Je vous pose la question, chers amis amateurs d’opéra après avoir lu l’excellent édito de Sylvain Fort sur le site de Forum Opéra, et j’attends vos avis, le débat est ouvert !
Voici quelques-unes de mes réflexions.
Les sur-titres à l’opéra sont souvent considérés comme la panacée pour faire venir les néophytes au spectacle et pour faire aimer les oeuvres en langue étrangère aux plus réticents.
Pour ma part, je vois à cette pratique quelques avatars de taille:
Le spectateur, dont les yeux sont suspendus en permanence au texte qui défile, n’est plus attentif à ce qui se passe sur scène et même à ce qui est chanté. Ecouter, regarder et lire en même temps, dur, dur!
Ces surtitres ne sont pas visibles depuis certaines places (dans les théâtres à l’italienne). Certaines directions le signalent, d’autres pas.
La position physique du spectateur a aussi changé: le cou arcbouté vers l’arrière, le menton dressé vers l’avant, il est beaucoup plus sujet à un vilain torticolis renforcé souvent par une climatisation pas toujours adéquate… (Il y a d’ailleurs un système de surtitres portant le nom de « Torticoli », découvert en préparant ce post).
Pour résoudre le problème, le texte affiché sur le dos du fauteuil d’en face, très prisé en Amérique… Mais a-t-on encore le temps de lever les yeux vers la scène???
Écouter de la musique chantée dont on ne comprend pas les paroles, voilà le poncif qui ridiculise définitivement les amateurs d’opéra aux yeux des béotiens. Mais ces derniers comprennent-ils vraiment les paroles syncopées et autres onomatopées du rap, les textes des chansons des Beatles, d’Étienne Dao ou de Mylène Farmer ? Ils vous avoueront que non, que l’essentiel n’est pas là, il y a surtout le rythme de la musique et sa communion avec des syllabes. N’est-ce pas flagrant par exemple dans la chanson italienne? Ce que le bel Eros raconte, on s’en fout un peu, la langue italienne est si expressive… ça suffit à faire tout ressentir!
À l’opéra, c’est la même chose! Avec en plus, le soutien de l’action représentée sur le plateau (quoique, avec certains mises en scène modernes très tordues…). Lorsqu’on lit une biographie de Verdi, on est frappé par ses exigences en matière de prosodie, comment il torture ses librettistes, allant même souvent jusqu’à récrire certains vers lui-même lorsqu’ils ne lui fournissent pas ce qu’il veut, pour que les temps forts de sa musique correspondent à l’expressivité des mots… J’adore les opéras de Tchaikovsky, j’aime m’enivrer des sonorités douces et sauvages à la fois de la langue russe et me sentir émue en même temps par la profonde tristesse de la musique de Piotr Illich. Parfaite adéquation et ce que se disent exactement les personnages m’importe peu, je le ressens, c’est mieux!
Mais pour être totalement honnête, j’ajouterai que les sous-titres (au cinéma ou sur DVD) et les sur-titres au théâtre me sont effectivement utiles pour apprécier un monologue interminable : certains passages du Ring de Wagner où le fait de pouvoir lire en français la traduction (même succincte ou approximative) m’a beaucoup aidée à ne pas me décourager. Les grandes tirades de Wotan par exemple dans la Walkyrie.
Sylvain Fort, l’éditorialiste, nous parle aussi du plaisir de préparer sa soirée à l’opéra. Mes parents faisaient cela quand nous étions petits et qu’ils nous emmenaient à l’opéra, ils nous racontaient plusieurs fois l’histoire et nous faisaient écouter les principaux airs regroupés sur un 33T de sélection. C’était le temps où il n’y avait pas la télé (à la maison), pas Internet, pas le rythme effréné de la vie d’aujourd’hui. J’ai moi-même souvent prêté des CD ou des vidéos à des amis pour les aider à se familiariser avec ce qu’ils allaient voir et entendre. On me les a souvent rendus en me disant qu’on n’avait pas eu le temps de… Certains ont décliné mon offre, préférant le plaisir de la découverte totale! Allez savoir ce veut le peuple…
Tout compte fait, ces sous-titres et sur-titres, on n’est pas obligé de les lire… Que ceux que cela aide à aimer l’art lyrique ne s’en privent pas et les autres, qu’ils laissent simplement leurs yeux se remplir de la beauté scénique.
Mais il y a une application à laquelle je n’avais personnellement pas pensé, c’est celle au profit des personnes malentendantes ou sourdes. Certains théâtres de comédie en Suisse notamment leur proposent des tablettes avec le texte de la pièce. Génial!
Ci-dessous, un des programmes informatiques permettant le sous/surtitrage.
Et pour corroborer mes dires, un extrait de la Dame de Pique de Tchaikovsky, Dmitri Hvorostovsky à la réouverture du Bolshoi en novembre dernier. Le son n’est pas optimum mais c’est le seul extrait sans sous-titres dans le choix Youtube… J’y tenais! Bonne ivresse de sons à tous!
Le texte de l’édito: http://www.forumopera.com/index.php?page=Edito