Revenons aux sources. Il s’agissait tout d’abord d’un pont à reconstruire au tournant des années 50… Le Pont de la Boverie devint « Pont Kennedy ». De la rive droite vers la rive gauche :

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Puis ce fut « le tout bagnoles » avec ses saignées dans les vieux quartiers. Le quartier de la rive gauche paya le plus lourd tribut avec la disparition notamment de l’ancienne bibliothèque des Chiroux et les rues voisines du quartier des Croisiers pour faire place à la Tour Kennedy début des années 70…

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Il était nécessaire ensuite de conduire cette nouvelle voie rapide vers le boulevard d’Avroy, et hop! on traça l’avenue Destenay en sacrifiant cette fois le quartier du Vertbois. Comme je le disais à certaines amies lors de notre visite, je me souviens très bien être allée à l’ancienne bibliothèque des Chiroux avec mon papa et encore plus avoir fréquenté le photographe que l’on aperçoit sur l’image de gauche, au rez-de-chaussée du petit building entre la station-essence et la maison de la Culture des Chiroux comme on disait alors (la devanture était jaune).

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Dans la configuration d’aujourd’hui comme on la voit ci-dessus, un bâtiment est complètement mis à nu et dépourvu de son environnement séculaire: le Vertbois (en rouge sur le dessus de la photo).

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De l’origine jusqu’aux années 1970, la cour d’entrée avait un vis-à-vis très proche au-delà d’une porte cochère en bois puis d’une grille…

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                              (1942)                                                    (1956)

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(2015)

Le Vertbois, c’était au départ le nom d’une auberge coincée entre l’église Saint-Jacques et l’abbaye de Beaurepart (dont on a parlé dans le poste précédent concernant la Chartreuse). À la fin du XVIIème siècle, le baron Jean-Ernest de Surlet-Chokier (ancien vicaire général du Prince-Evêque) rachète l’auberge, ses dépendances et ses jardins et y installe un hospice. Dans celui-ci, deux départements bien distincts, séparés par la chapelle : l’aile des filles repenties et celle des pauvres incurables. Un escalier à deux montées parallèles mais de sens contraire (unique en Wallonie) évitait la recontre des unes et des autres…

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L’hospice sera transféré ensuite au Valdor. L’aile gauche accueille alors l’école de Mécanique de la Ville de Liège jusqu’en 1932, puis est pressentie pour être le siège du Musée de la Vie wallonne. Elle est abandonnée à l’annonce de la guerre puis est pulvérisée par une bombe volante en 1945. L’aile droite accueille dès 1892 les orphelins de l’Assistance publique jusqu’en 1981, avec une grande modernisation au début des années 50 (avec reconstruction de l’aile gauche en vrai faux-vieux).

De nombreux anciens orphelins se sont pressés aux portes ouvertes du week-end dernier et tous ont témoigné de la bonne ambiance familiale dont on les entourait (le directeur et sa famille mangeaient au réfectoire avec les enfants, il y avait le chauffage central et toutes les commodités d’hygiène dont des douches…).

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Les bâtiments sont aujourd’hui le siège du CESW (conseil économique et social de Wallonie). Le réfectoire, la salle de jeu et l’étude ci-dessus à droite sont devenus le hall d’entrée ; les étages sont occupés par différents bureaux.

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Les combles ont été aménagés en salles de réunion, accessibles par une élégante passerelle. 

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Quant à la chapelle dédiée à Saint-Charles Borromée, elle devint une salle de gymnastique et aujourd’hui est la salle  de réunion du Conseil.

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Exceptionnelle visite organisée par l’association Art&Fact, merci à notre guide Eva dont nous avons souvent croisé la route et qui chaque fois nous enchante par ses explications pointues mais compréhensibles pour tous. 

Nous avons terminé par les jardins jouxtant le Grand Séminaire et l’Évêché.

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et l’aile gauche avec ses caves restaurées recélant des trésors extraordinaires (plans, cadastres, dessins architecturaux). Nous y avons notamment fait connaissance avec un certain Jean-François Blondel. je vous en parlerai bientôt…

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Bref, ravie de la découverte de ce monument que je longe depuis plus de 30 ans sans avoir imaginé un seul instant sa très riche histoire. C’est ça, le miracle et la joie des journées du Patrimoine! 

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Notre verte colline

Comme celle de Bayreuth, elle pourrait être sacrée puisque pas moins de quatre ordres monastiques l’ont occupée : les Oblats, les Prémontrés, les Chartreux et les Carmélites qui y séjournent toujours. Elle porte également le nom féminisé de l’un d’eux : la Chartreuse. Comme celle de Bayreuth, elle est aussi verte, c’est un des poumons écologiques de la ville. La voici visible depuis la passerelle panoramique de la Citadelle, la colline d’en face. 

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Ceinturée par l’Ourthe et la Dérivation de la Meuse à la base, et par le cimetière de Robermont et la commune de Fléron au sommet, elle correspond aujourd’hui aux quartiers de Basse-Wez et de Grivegnée. Si l’histoire de Liège est faite de milliers d’événements et de rebondissements en tous genres qui font perdre la tête aux plus érudits des historiens de la principauté, la Chartreuse en a vécu bon nombre!

Tout commence par un oratoire administré par l’ordre des Prémontrés qui y vénèrent Saint-Corneille, d’où le premier nom de cette colline : le Mont-Cornillon. Ils y installent un hospice puis une léproserie, quatre bâtiments dont deux sont réservés aux hommes et deux aux femmes, ceux-ci étant gérés par des Soeurs (dont la célèbre Sainte-Julienne à l’origine de la Fête-Dieu qui devint prieure en 1230 et voulant  y remettre de l’ordre et de la discipline, dut d’enfuir et fut poursuivie pendant de nombreuses années par ses détracteurs à Huy, Antheit, Namur jusqu’à Fosses-la-Ville). Mais cette colline stratégique est l’objet d’attaques incessantes et les Prémontrés abandonnent les lieux pour l’Abbaye de Beaurepart-en-Île, aujourd’hui le Grand Séminaire de Liège. La situation sanitaire s’améliorant, la léproserie est fermée, fait place à une foire aux bestiaux et le couvent déserté devient une forteresse, détruite en 1336 par les Liégeois eux-mêmes en révolte contre leur Prince-Evêque.

Ah! Y avait de l’ambiance en ce temps-là et encore, je vous résume les péripéties…

Le lieu déserté est octroyé ensuite aux Chartreux qui y érigent un nouveau couvent, y vénèrent Saint-Bruno et y restent jusqu’à la Révolution liégeoise en 1794. 

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Ci-dessus, Saint-Remacle à gauche, les bâtiments de la léproserie et le couvent des Chartreux à flanc de coteaux.

Le couvent est détruit en grande partie et les ruines sont cédées aux Petites Soeurs des Pauvres qui s’y installent et y accueillent les plus démunis.  Ces dernières années, le bâtiment devint un Park-hôtel et aujourd’hui, est en complète réhabilitation pour y installer une résidence de luxe pour seniors.

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P1050914.JPGLa léproserie, quant à elle, devint le Carmel de Cornillon qui abrite toujours aujourd’hui des soeurs Carmélites. Il est possible d’assister à des offices.

Tout cela sur la face mosane de la colline.

 

Vers l’Ourthe, c’est l’ordre missionnaire des Oblats qui rachète à la fin du 19ème siècle l’ancien casino de la rue du Beau-Mur et y fait construire une église néo-gothique durement touchée pendant la deuxième Guerre mondiale et qui est désormais fermée au public.

 

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T_II_F_3_53.gifVoyons maintenant le sommet de la colline. La forteresse construite puis détruite en 1336 est remplacée plus tard par un fort hollandais à la Vauban qui devait compléter la Citadelle érigée en face sur l’autre rive de la Meuse. 

Malheureusement, l’urbanisation de la région de Péville rend ce rôle très périlleux avec l’avènement des canons longue portée ; la forteresse devient alors simplement une caserne de 1891 à 1981, une garnison ennemie, une prison et un hôpital au gré des différentes guerres et des occupants français, belges, allemands, américains… 

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La Chartreuse aujourd’hui est un but de promenades et de découvertes en pleine nature.

On y monte par le Thier de la Chartreuse, puis une ruelle et l’ancienne route d’Aix-la-Chapelle surplombée par l’Arvô, ancien pont fortifié entre la ferme des Chartreux et leurs terres.

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Les bâtiments militaires abandonnés ont été la proie de promoteurs immobiliers qui ont laissé tout aller à l’abandon. Ce patrimoine inestimable ne peut plus être que démoli, il n’y a rien à sauver malheureusement. Visite surréaliste au pays du tag, du paint ball et des milices para-militaires hollandaises!

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Si c’est bien peine perdue pour le sauvetage des bâtiments, la Ville de Liège et des associations écologistes ont acquis une grande partie du parc. Des chemins de promenade montant notamment du parc des Oblats, la merveilleuse lande des aubépines, les dalles minérales (zones ouvertes), une partie en gestion raisonnée (les îlots forestiers de sénescence ) pour la sauvegarde de la biodiversité de la faune et de la flore, des lieux romantiques au gré des fortifications… On n’est pas loin de Brocéliande!

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Nous avons découvert ce lieu au départ du Thier de la Chartreuse mais il est aussi possible de l’atteindre par le parc des Oblats (Grivegnée-bas) et Péville (Grivegnée-haut). Nous y reviendrons en automne car le parc de 19 hectares ne contenant que des feuillus, si l’automne n’est ni trop pluvieux ni trop venteux, on pourra y faire de superbes photos et y vivre comme un été indien!

Que de choses trouvées sur le net ! Ce lieu est devenu emblématique pou les écologistes mais aussi pour les historiens, les photographes en quête d’ambiances particulières!  Elle, aussi, a bien des mystères, notre verte colline liégeoise!

Petit album avec quelques clichés à droite!