Pour nous rendre à l’hôpital où a été opérée ma maman, nous avons emprunté hier la route de « la vallée », longeant la Meuse vers Seraing et Ougrée. Le temps est ensoleillé entre deux giboulées et soudain, passant sous l’immense arche d’un pont ferroviaire, nous saute au yeux un ciel doré, mordoré même, de ceux qui annoncent des lendemains qui chantent, des promesses de richesses, un Eldorado. Puis le voilà soudain qui se peuple de squelettes noirs, menaçants et muets, et de cheminées crachant un ridicule petit panache blanc. Angoissant décor d’une nouvelle fantastique à la Maupassant.
ArcelorMittal
Intolérable spectacle figé dans un délabrement qui prend à la gorge quand on se souvient de la puissance de feu que dégageaient les hauts-fourneaux et les laminoirs liégeois. Pays du coke et de l’acier depuis des siècles, celui de John Cockerill.
Pays déchu mais pays révolté où le feu ronge son frein mais gronde sourdement, menaçant, sous un ciel devenu soudain d’apocalypse…
La pluie survient et tambourine sur les carcasses, gros grain rageur comme un chagrin, celui de notre mémoire si bien chantée par Bernard Lavilliers et Mickey3d.
Au retour du haut de la colline, même spectacle désolant où seul flamboie encore sous un soleil apaisé, le stade de foot du club du Standard de Liège. Fier gardien d’un champ de ruines gisantes, dérisoires et broyées sur l’autel de la mondialisation ; chaudron excessif où s’expriment, dans les chants guerriers des supporters, les frustrations endurées. Et dire qu’en 2009, tout ici avait repris vie et espoir.
Alors, sait-on jamais que ce grand feu d’espoir de Lavilliers, partagé avec les travailleurs lorrains d’ArcelorMittal le 6 avril 2012 sous la Tour Eiffel, renaisse de ses cendres ?
Feu d’espoir, mais surtout force de révolte pour ces mains d’or désespérées du repos infligé. Politiciens de tous bords, attention danger, ces hommes fiers n’ont plus rien à perdre. Et ce qui vous guette ne sera peut-être pas une révolte mais une révolution… On a déjà vu ça.