Les amis, c’est pas pour dire mais on va être vachement péchus pendant deux saisons d’opéras! Ils vont nous mettre les petits plats dans les grands, ça va déchirer pour ces deux-là!
Giuseppe Verdi – Richard Wagner : nés en 1813. Le bicentenaire de rêve!
Ah oui, c’est du lourd! La béatitude est au bord de nos pavillons auditifs et auriculaires… Ouvertes à fond, nos écoutilles !
L’ère de la guéguerre entre people ne date pas d’aujourd’hui. On connaît en littérature, en peinture et en musique bien des clashes entre fortes personnalités contemporaines, attisés par presse interposée. En musique, les castrats, les grands chanteurs d’opéras, les compositeurs. Le duel titanesque le plus proche de nous est sans conteste celui qui a opposé deux génies de l’opéra du XIXème siècle: Giuseppe Verdi et Richard Wagner.
Comme toujours, c’est la presse de l’époque qui a créé cette rivalité sanglante. Je ne sais pas trop ce que Wagner – dans son ego démesuré – pensait de Verdi mais Verdi, lui, tenait en très haute estime le maître de Bayreuth, même si leur démarche artistique était différente.
À bien y regarder, vraiment si différente?
Ils avaient tous les deux un profond amour de la dramaturgie. Wagner avait sans doute un certain avantage puisqu’il pouvait écrire ses livrets lui-même. Ce qui, aux yeux des adeptes du théâtre total, lui donne un prestige inégalé. Et de se gausser des livrets de Verdi… Verdi qui chercha l’inspiration auprès des plus grands écrivains: Schiller, Victor Hugo, Alexandre Dumas fils, Shakespeare… Ses librettistes étaient les meilleurs de l’époque, Piave et Boïto notamment. Et quand le maître n’était pas satisfait, il lui arrivait de devenir poète pour mieux coller à sa musique.
Dans le domaine politique de l’époque, on peut dire que Verdi tient la palme. Fervent adepte du Risorgimento, sénateur, propriétaire terrien très impliqué dans le développement de sa région natale. Un parcours honnête et rigoureux dont son nom deviendra le symbole: V.E.R.D.I Vittorio Emmanuele Re D’Italia et le Va pensiero, choeur de Nabucco, le chant d’union de tous les Italiens jusqu’à notre époque. Sa musique au service de la révolution populaire. Sa vie intime au service de la tolérance: il vécut longtemps en concubinage avec une ancienne chanteuse La Strepponi, inconcevable pour l’époque!
Pour Wagner, c’est un rien plus scabreux. Personnage parfois haïssable, amoral, cupide et inamical, toujours en fuite couvert de dettes, peu reconnaissant auprès de ses mécènes et de ses amis, leur « piquant » souvent leurs épouses. Tout cela au nom de la recherche d’un idéal musical révolutionnaire. Pangermaniste? Peut-être mais pas au sens que lui a fait endosser le Troisième Reich. Antisémite, certainement, mais pas plus et pas moins que ses contemporains. Wagner est aujourd’hui victime d’une idéologie née bien après sa mort et qu’il n’a donc pas pu cautionner. L’opposition des Israéliens à l’interprétation de sa musique est stupide, comme l’a souvent expliqué Daniel Barenboim, juif, Israélien et grand chef wagnérien longtemps en poste à Bayreuth. Hitler aimait peut-être Wagner mais Wagner n’a jamais connu Hitler et donc n’a pas pu l’aimer!
Musicalement parlant..
Concernant Wagner, je me demande souvent quelle fut l’influence de Liszt, son beau-père, dans sa maturation musicale. Qui a influencé qui? Vaste question à laquelle je ne puis répondre, n’étant que simple mélomane. Mais je traque souvent les indices! Sa grande innovation: les leitmotives qui se croisent, s’éloignent, se rejoignent, se tressent. Merveilleuse trame, sublime canevas bien utile à l’auditeur dans le Ring notamment. Et ce fameux accord de Tristan:
Et puis le théâtre de Bayreuth qui ne devait être qu’un théâtre éphémère, construit « léger » sur la colline verte, pour ne pas durer et qui offre encore aujourd’hui des solutions révolutionnaires pour canaliser le flot immense de la musique wagnérienne. Une salle frontale, cassant la tradition italienne, et surtout une fosse d’orchestre semi-couverte. Une étuve lors du festival d’été, les musiciens sont en t-shirt et le chef ne passe l’habit que pour aller saluer sur scène!
Verdi, lui, avait une formation solide quant aux maîtres du passé et était très perméable aux nouveautés de son temps. Ce n’est pas lui faire offense que de dire que les idées notamment de Wagner mais aussi de ses contemporains italiens et la redécouverte des grands maîtres baroques ont fait évoluer sa pensée artistique « en toute italianità ».
Ses opéras Don Carlo, Aïda, Otello et Falstaff sont prodigieusement modernes dans l’expression des sentiments de révolte, de racisme, de religion, d’auto-dérision. Et que dire du courage d’écrire La Traviata, premier opéra contemporain, où les chanteurs portaient les mêmes habits que les spectateurs; de Rigoletto, mettant en lumière un roi dépravé. La censure le traqua toujours, ne l’épargna pas mais ne réussit jamais à l’abattre. Il visita l’Europe en tous sens jusqu’à Saint-Pétersbourg, voyageur infatigable. Mais son pôle stratégique, la Scala de Milan.
(Rénovée, avec l’inévitable cube du rehaussement de la scène, comme à Liège…)
Dans ma jeunesse, il était impossible d’aimer les deux. Très bêtement, il fallait choisir son camp! Aujourd’hui enfin, on peut se régaler des fulgurances de ces deux génies et les associer dans un même hommage.
Que l’année 2013, bicentenaire commun, soit la reconnaissance de l’immense contribution de l’un et de l’autre au patrimoine musical et humain de la civilisation européenne! La Scala de Milan a déjà fourbi ses armes!
Donc on va s’en mettre plein les oreilles, vive l’overdose!
Une chronique sur Verdi sur mon ancien blog:
http://tempolibero.skynetblogs.be/apps/search/?s=Muti
Un « petit Verdi » La Traviata (1853) et un « petit Wagner » Tristan et Isolde (1865) pour commencer ce merveilleux bicentenaire! Que c’est beau!