Week-end de réglements de comptes et autres contes

On a oscillé entre Shakespeare et Hoffmann, pas mal me direz-vous. Avec des cantatrices à la sauce Nicolaï et Offenbach.

Vendredi, ce fut le jour des commères dont on connaît à l’opéra les aventures génialement racontées par Verdi dans Falstaff, son ultime chef-d’oeuvre lyrique. Cette fois, c’était l’oeuvre peu jouée d’Otto Nicolaï, compositeur allemand dont le testament musical fut réduit (il mourut jeune) mais cependant important, faisant le lien entre Weber et Wagner avec un zeste de Rossini.

La production proposée à Liège venait de Lausanne et en a surpris plus d’un. Le metteur en scène transpose l’oeuvre au 20ème siècle et introduit un nouveau personnage : un psychologue de couple. Car Madame Fluth (Mrs Ford chez Shakespeare et Verdi) n’en peut plus de la jalousie maladive de son mari, se met à fantasmer sur ce Falstaff qui lui envoie des mots doux et finit par lui céder. Ce n’est donc plus le gros homme qui fantasme sur ces femmes mais bien les commères qui rêvent de lui et s’en expliquent auprès du psychologue. Tout cela fonctionne très bien au premier acte mais devient peut-être un trop répétitif au second. De plus, la confrontation entre Falstaff et Monsieur Fluth devient un cauchemar névrotique vécu par celui-ci. Bref, ce Falstaff qui enflamme les coeurs et les corps reste invisible à nos yeux, tout le temps caché dans un lit à baldaquins, apparaissant seulement réellement au dernier tableau déguisé en animal à cornes lubrique. Personnellement, j’ai toujours un peu de mal avec ces scènes de cache-cache dans les bosquets que ce soit à la fin des Noces de Figaro ou du Falstaff de Verdi. 

Si on accepte le parti-pris osé et le rythme genre folle journée, on s’amuse beaucoup -ce qui fut mon cas- mais le public liégeois a moyennement apprécié si on en juge aux applaudissements assez tièdes au rideau final. Musicalement, Christian Zaccharias mena de main de maître un orchestre irréprochable mais froissa peut-être un peu le public en lui refusant d’applaudir notamment à la fin de la célèbre ouverture et lors des très belles performances vocales des chanteurs (Franz Hawlata, Werner Van Mechelen, Anneke Luyten). Pourquoi également faire chanter le sublime choeur du 3ème acte par des choristes massés dans la fosse d’orchestre sous le plafond ? Ils en sont devenus presqu’inaudibles. Que dire du vase chinois symbolisant l’habituel imposant panier d’osier, on peut juste y glisser la chemise et le slip de Falstaff…

Quelques incongruités qui n’entachèrent pas notre plaisir musical, la partition étant très belle, dans ce réglement de comptes conjugaux à Windsor. 

 

Samedi, nous avions rendez-vous avec Hoffmann en direct du Met de New York. Réglement définitif de contes ici puisqu’on est apparemment arrivé à ficeler une histoire cohérente avec la version Oeser de 1986.

En effet, Offenbach mourut pendant la composition de son seul opéra. Il laissa de multiples versions, avec ou sans dialogues, ne sachant choisir si ce serait Antonia ou Giulietta la dernière femme de son héros. Le plus intéressant, c’est l’ampleur prise par le personnage de Nicklausse : muse du poète, protecteur contre ses démons, critique plein de bon sens de son aveuglement romantique. Kate Lindsey remplit parfaitement ce rôle avec une élégance, un humour et une voix digne de grands rôles de Berlioz. Petit extrait datant de 2009, son français est bien meilleur en 2015…

J’avais beaucoup aimé Joseph Calleja en 2009 (petit extrait ci-dessus)  avec ce timbre si particulier qui engendre la douceur et la mélancolie, et un physique empathique. Vittorio Grigolo, lui, est vif comme l’argent, emporté. La voix est est certes plus légère, idéale pour Puccini ou certains opéras de Verdi mais endurante, et l’artiste tient le coup avec panache jusqu’au bout d’un rôle vraiment assassin! Les quatre vilains de Thomas Hampson rivalisent superbement de cynisme et d’humour noir mais la voix m’a semblé un peu fatiguée à certains moments et nous eûmes droit à quelques bribes de phrases en langage yaourt, pas très habituel chez ce chanteur de lieder à la diction d’habitude exemplaire. Mais son séjour à New York était bien rempli : master classes et concerts, sans doute un petit coup de mou humainement parlant bien excusable. Il a cependant parfaitement chanté le fameux « Scintille, diamant » avec couleurs et nuances vocales sophistiquées et une intelligence du texte sans reproches. La mise en scène est colorée, inventive, mélangeant les thèmes chers à Offenbach dans ses opérettes, bref on ne voit pas le temps passer. 

   

J’aurais dû conclure dimanche avec le conte-film Paddington mais la tempête de neige eut raison du petit ours.

Comptes ou contes, qu’importe! Ce fut un bien beau week-end musical, qui tous comptes faits, nous combla! 

2 commentaires sur “Week-end de réglements de comptes et autres contes

  1. Voir un opéra est gage de plaisir garanti mais découvrir un opéra inconnu , m’ouvre à la nouveauté et à la surprise donc à une certaine excitation ( même si le Falstaff de Verdi , vu au Kinépolis-opéra , reprend le même sujet ).
    Enchantée par cette version de O. Nicolaï et sa représentation située à notre époque .
    Cependant , l’ajout du psychiatre avec son divan qui s’intègre parfaitement à cet opéra , me semble quelque peu trop long dans son développement. . Le côté  » Don Juan » de Falstaff est émoussé au profit de sa jalousie maladive et ses délires paranoïaques
    Heureuse d’avoir pu assister au DiscoPéra animé par Mr Bero. Sa présentation de l’œuvre a mis en évidence sa merveilleuse ouverture , le grand air du ténor et le sublime air des chœurs au 3eme acte. Ces 3 moments tant attendus m’ont frustrée par leur interprétation à ORW.( dans le descriptif)…..sans oublier le remplacement de la grande malle par un vase chinois porté comme un poids lourd (grotesque)!
    Si l’enthousiasme ne fût pas réellement au RV , le partage de cette soirée avec une amie de cœur l’emporta une fois de plus . Merci ma gente dame….

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  2. Tu as raison, Barbara. Notre cher Michel nous a permis de découvrir les grands moments d’une oeuvre grâce à ces enregistrements en 33T tellement agréables à entendre malgré les grattes et les bulles. J’ai écouté Michel pendant des années tous les dimanches après-midi sur la RTBF3 comme on disait alors dans mon bureau pendant que je corrigeais ou que je préparais mes leçons. J’adorais sa voix mais aussi sa capacité d’écoute de ses invités. Il a cette approche humble aussi face aux belles oeuvres qu’il nous fait découvrir et le plus chouette cadeau, c’est que ça va durer encore l’an prochain!!!

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