Encore une larme de Liu ?

 3091485317_1_3_LJnh1SqH.jpegCe n’est pas une maison de champagnes mais une maison de parfums qui va fêter ses 185 ans d’âge. C’est rare, c’est GUERLAIN. Une dynastie de parfumeurs créateurs de jus mythiques.

L’histoire commence au temps de Musset et de Victor Hugo, vertigineux au sens premier du terme… Pour les amateurs d’histoire, un lien incontournable :

http://espritdeparfum.com/histoire-de-guerlain

Celui qui m’intéresse aujourd’hui, c’est Jacques Guerlain, créateur du mémorable « Shalimar ».

 

  

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La fascination de l’orient dont nous parlions dans le post précédent va ici encore fonctionner au début du 20ème siècle. En pleine période « art déco », on a le goût de l’ailleurs, de la sophistication de la Chine et du Japon. Également dans l’univers de la mode: des silhouettes féminines avec des vêtements aux coupes très droites et des parfums.

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Après Shalimar, en 1929, Jacques Guerlain crée LIU, un parfum en hommage à un personnage de l’opéra Turandot de Giacomo Puccini, une jeune servante chinoise amoureuse du prince Calaf qui préfère périr plutôt que de révéler son surnom : « Amour ».

nd_6323.jpegSon flacon en verre noir de Baccarat fait référence aux boîtes à thé chinoises. Parfum extraordinaire très daté (fleuris aldéhydes en vogue à l’époque) mais encore disponible aujourd’hui dans la série « Les Parisiennes ».

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Pour les fêtes de cette fin d’année 2012, la maison Guerlain a ressuscité LIU en une ligne complète de maquillage avec notamment les fards TURANDOT:

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Ainsi le monde de la mode rejoint une fois encore celui de l’opéra. Petit hommage à cet ultime chef d’oeuvre de Giacomo Puccini :

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Laissons couler une larme capiteuse de Liu alors que son beau prince Calaf la supplie de ne pas pleurer. Pour les amateurs, voici une version assez incroyable de cet air célèbre. Capté en live par un amateur aux Arènes de Vérone en juillet 1975, vous y entendez un flamboyant Plácido Domingo de 34 ans. J’y étais ! Souvenir d’une très très chaude soirée sur les gradins antiques.

 

Nourritures terrestres

Quelle débauche de nourriture, ce réveillon! On a tous essayé de rivaliser d’originalité et de bon goût. Depuis que la télévision met les petits plats dans les grands espaces de la téléréalité, depuis que la gastronomie française est devenue patrimoine immatériel de l’humanité, on se sent tous une âme d’un Bocuse moderne. Cuisine moléculaire, nouvelle cuisine, cuisine bourgeoise, cuisine végétarienne, cuisine familiale, cuisine authentique, la déclinaison file vers l’infini. Sans compter tous ces goûts venus d’ailleurs qui flattent nos palais. Symphonies gustatives.

Mais comment faisaient-ils avant? Que mangeaient nos ancêtres?

Dans ce domaine, j’aime provoquer mes grands élèves en leur disant que s’ils étaient nés il y a 500 ans, ils seraient morts de faim, leur alimentation de base étant inconnue… Regards interrogateurs puis affolés, j’adore ! (bourreau d’enfants, je sais) 

mauvaises_habitudes_info.jpegLa preuve? L' »ado vulgaris » se nourrit de frites et de chips, de ketchup et de pizza, de pop corn et de barres chocolatées. La tomate, la pomme de terre, le maïs et le cacao, produits américains, furent seulement proposés aux palais européens bien après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492. 

Cris, exclamations, stupéfaction : mais que mangeait-on alors en ce temps-là? Bonne question qui nous interpelle tous. Éliminons tout ce que nous aimons où peu ou prou on rencontre la sauce tomate et la pomme de terre… Que nous reste-t-il de nos plats quotidiens ?

Alors que mangeaient donc nos ancêtres ? Pas grand-chose de goûteux à se mettre sous la dent sauf ces brouets immondes à base de choux et autres tubercules relevés d’un bout de gras comme on aimait nous le détailler dans les chapitres sur le Moyen Âge de nos livres d’histoire? Pas si sûr…

Précisons d’abord bien les choses : Christophe Colomb ne s’est pas embarqué uniquement pour découvrir l’ancêtre du Nutella et du Heinz Ketchup. Certes, mais son but était tout de même de découvrir une nouvelle route vers la Chine et l’Inde, terres de précieuses épices. Oui, un des moteurs des grandes découvertes du XVIème siècle fut effectivement la recherche de nouveaux itinéraires pour rejoindre l’Extrême Orient au nez et à la barbe des Arabes et des 0ttomans.

Un peu d’histoire : En Méditerranée, au Moyen Âge, le commerce des épices appartenait aux Arabes et aux Vénitiens avec comme lieu d’échange l’Égypte et Constantinople.

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Les Ottomans menaçant cette ville, les Portugais cherchèrent dès le milieu du XVème siècle à contourner l’Afrique sous l’impulsion d’Henri le Navigateur. Gênes, contrairement à Venise, sentit aussi le vent tourner, misa sur l’Atlantique et installa des comptoirs à Madère et aux Açores. La chute de Constantinople en 1453 se fit dans une certaine indifférence politique tellement elle était prévisible. Mais elle entraîna avec elle le déclin de tout le commerce méditerranéen des épices et la ruine de Venise. C’est pourquoi Christophe Colomb (Gênois d’origine, rappelons-le, et élève d’une école de navigation portugaise) décida, non pas de chercher à contourner l’Afrique – le projet était déjà bien avancé par ses compagnons d’études – mais de partir droit devant vers les Indes et leurs trésors culinaires.

Car les Hommes du Moyen Âge avaient un pressant besoin de ces fameuses épices, en tant que condiments mais aussi de médicaments. Tout cela vous est raconté dans un livre passionnant. Catalogué « polar gastronomique », c’est surtout le côté culturel qui vous contentera, l’intrigue policière étant un peu mince. Vous y découvrirez les luttes religieuses, la façon de voyager de cette époque, la lutte entre apothicaires et médecins, la gastronomie et sa révolution avec l’apparition des produits du Nouveau Monde, une nouvelle façon de vivre en Italie : la Renaissance. Vous y rencontrerez aussi Michel de Notre-Dame alias Nostradamus ! Bonne lecture! 

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Insolite parisien

J’aime Paris, amis lecteurs, vous en doutiez encore? Et toujours à l’affût de ce qui se dit, s’écrit, se regarde pour le redécouvrir encore et encore le jour et la nuit, à la surface, sous-terre ou dans les airs…

Alors là, j’ai du lourd à vous proposer: la Tour Eiffel qu’on déshabille, le siège de l’Opéra Garnier par le GIGN, les grands hommes refroidis du Panthéon, les greniers du musée d’Orsay. Trop courus à votre goût (quoique vous en verrez des belles sous leurs faces cachées !) ? Alors le Paris de Boris Vian, de Jacques Prévert… celui d’Hemingway, de Gustave Moreau ou des Trois Mousquetaires, plus original, non? Et les lignes et les stations de métro devenues fantômes… ou le sous-sol glauque du boulevard Richard Lenoir.

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detours-en-france_n-164_octobre-2012.jpegTextes intéressants, belle iconographie et carte détaillée avec tous les lieux indiqués. Courez acheter le numéro de décembre 2012 de Détours en France. Vous voulez feuilleter le début?

https://kiosque.uni-editions.com/flipbook/bookflip.php?b=419_low

 

 

 

 

 

Je vous avais présenté précédemment le numéro consacré au Paris 1900: http://nouveautempolibero.skynetblogs.be/archive/2012/07/05/reves-de-papier.html

 

affiche%20hopper.jpegEt si vous êtes à Paris pour les fêtes ou les vacances scolaires, ne ratez sous aucun prétexte l’exposition Hopper au Grand Palais dont je vous avais parlé dans mon précédent blog :

http://tempolibero.skynetblogs.be/archive/2012/01/20/hop-hopp.html

Il faut s’armer de patience, vu le succès et les inévitables files. Jusqu’au 28 janvier. Je ne désespère pas de m’y rendre, escapade d’une journée, si l’état de mon homme le permet. Toutes les infos ici et surtout de superbes petits films, faites dérouler à gauche ou à droite, il y en a pas mal.  

http://www.grandpalais.fr/grandformat/exposition/edward-hopper/

Sur ce, bon réveillon et joyeux Noël à tous ! Ne vous chargez pas trop l’estomac car la prochaine fois, je vous parle de nourritures terrestres…

Roulez jeunesse!

Depuis un peu plus d’une semaine, nous faisons un ménage déclaré à trois, le crabe s’est invité chez nous ; ce qui explique mon silence depuis quinze jours. Bouleversement de la vie, du futur, des priorités. Course contre le temps entre la vie et la mort, course contre le temps plus prosaïque et quotidienne entre boulot et hôpital.

Je suis devenue une habituée du bus 48 qui monte au CHU de Liège-Sart Tilman. À l’aller, rien de bien spécial. En début d’après-midi, je suis souvent la dernière passagère après son grand périple dans le domaine universitaire.

Mais le soir… c’est autre chose! Rendez-vous avec la jeunesse de toute la planète, quel coup de fouet optimiste!

Ca commence dès l’embarquement : de jeunes stagiaires infirmières le plus souvent africaines et maghrébines, tout sourire et expansives dans le récit de leur journée ; des étudiants en médecine souvent très potaches dans leurs propos – le récit de l’une d’entre elles qui explique aux autres comment scanner les pages de cours sur le téléphone portable, glisser celui-ci dans la cassette du banc et faire un zoom sur les réponses demandées lors d’une évaluation… un grand moment !

Le bus avance dans la nuit, se remplit petit à petit, explose soudain à l’arrêt « amphis » : on entre par toutes les portes, on se compresse. Le plein humain fait, on entame la descente vers Liège. Et alors, pour qui sait tendre l’oreille, le merveilleux métissage commence. Autour de moi, il y a deux garçons qui parlent américain, un petit groupe sud américain qui s’exprime en portugais, deux filles qui s’exclament en flamand, mon voisin de derrière parle l’anglais si chantant des Indiens en roulant délicieusement les « r », en face deux yeux bridés très rieurs me fixent et me font sourire… Quelle belle jeunesse, libre et mélangée dans ce petit espace, un monde idéal de tolérance en miniature. Que ça fait du bien !

Et je ne vous ai pas encore confessé le meilleur : deux tiers de filles pour un tiers de garçons. Largement. Et beaucoup d’entre elles venant de civilisations où leur éducation et leur élévation intellectuelle ne sont pourtant pas des priorités. Bravo à elles ! 

Ces jeunes du bus 48, du peps pur jus qui donne de l’espoir !      

 

Celui qui faisait chanter le bois

Crémone, une belle lombarde endormie et pourtant tellement célèbre…

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 Dont un habitant de l’Isola avait des fréquentations un rien bizarres… Jugez-en : 

« Après d’innombrables essais, Antonio se figea soudain devant un vénérable sapin qu’il toisa jusqu’à l’échancrure de ciel par laquelle il pointait sa cime et dominait ses voisins.

– Viens! dit-il à Andrea. Nous allons le faire sonner et s’il répond à nos gentillesses, comme je le crois, nous le rapporterons à Crémone.

– N’est-il pas trop gros? demanda Guarneri en montrant la base du tronc qui s’élargissait puissamment sur la terre.

– Avec les bas, nous ferons des violoncelles. pour les violons que nous voudrons sublimes, nous choisirons dans les régions mitoyennes, situées à une certaine distance de la racine, du sommet et du coeur. C’est le bois des instruments royaux. Remarque que nous pourrons encore en réussir d’excellents dans les restes de ce géant musical. Écoutons… 

Stradivarius.jpegll leva sa masse et frappa à hauteur de l’épaule. Le géant parut s’émouvoir et une sorte de tintement rompit le silence de la forêt.

– Ce n’est pas mal mais je suis sûr que ce colosse nous cache une part de son talent. Attention, je recommence un peu plus haut et plus fort.

Cette fois, L’arbre sonna vraiment, mit l’air en vibration, comme un diapason et Stradivari exulta.

– Voilà, nous l’avons notre mine à violons!… »

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Antonio Stradivari ! Mieux connu sous son nom latinisé de signature : Stradivarius.

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Voulez-vous connaître par le détail la vie de cet illustre luthier ? Je vous conseille l’excellent livre de Jean Diwo : Les violons du roi.

Jean Diwo, tout juste disparu, fut journaliste notamment à Paris-Match et créa Télé7jours. Retraité en 1980, il démarra une nouvelle carrière d’écrivain de romans historiques. Dans Les violons du roi, il nous dépeint la vie des grands luthiers de Crémone et notamment celle très laborieuse d’Antonio Stradivari.

144618_2784036.jpegLe style littéraire en est classique, celui d’une plume  facile et élégante, sobre, jamais pédante ni tape à l’oeil comme certains auteurs d’aujourd’hui.

Mais l’intérêt est ailleurs: l’exceptionnelle documentation de l’auteur lui permet de nous faire pénétrer dans le quotidien de ses personnages par le menu détail, de nous faire découvrir cette vie de recherches et de labeur qui fit naître des instruments mythiques – les Amati, Stradivari, Guarneri del Gesù, de cotoyer les grands maîtres du baroque comme Corelli, Tartini, Vivaldi, de découvrir Crémone, Venise, Rome, cette Italie musicale rayonnante, pourtant le champ de batailles préféré des monarques européens.

Et il y a aussi les balbutiements de la lutherie française de Mirecourt…

Acheté un peu par hasard dans le fameux lot d’occasions de la bibliothèque d’Ans, ce livre m’a littéralement enchantée et passionnée. Je vous le conseille chaudement !

Alors, faisons chanter le violon avec un immense artiste un peu de chez nous puisqu’il a remporté le Concours Reine Elisabeth en 1989 et qu’il a la double nationalité belgo-russe. Il joue sur un Stradivarius et un Guarnerius del Gesù, oeuvres des deux plus grands amis du livre aux destins parallèles. Le temps d’un  tango,  Vadim Repin.