Quelle débauche de nourriture, ce réveillon! On a tous essayé de rivaliser d’originalité et de bon goût. Depuis que la télévision met les petits plats dans les grands espaces de la téléréalité, depuis que la gastronomie française est devenue patrimoine immatériel de l’humanité, on se sent tous une âme d’un Bocuse moderne. Cuisine moléculaire, nouvelle cuisine, cuisine bourgeoise, cuisine végétarienne, cuisine familiale, cuisine authentique, la déclinaison file vers l’infini. Sans compter tous ces goûts venus d’ailleurs qui flattent nos palais. Symphonies gustatives.
Mais comment faisaient-ils avant? Que mangeaient nos ancêtres?
Dans ce domaine, j’aime provoquer mes grands élèves en leur disant que s’ils étaient nés il y a 500 ans, ils seraient morts de faim, leur alimentation de base étant inconnue… Regards interrogateurs puis affolés, j’adore ! (bourreau d’enfants, je sais)
La preuve? L' »ado vulgaris » se nourrit de frites et de chips, de ketchup et de pizza, de pop corn et de barres chocolatées. La tomate, la pomme de terre, le maïs et le cacao, produits américains, furent seulement proposés aux palais européens bien après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492.
Cris, exclamations, stupéfaction : mais que mangeait-on alors en ce temps-là? Bonne question qui nous interpelle tous. Éliminons tout ce que nous aimons où peu ou prou on rencontre la sauce tomate et la pomme de terre… Que nous reste-t-il de nos plats quotidiens ?
Alors que mangeaient donc nos ancêtres ? Pas grand-chose de goûteux à se mettre sous la dent sauf ces brouets immondes à base de choux et autres tubercules relevés d’un bout de gras comme on aimait nous le détailler dans les chapitres sur le Moyen Âge de nos livres d’histoire? Pas si sûr…
Précisons d’abord bien les choses : Christophe Colomb ne s’est pas embarqué uniquement pour découvrir l’ancêtre du Nutella et du Heinz Ketchup. Certes, mais son but était tout de même de découvrir une nouvelle route vers la Chine et l’Inde, terres de précieuses épices. Oui, un des moteurs des grandes découvertes du XVIème siècle fut effectivement la recherche de nouveaux itinéraires pour rejoindre l’Extrême Orient au nez et à la barbe des Arabes et des 0ttomans.
Un peu d’histoire : En Méditerranée, au Moyen Âge, le commerce des épices appartenait aux Arabes et aux Vénitiens avec comme lieu d’échange l’Égypte et Constantinople.
Les Ottomans menaçant cette ville, les Portugais cherchèrent dès le milieu du XVème siècle à contourner l’Afrique sous l’impulsion d’Henri le Navigateur. Gênes, contrairement à Venise, sentit aussi le vent tourner, misa sur l’Atlantique et installa des comptoirs à Madère et aux Açores. La chute de Constantinople en 1453 se fit dans une certaine indifférence politique tellement elle était prévisible. Mais elle entraîna avec elle le déclin de tout le commerce méditerranéen des épices et la ruine de Venise. C’est pourquoi Christophe Colomb (Gênois d’origine, rappelons-le, et élève d’une école de navigation portugaise) décida, non pas de chercher à contourner l’Afrique – le projet était déjà bien avancé par ses compagnons d’études – mais de partir droit devant vers les Indes et leurs trésors culinaires.
Car les Hommes du Moyen Âge avaient un pressant besoin de ces fameuses épices, en tant que condiments mais aussi de médicaments. Tout cela vous est raconté dans un livre passionnant. Catalogué « polar gastronomique », c’est surtout le côté culturel qui vous contentera, l’intrigue policière étant un peu mince. Vous y découvrirez les luttes religieuses, la façon de voyager de cette époque, la lutte entre apothicaires et médecins, la gastronomie et sa révolution avec l’apparition des produits du Nouveau Monde, une nouvelle façon de vivre en Italie : la Renaissance. Vous y rencontrerez aussi Michel de Notre-Dame alias Nostradamus ! Bonne lecture!
pour complément d’enquête sur le « Grand » commerce international et la politique lire ce livre fabuleux, oui cher je sais, mais quel régal: » Le grand Coeur » de Jean Christophe Rufin. Incroyable et merveilleusement bien rendu.Son talent d’écrivain le poursuit de livre en livre: un délire de gourmandise….et pourtant il n’est pas question de cuisine, mais d’un morceau d’histoire incroyablement méconnu.
J’aimeJ’aime