C’est pas sorcier a son camion de savoirs ; moi, j’ai mon bus universitaire.
Quittant le CHU, le 48 collecte tous les étudiants du campus, salmigondis de disciplines qui se frottent à la promiscuité du lieu. En voilà un qui s’installe à mes côtés et qui papote tout d’abord avec une copine, rien de bien folichon, des histoires de laboratoire, merci je donne depuis 35 ans avec un mari chimiste… Ah si, tout de même, la découverte d’une expression répétée à l’envi par l’un et l’autre : « Ce prof, il est chaud », « les autres étudiants, qu’est-ce qu’ils sont chauds ! ». Je traduis dans mon français de presque sexagénaire que les uns et les autres en veulent, qu’ils sont pleins d’ardeur au travail, totalement investis dans leur cursus. Merci, les jeunes pour cette découverte lexicale!
Mais c’est la suite qui va me ravir. La copine laisse la place à un copain, pas scientifique si on en juge par le livre qu’il tient à la main: « Histoire et philosophie de l’argent ». Appétissant, ce titre, pour le prof d’histoire que je suis. Attention, dressons l’oreille : ça papote entre le scientifique assis à mes côtés et le philosophe debout, d’un troisième larron qui semble déchirer grave les évidences les plus fondamentales. Il a mis en lambeaux les théories des créationnistes, mais renie aussi l’évolutionnisme de Darwin, remettant en lumière Lamarck… Pour le coup elles frétillent, mes feuilles de chou : Darwin, tout juste ce dont je parle au cours d’histoire à mes élèves de 3ème. Continuez les amis, vous m’intéressez, je suis totale chaude (dans l’acception expliquée plus haut s’entend !). Ce Lamarck, moi aussi, je pense qu’il fut un beau looser aux yeux de la postérité, victime collatérale de la haine franco-britannique.
Et puis le philosophe tombe dans une sorte d’extase : il revient de 3 jours à Paris où il s’est fait une overdose… de musées. Le Louvre, Beaubourg, Jacquemart-André. Il s’enflamme pour son odyssée au Louvre : toute une journée plus la nocturne à déambuler avec frénésie avec notamment la luxueuse tente du nouveau département des arts de l’Islam.
« À la sortie, j’étais soulagé de pouvoir me reposer les yeux devant un mur blanc ». Comme je le comprends, mais c’est si bon d’avoir les pupilles en lévitation comme dans un kaléidoscope ! Pas encore rassasié de beautés, il commence le récit du Centre Pompidou. Dali, il va nous raconter Dali? Ouuuiiiî, j’adore ses commentaires ! Flûte, voilà le terminus, tout le monde descend et mon philosophe amateur d’art se perd dans la foule, me laissant sur ma faim.
Allez, ma fille, ne sois pas trop gourmande, ce trajet fut déjà bien riche. Comme une Chantilly légère et savoureuse. J’en ai appris des choses en prenant le bus ! Transports en commun, connaissances en commun : tentez l’expérience !