Nouveau départ

Bonjour à tous! Proximus ayant décidé de fermer fin de ce mois sa plate-forme Skynetblogs, il m’a fallu migrer vers d’autres cieux. J’espère pouvoir importer le contenu de mon précédent blog ici. Mais pour l’instant, je suis dans une impasse, j’attends de l’aide.

Qu’importe, je tente de dompter mon nouvel outil pour très rapidement pouvoir vous proposer quelques posts sympas et surtout en discuter avec vous.

Bon vent donc à nous tous !

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Liège et son tsar

Des travaux à la place Saint-Lambert (!) m’ont obligée il y a quelques jours à rejoindre le centre de Liège à pied et m’ont permis de faire ainsi une étonnante découverte. Une grande statue trônait là où je n’en avais jamais vu aucune et l’identité du personnage représenté me laissa pantoise : Pierre le Grand.

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Pierre le Grand? Le Tsar de toutes les Russies? Le fondateur de Saint-Pétersbourg? À  Liège il y a 300 ans?

Le célèbre « Oufti! »  s’imposa à mon esprit titillé de curiosité et déclencha une furieuse envie d’en savoir plus.

Voyons donc!

Dans le souci de moderniser son empire, Pierre le Grand entreprit deux immenses voyages en Europe occidentale.

Le premier, en 1697, lui fit découvrir notamment la France (où il fut snobé par Louis XIV, le considérant à la tête d’un pays d’arriérés de peu d’intérêt) et la Hollande où il s’intéressa à la construction navale.  Il dut l’écourter, une révolte s’étant déclenchée en Russie.

Il revint en 1717. Ce périple le mena cette fois dans toute l’Europe. En France, il est accueilli par Louis XV enfant à Versailles et Marly, dont il découvre l’architecture et la fameuse machine de Rennequin Sualem. Il s’en inspirera pour son palais de Peterhof. Les riches Provinces-Unies l’intéressent ; pour les rejoindre, il descend donc la Meuse et arrive à Liège le 27 juin. Il est fêté au Palais des Princes-Évêques où il dîne puis part souper place Verte en admirant un feu d’artifice.

Pierre le  Grand a beau être une force de la nature (il mesure plus de 2 m), la fatigue et les excès en tous genres lui causent des problèmes gastriques et biliaires. Son médecin lui conseille alors de partir prendre les eaux à Spa.

Les bienfaits des eaux de Spa sont connus depuis l’antiquité et Pline le Jeune. Mais c’est la venue du tsar qui va déclencher la réputation mondiale de la ville et sa prospérité en tant que station thermale. Et ce, jusqu’à nos jours, puisque sa dénomination est devenue, sous l’influence des Anglais, un nom commun.

En 1717, il n’est pas encore question de se baigner. On ne fait que boire l’eau ferrugineuse soit au Pouhon, soit à la source de la Géronstère. Toujours excessif, Pierre le Grand y boit souvent plus de 20 verres et redescend ensuite à pied au centre-ville. Il y reste un bon mois, randonnant, festoyant, faisant connaissance avec la population et s’intéressant à l’artisanat local.  Le tsar se promène toujours avec en mains, un petit carnet dans lequel il note tout ce qui lui semble digne d’intérêt… Le traitement lui fait recouvrer la santé, une plaque qu’il fait graver en atteste. Spa lui en sait gré à jamais : le Pouhon, la place attenante et la promenade vers la Géronstère portent désormais son nom.

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Après le séjour bénéfique du tsar de toutes les Russies, Spa devint donc à la mode. On se presse du monde entier pour venir y prendre les eaux, puis y faire des cures thermales. Le chemin de fer accroît la fréquentation ; on y fait construire de superbes hôtels, un casino, des villas modernes… Une vie mondaine se développe.

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On peut voir sur les murs du Pouhon le fameux Livre d’or d’Antoine Fontaine, un tableau de presque 100 mètres de long dans lequel cohabitent de façon anachronique 92 illustres visiteurs.

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Notons, pour être complet, que pour fêter dignement le tricentenaire de la fameuse visite, le Pouhon a bénéficié d’une très belle rénovation, transformant notamment le grand jardin d’hiver en un superbe espace culturel. Le classement au patrimoine de l’Unesco est attendu.

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D’autres infos bien intéressantes ici:

http://www.villedespa.be/ma-ville/services-communaux/cadre-de-vie/travaux/brochurepouhon-ppl-basdef.pdf

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Revenons à Liège qui voulait, elle aussi, commémorer ce fameux tricentenaire de la traversée de la Principauté et le bref séjour dans sa capitale de l’illustre personnage.

1-1200-800-nc.jpgOn festoya donc comme on sait le faire à Liège et puis on érigea en juin dernier la sculpture de l’artiste Alexandre Taratynov, haute de 2 mètres 40 en présence des trois ambassadeurs russes en Belgique ainsi que du descendant direct de l’empereur le Grand-Duc Georges Romanoff et de la Comtesse Marina Tolstoy.

Mais où, me demanderez-vous, où?

À l’emplacement des anciens degrés Saint-Pierre devenus aujourd’hui la rue Saint-Pierre, en face du Palais des Princes-Évêques, à l’entrée de la passerelle de la Principauté de Liège et à deux doigts de la maison natale de César Franck (tous lieux symboliques!) Voyez plutôt. Elle est là sur la droite…

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 Avançons-nous, la voici de plus près!

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Événement certes anecdotique mais qui permit à Spa de conquérir à jamais sa notoriété, et à Liège et sa Principauté d’être traversée et d’avoir accueilli un souverain en quête de modernité.

Et puis, une nouvelle statue à Liège, ce n’est pas si fréquent!

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Vodka à la rose

38038261.jpgC’est un petit village côtier du pays de Caux. Traversé par le plus court fleuve de France (1100m) qui lui assura une certaine prospérité grâce aux moulins à huile de colza : Veules-les-Roses.

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Avec le chemin de fer depuis Paris et la découverte des plaisirs marins, le village se transforme après 1850 en station balnéaire à la mode, d’autant que Victor Hugo et ses amis de théâtre s’en sont entiché. Le grand homme se fait même bienfaiteur auprès des enfants.

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Veules-les-Roses succombe alors à la « Hugomania ». Il y a notamment la promenade, la villa, un grand monument portant son nom. Aujourd’hui, Michel Bussi situe la première nouvelle de son recueil « T’en souviens-tu, mon Anaïs? » dans ce vrai déferlement.

Reconnu parmi « Les plus beaux villages de France », Veules-les-Roses sait mettre en avant tous ses charmes : la plage, les falaises, les fleurs omniprésentes et des canaux qui la font surnommer « la Venise de Normandie »…

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Mais Veules-les-Roses a connu une autre grande aventure au XIXème siècle, redécouverte il y a peu : les Russes y débarquèrent. Peintres Ambulants et Académiques s’y retrouvèrent pour une double aventure picturale proche du mouvement impressionniste.

Qui sont-ils?

Les Indépendants Russes Ambulants

Rappelons-nous qu’en France aux alentours des années 1860, le mouvement des peintres impressionnistes avait eu bien du mal à percer en marge du Salon officiel. Il avait fallu le coup de pouce de Napoléon III lui-même pour créer le fameux Salon des Refusés où exposèrent notamment en 1863 Pissarro, Manet, Fantin-Latour, Jonkind puis en 1864, Monet, Renoir Bazille, Sisley…

Exactement à la même époque en Russie, le peintre Nicolaï Lanskoï et treize de ses camarades avaient refusé de traiter le sujet du concours final de l’Académie de Saint-Pétersbourg qu’ils jugeaient trop académique. Ils renonçaient ainsi à la possibilité du prix et de commandes officielles. Pour assurer leur indépendance économique et leur promotion, ces peintres fondent l’Artel, société coopérative des peintres indépendants. Leurs œuvres sont bien accueillies par la société russe, notamment par le riche marchand collectionneur Trétiakov, et la plupart connaîtront alors la réussite économique et sociale.

Les Indépendants Russes partagent avec leurs camarades français le désir de faire sortir la peinture de l’académisme et de l’atelier pour cueillir en plein air, sur de petits formats, le motif vrai, vivant et naturel ; ce que permettent les nouvelles peintures à l’huile, ainsi que le développement des chemins de fer. Ils reviendront progressivement à des valeurs proprement russes, plutôt qu’occidentales.

Pour diffuser leur production, ils fondent une Société des Expositions Itinérantes, ou Ambulantes, dont la vocation est d’organiser une rétrospective de leur production annuelle, qui tourne dans les principales villes de l’Empire de Russie. Cette organisation se maintiendra jusqu’après la révolution bolchevique, et concernera des millions de visiteurs au total. Les peintres prendront alors le nom d’Ambulants ou Itinérants.

Les Russes académiques

De leur côté, les Peintres Académiques qui suivaient les études supérieures de l’académie de Saint-Pétersbourg pouvaient, s’ils remportaient un premier prix et une grande médaille d’or (six par an), utiliser une bourse d’étude pour 5 ans de perfectionnement à l’étranger. Ils se rendaient le plus souvent à Rome.  À partir des années 1860, ils choisirent plutôt Paris devenue Ville Lumière et siège d’une grande communauté russe.

En 1868, Eugène Isabey, de l’École de Barbizon et spécialiste de marines, conseille à ses étudiants russes d’aller passer leurs vacances d’été au bord de la mer, en Normandie. Plus précisément dans une petite station devenue la coqueluche des artistes dramatiques parisiens dont Victor Hugo: Veules-les- Roses…

Le premier à s’y rendre est Bogolioubov. Enthousiaste, il  entraîne quatre de ses camarades.

Ce sera le début d’une véritable école russe de plein-air où vont se retrouver peintres Académiques et Ambulants : Polenov, Harlamov, Savitski, Goun, Repine, Levitan … tous venus travailler en Normandie jusqu’en 1914.

Quelques peintres et leurs chefs-d’oeuvre normands

Alexis Bogolioubov (1824-1896)

bogoliubov-veules.jpgIl est le premier à découvrir Veules en 1857, il est enthousiasmé, et la Normandie devient sa région préférée. En 1870 il fonde et devient président de l’association d’entraide et de bienfaisance des jeunes peintres boursiers russes.  A partir de 1874, il conduit ses propres protégés à Veules, c’est ainsi qu’une quinzaine de jeunes peintres partirent découvrir la méthode privilégiant le plein air, la nature et les scènes de la vie quotidienne.

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Vassili Polenov (1844-1927)

1cdb9d554b1b1a14c3ae1b72ccd71816.jpgSa carrière est fortement influencée par le séjour organisé par Bogolioubov. Se croyant d’abord peintre d’histoire, il découvre à Veules sa vraie vocation de peintre de paysages.

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Ilya Repine (1844-1930)

Excellent dans tous les genres, Répine déclare dans sa correspondance avoir reçu à Veules en 1874 « sa troisième leçon de peinture » après l’Ukraine et la Volga…

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Alexis Kharlamov (1842-1925)

Portraitiste de formation, Kharlamov possédera une résidence secondaire à Veules, la Sauvagère. La commune de Veules détient un original de sa main, exposé salle des mariages : Chaumière dans la cavée du Renard, à Veules.

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Toutes les oeuvres de cette époque furent ensuite dispersées en Russie. Et c’est au hasard de voyages individuels que certains de ces tableaux ont été redécouverts. Tout un travail de recherche est alors initié pour les localiser, les inventorier. Depuis quelques années, des livres et des expositions cherchent à reconstituer cette étonnante aventure.

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Étonnant!

Si les Russes s’installèrent à Veules-les-Roses, à Giverny Monet fut entouré par des peintres impressionnistes américains dont certains s’installèrent définitivement et formèrent une colonie à l’inspiration très originale basée sur la vie quotidienne et la place de la femme. L’aventure s’acheva également avec la Première Guerre mondiale.

Pour en revenir à Veules-les-Roses dans une époque plus proche de nous :

prisonniers-veules.gifEn 1940, malgré l’absence de port, Veules vit s’embarquer 3000 soldats britanniques et français qui avaient résisté à l’invasion de la France par les Allemands. Beaucoup ne durent leur salut qu’en descendant les falaises d’amont avec des moyens de fortune. En suivit une bataille sanglante, son front de mer fut détruit ainsi que son casino et ses villas (35 maisons sont anéanties le même jour). La « Kommandantur » s’installa à Veules pendant quatre ans, pillant et saccageant d’autres maisons.

 Aujourd’hui, juste l’envie de les découvrir, elle et son riche passé!

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Wien, Wien nur du allein !

En toile de fond: la mythique Vienne toujours impériale au début du XXème siècle.

En toile de fond, mais de quoi?

D’une série de polars historiques dans lesquels le médecin psychiatre Max Liebermann et l’inspecteur de police Oskar Rheinhardt, amis dans la vie, tentent d’élucider de nombreux crimes horribles et à prime abord inexplicables. La perspicacité bon enfant de l’inspecteur et la mise en pratique par le médecin des toutes nouvelles théories psychanalytiques de Freud vont faire merveille au cours d’enquêtes haletantes, sordides, étonnantes, parfois hallucinées et sanglantes.

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L’auteur Frank Tallis déroule ces histoires dans une reconstitution historique impeccable. On retrouve ici toute la minutie des détails, la recréation d’une atmosphère, la vie quotidienne qui me font tant aimer les Enquêtes de Nicolas Le Floch imaginées par Jean-François Parot dans le Paris de la fin du règne de Louis XV et celui de Louis XVI.

Tout s’y trouve effectivement.

Les intellectuels décontenancés ou enragés par les théories de Freud, qu’on rencontre dans son bureau derrière la fumée de ses célèbres cigares…

Les cafés et restaurants viennois : L’inspecteur est un incorrigible gourmand succombant à toutes sortes de pâtisseries alléchantes; le médecin, un grand amateur de cafés en tous genres et souvent améliorés…

 

La géographie de la ville, les fiacres, les tramways, les beaux quartiers, la banlieue sinistre, les alentours boisés, le Belvédère, le Prater, la Grande roue. Sa météo changeante, ses hivers sibériens, ses étés orageux…

La musique : Max fréquente l’opéra, Oskar aime les bals et la valse. Max est bon pianiste, Oskar a une jolie voix de baryton et une fois par semaine, ils se font une soirée musicale découvrant ensemble les lieder de Schubert, de Wolf, de Brahms, de Mahler. La vie musicale est agitée par la présence de Gustav Mahler justement, génial compositeur, chef d’orchestre et un directeur de l’opéra flamboyant et haï. Schönberg frappe aussi à la porte.

Les beaux-arts : Max visite volontiers le Palais d’exposition de la Sécession et y admire les œuvres de Klimt.

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Les codes de la société, la politesse, les mœurs, les velléités de certaines femmes intellectuelles de s’extraire de leur condition en fréquentant l’université, la révolte en douceur de Max contre les coutumes et traditions de sa famille juive.

La Franc-maçonnerie, la société moderne en devenir qui étouffe sous l’étiquette et les ors de l’empire austro-hongrois, les révoltes des peuples conquis aux frontières lointaines, l’espionnage et les attentats des indépendantistes hongrois, tchèques ou polonais, les pangermanistes se saoulant de Wagner… L’anti-sémitisme banalisé et rampant qui gronde partout et annonce les drames futurs et la folie du petit caporal moustachu.

610FLb-ZAJL._UX250_.jpgAvec un style alerte, une bonne dose d’humour noir et une construction romanesque efficace, Frank Tallis nous immerge dans un monde au bord de l’explosion, « qui danse sur un volcan » mais qui fascine par son bouillonnement intellectuel et artistique, et sa frivolité vénéneuse.

J’ai personnellement dévoré les trois premiers tomes. Arrivée au milieu de la série, j’ai décidé de me mettre en attente, ne voulant pas brusquer le moment où il faudrait dire adieu à ces personnages attachants.

Frank Tallis avait en effet décidé de se consacrer à la littérature fantastique.

Mais bonne nouvelle ! En cherchant quelques informations pour rédiger cette chronique, j’ai appris qu’un septième9781681776439.jpg tome allait paraître en anglais au printemps 2018. Le titre est alléchant!

Bonne découverte à ceux qui feront le voyage littéraire dans la Mitteleuropa!

 

Sous les tilleuls beethovéniens

Juste un petit billet d’humeur inspiré par Berlin et par Ludwig van B.

Il y a 17 ans, je découvrais Berlin. Pour un très court séjour avec mes élèves. Ils concouraient au Mondial de la Coiffure qui se tenait cette année-là dans la capitale allemande.

Nous étions tous très excités. Les élèves, par la perspective du concours et nous, leurs professeurs par Berlin.

Berlin en l’an 2000, c’était encore un peu exotique. Les stigmates du Mur et de la partition étaient toujours très visibles. Nous avions, nous les profs quadras enfants de la Guerre Froide, encore dans les yeux les images incroyables de la réunification pacifique en visitant la Porte de Brandebourg et le Check-Point Charlie. Nous marchions au devant de ce que nous considérions encore comme un miracle. Lors de notre visite à la porte de Brandebourg, il y avait une kermesse bon enfant avec ballons et petit drink sympa pour fêter les 10 ans de la Réunification. Nous y avions ri et trinqué au bonheur retrouvé et à la fraternité des peuples. Un an plus tard, c’était le 11 septembre. Que ce temps euphorique me paraît lointain…

À vrai dire, j’y pense à chaque début d’octobre car ce fut un voyage très dense, inoubliable avec une amie si chère qui nous a tragiquement quittés depuis… Nous étions les meilleurs supporters de nos élèves et nous nous en occupions 24 heures sur 24 comme toujours lors d’un voyage scolaire de plusieurs jours  pendant lequel il faut gérer les nuits entre garçons et filles, les bobos plus ou moins importants, les vagues à l’âme de ceux qui n’ont pas souvent ou jamais quitté le cocon familial… Dans ce genre de voyage, mes collègues me savaient dévouée corps et âme à la cause mais ils savaient aussi que comme à Paris, j’aurais besoin d’un petit sas de décompression culturelle. Ils avaient donc fait en sorte que je puisse m’échapper quelques heures pour aller flâner sur Unter den Linden et revenir vers la Philharmonie. Sur Unter den Linden, après avoir admiré l’opéra, j’étais entrée chez un disquaire à perdre son âme et j’y avais acheté Fidelio dirigé par Barenboim, c’était comme une offrande à la paix qu’on croyait à jamais revenue. À la Philharmonie, j’avais été prise d’une euphorie à l’ombre de Karajan et de la découverte d’un bâtiment d’une modernité incroyable qui avait bercé mon enfance… J’étais revenue à pied par les canaux et les parcs vers l’auberge de jeunesse très monastique où nous logions. Pas d’alcool, nous avait-on précisé. L’une d’entre nous avait prévu de petites doses de Porto cachées dans les boîtes de films argentiques qu’on trimbalait encore à l’époque, et que cela nous réconfortait une fois que toutes nos ouailles étaient enfin consolées et couchées! 

Tous ces merveilleux souvenirs ont été ravivés cet après-midi par le concert retransmis en direct sur le site Internet d’ARTE pour la réouverture du Staatsoper Berlin Unter den Linden après une très longue rénovation.

Écouter la 9ème Symphonie de Beethoven en ces lieux, c’est sans doute plus qu’ailleurs comme une étrange émotion qui prend aux tripes.

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 Et sans doute ce que Beethoven aurait aimé plus que tout, le partage et la tendresse!

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Toutes ces photos prises à la volée et ce si beau concert sur ma tv grâce à un simple câble HDMI ! Merci, la technique!

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Cet après-midi, l’esprit de Beethoven flottait dans le parfum des tilleuls! Avec quel bonheur!

Les chanteurs: René Pape, Burkhard Fritz, Okka von der Damerau, Diana Damrau

Daniel Barenboim – Berliner Staatskapelle 

https://www.staatsoper-berlin.de/de/spielplan/praeludium 

Stupeur et ravissements

808858_1.jpgCe premier concours de chefs d’orchestre d’opéra à Liège a tenu presque toutes ses promesses : il y a eu le plaisir de la musique, l’entrain de la compétition et l’émotion de la découverte de jeunes talents.

Et même plus pour certains Liégeois qui s’étaient convertis en « familles d’accueil » et qui, selon les conversations que nous partageâmes, avaient tissé des liens d’amitié et même d’affection (on n’est pas en Cité ardente pour rien) avec leurs candidats vite devenus leurs petits « poyons » et eux, supporters dignes de ceux du Standard. 

 

 

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Il y eut 140 candidats, 50 retenus et 44 qui se présentèrent aux éliminatoires avec piano devant le jury et le public. 

Nous avons pris le train en marche au stade des quarts de finale (mardi, une après-midi et une soirée pour entendre 8 participants équipés de micros qui avaient droit à une demi-heure de travail avec l’orchestre et les solistes, et parfois les chœurs). Les œuvres imposées: Carmen et La Bohème. Ils devaient en rester 6 et le choix du jury convint au public.

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De gauche à droite: Antoine Glatard, Michele Spotti, Lee Mills, Andrea Gasperin, Leonardo Sini, Pierre Dumoussaud. 

Pour la demi-finale, chacun a eu droit, sous nos yeux et nos oreilles,  à une heure de travail sur un acte complet des mêmes œuvres auxquelles on ajoute Falstaff… Pas une mince affaire! Le stress monte, il n’en restera que trois…

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Ah, on se régale mercredi et jeudi! On entre dans la cuisine intime de la création orchestrale, et après les avoir vus être passés à la moulinette, on a quatre chouchous. Aïe, un de trop!  Choix du jury qui a trouvé un juste équilibre: un Italien, un Français et un diplômé du Conservatoire (flamand) de Bruxelles. On est un peu déçues car on aimait beaucoup Gasperin dont la fugue du dernier acte de Falstaff fut d’une maîtrise absolue. L’orchestre aussi, paraît-il… Mais qu’importe, rien que du pur RAVISSEMENT depuis le début avec ces jeunes qui en veulent! Restent Antoine Glatard, Michele Spotti et Pierre Dumoussaud. 

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Le vendredi, c’est relâche pour nous, pas pour eux. Séances intenses de répétitions car en finale,  il faudra interpréter un acte entier sans interruption, dans les conditions d’un spectacle. C’est aussi le jour où la rumeur enfle, alimentée par le président du jury lui-même à la radio: le jury se réserve le droit de ne pas attribuer le premier prix mais de proposer des ex-aequo pour le deuxième… Samedi soir lors de la présentation d’avant-concert, Musiq3 remet le couvert : peut-être pas de premier prix.

STUPEUR, on sent que c’est cuit. 

Moi, j’imagine les 3 jeunes en coulisses qui ont compris qu’ils se battent pour les accessits. Mais ils seront professionnels jusqu’au bout et ne ménageront pas leur peine pour fournir d’excellentes prestations.

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Michele Spotti organise des conversations époustouflantes dans les deux tableaux de l’acte 1 de Falstaff, Antoine Glatard gère le Café Momus de La Bohème et Pierre Dumoussaud règle en architecte son compte à Carmen parmi des merveilles.

Le palmarès: Pierre Dumoussaud et Michele Spotti, deuxièmes prix ex-aequo et Antoine Glattard, troisième prix.

Il tombe un peu dans l’indifférence et avec quelques « hou, hou » du public. Les belles paroles de Mazzonis sonnent creux. Dommage, quel dommage! Pas loin du gâchis de talents.

Certes Dumoussaud et Spotti étaient au coude à coude artistiquement parlant et peut-être que le budget ne permettait pas deux prix à dix mille euros ; deux deuxièmes prix à 4 mille euros, on restait dans les marges. Mais quid du concert que le gagnant devait diriger en mars prochain? Pourquoi pas les inviter tous les deux? L’essentiel pour de jeunes artistes, c’est de se produire, de se faire entendre.

Certes. Certes, on en est à la première édition et tout est perfectible. L’orchestre a eu droit au chapitre dans le vote final mais pas le public, pourtant très nombreux et enthousiaste dès les éliminatoires… Même le CMIREB se trouve parfois dans une impasse avec sa session de violoncelle pendant laquelle on a trop entendu les mêmes œuvres. Espérons que pour sa deuxième édition dans le cadre des 200 ans de l’Opéra de Liège, ce concours des chefs d’orchestre d’opéra aura vaincu ses maladies de jeunesse.

Ce qui nous reste en travers de gorge, nous le public fervent, c’est le pré-palmarès étalé dans les média. Quelle maladresse! Que les deux lauréats soient difficiles à départager, c’et sûr, qu’ils soient ex-aequo, ok, mais qu’on l’annonce avant la finale, pfuuu… Mazzonis, tu nous gonfles grave!

Mais il faut au-delà de tout rendre hommage à l’orchestre et aux solistes (réunis au balcon lors de la proclamation et longuement applaudis, grâce leur soit rendue pour leur patience et leur talent) qui se plièrent à toutes les volontés des candidats, ainsi qu’au chœur et à la maîtrise, les petits chouchous qui assurèrent.  

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Une semaine après, l’amertume s’estompe un peu  et fait place à l’enthousiasme et à un nouveau RAVISSEMENT: le concert d’été sous la direction de Speranza Scappucci, notre nouvelle cheffe principale attitrée.

Vous faire entendre du neuf dans des extraits que vous connaissez depuis 50 ans, vous émouvoir par la gestuelle, vous  fasciner par la précision et la volonté de tirer le meilleur des chefs de pupitre, quels moments! Merci au maestro Arrivabeni d’avoir amené, au fil des années, l’orchestre à un tel niveau ; merci à Speranza de lui avoir donné en si peu de temps le sourire et un coup de peps, la banane, quoi! Quel enthousiasme du public conquis, et après le spectacle sur le trottoir de la sortie des artistes, un goût de bonheur ! Le début d’une grande histoire d’amour avec l’ORW et son public chaud, chaud de chaud!

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Speranza nous avait régalés dans Jérusalem et à l’époque quand il s’agissait de trouver un nouveau directeur musical, j’avais espéré…  Exaucée, j’attends le meilleur de cette merveilleuse musicienne tellement accessible à son public, tout ce qu’on aime à Liège! 

C’est un beau roman

Au 21ème siècle, c’est très souvent le dépouillement des églises cisterciennes qui nous émeut et nous fait découvrir la beauté de l’art roman. Nos yeux accablés d’images s’y reposent. 

Ici l’abbaye du Thoronet, puis celles de Sénanque et de Silvacane.

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Cette apparente simplicité est en réalité extrêmement complexe. Bâtie sur un équilibre parfait de la lumière, une harmonie des masses et des volumes, une acoustique particulière, l’église cache également toute une symbolique par son orientation et ses dimensions (les 4 éléments en croix latine selon les points cardinaux représentant chacun un mystère: la terre, la nativité ; l’air: l’Ascension ; le feu : l’esprit saint de la Pentecôte; l’eau: la purification, le baptême et la résurrection). La pierre doit être brute, sans aucune décoration ; seule concession éventuelle à la couleur: certains carreaux vernissés au sol.

Une telle architecture, originaire de Cîteaux, représente la pauvreté militante des ordres mendiants et un dépouillement afin d’associer les fidèles à la célébration divine sans qu’ils soient distraits. Elle présente également (surtout dans le sud de la France) des voûtes innovantes, proches du gothique. Ces monuments sont apparus à partir de la fin du XIIème siècle.

Cependant l’architecture religieuse a connu également un tout autre style roman, issu de la Renaissance carolingienne (de 751 à 987), de l’art ottonien puis de la découverte éblouie de Byzance lors de la Première Croisade (1096) : fresques, mosaïques, pierres précieuses, chapiteaux ornementés…

25664784751_fe8198f82f_b.jpgAu tournant de l’an mil, les murs d’une église sont un grand livre aux images changeantes selon l’heure des offices : une luminosité glorieuse de jour ou mystérieuse de nuit à l’aide des cierges. C’est une formidable machine de mémoire relatant toujours le même drame religieux et la destinée de l’Homme. De splendides fresques aux couleurs chatoyantes créent l’émerveillement des personnes illettrées et  servent sans aucun doute aussi à leur endoctrinement. Les monastères s’enrichissent des dons des fidèles et des seigneurs laïcs (auxquels ils appartiennent), et rivalisent alors dans la grandeur et la splendeur de leurs bâtiments.

La réforme grégorienne réglementera ensuite tout cela, la richesse ne devant plus servir à l’embellissement excessif des lieux de culte mais à l’aide aux indigents et au renforcement de la piété, notamment par la musique. La dérive dans la splendeur de Cluny fera alors place à l’austérité de Cîteaux comme vu précédemment.

Il est parfois bien difficile pour nous d’imaginer l’église romane comme un théâtre d’images car leswBkEzfJrbkBBpHDt5cS_PeHk_KM.jpg fresques murales ont subi les affres du temps historique et météorologique (surtout au nord de la Loire), et des restaurations peu scrupuleuses ou étonnantes à nos yeux contemporains comme celle d’Anatole Dauvergne, engagé par Prosper Mérimée, qui repeignit entièrement en 1860 l’intérieur de l’église d’Austremoine d’Issoire « dans le style roman » (voir ci-contre). Une interprétation, comme celles à la même époque de Viollet-le-Duc.

C’est depuis deux jours que je me suis plus particulièrement intéressée en détails à cette période de l’art roman ; j’étais restée subjuguée par le noble dépouillement serein et frais de Silvacane et de Sénanque lors de mes visites au cœur de l’été provençal. Mais bien tard l’autre soir, je suis restée scotchée sur le documentaire « Le triomphe des images il y a mille ans » qui nous présentait le miracle de Saint-Savin-sur-Gartempe, dans la Vienne (à une quarantaine de kilomètres de Poitiers). Et j’ai eu envie de vous faire partager mon émerveillement.

J’ai découvert donc Saint-Savin sur Gartempe, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1983, inscrite immédiatement au Patrimoine national dès 1840 par Prosper Mérimée lorsqu’il la découvrit et surnommée (par André Malraux?) « La chapelle Sixtine du Roman ».

L’extraordinaire dans ce bâtiment, c’est tout d’abord la surface peinte (environ 460m2) à une hauteur de plus 17 m et sur une longueur de 42 m.

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Un ensemble de 42 scènes ( 66 à l’origine) soutenues par de superbes colonnes.

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Outre la grande voûte, l’ensemble de l’église est également entièrement peint.

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Les fresques à l’époque devaient être chatoyantes. Les bleus et les verts ont disparu en grande partie, restent les dégradés d’ocre et les rouges. 

Qui a peint ce chef-d’oeuvre? On ne le sait pas et c’est un des désespoirs des médiévistes. Sans doute pas une seule personne même si une grande unité de style apparaît. On peut donc supposer que les artistes appartenaient à un même atelier sans toutefois que leur rôle soit bien défini, on les nomme donc aujourd’hui « concepteurs d’images ». 

Ils ont dû souvent passer du cadre de la miniature à la fresque et libérer ainsi leurs gestes en leur donnant de l’ampleur.

Outre les proportions étonnantes, ce qui fait l’originalité des fresques de Saint-Savin, c’est un style qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, comme si ce chantier avait été le seul réalisé par cet atelier. On y remarque le parfait équilibre des formes, la dynamique qui s’en échappe (les mouvements des vêtements) et une véritable volonté de narration (le martyre de Saint-Savin, la construction de la Tour de Babel, l’Arche de Noé…)

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L’expressivité se marque sur les visages mais surtout par les gestes de mains disproportionnées

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Voici, sur le site de l’abbaye, la possibilité de voyager dans la voûte sans se tordre le cou!   

http://www.panoglobe.com/2010/08/100801-07-stsavin/index.html

 

Un site également qui vous présente bien des détails:

https://inventaire.poitou-charentes.fr/operations/le-patrimoine-roman/64-decouvertes/392-l-eglise-romane-de-saint-savin-une-voute-peinte-exceptionnelle

 

Je ne puis que vous conseiller, si vous en avez l’occasion, de découvrir ce superbe documentaire dont le tournage a ému toute la région, dont France 3 s’en est enorgueillie dans toute la presse régionale mais qui l’a programmé le 14 août à 23h55…  Décidément, les lois de programmation des chaînes sont impénétrables! Je ne l’ai malheureusement pas encore retrouvé en entier, juste le teaser…

Le triomphe des images il y a mille ans, de Jérôme Prieur

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La chrétienté, la société et l’art ont été bouleversés lors du Moyen Âge par l’installation de la féodalité mais aussi par la réforme grégorienne, peu connue pourtant. C’est elle qui crée le pouvoir papal libéré de celui des seigneurs, ordonne le célibat des prêtres afin que le patrimoine de ceux-ci, mariés depuis toujours, ne soit pas divisé entre leurs héritiers, la suprématie des clercs sur les laïcs au sein même de l’église (le chœur où se tient l’officiant est dorénavant séparé, caché, mystérieux aux yeux des fidèles…) et bien d’autres choses encore expliquées dans le podcast ci-dessous. C’est certes un rien savant mais l’essentiel est tout-à-fait compréhensible et très étonnant.  

https://soundcloud.com/exomene/frequence-medievale-040-la-reforme-gregorienne 

Sire, Marly?

KnGEme3CQdvOSDtY1tQ97Rj593k.jpg Avec ce second tome des aventures de Clémence (voir post du 11 juillet dernier), nous arpentons la suite et la fin du règne de Louis XIV, toujours par le petit bout de la lorgnette. 

Dès les premières pages vont apparaître deux personnages que les Liégeois connaissent bien : Arnold De Ville et Rennequin Sualem, inventeurs de la fameuse machine de Marly. Un canal de dérivation de la Seine de trois lieues, quatorze énormes roues à aubes, septante-neuf pompes pour faire gravir à l’eau la moitié de la colline, un puisard intermédiaire puis de nouveau le même nombre de pompes et enfin un aqueduc permettront à M. de Francine, le père de Clémence et Grand Fontainier du Roi, de ne plus craindre que Versailles manque d’eau.  

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Le « Sire, Marly?« , désormais célèbre question posée avec ardeur par les courtisans au passage du Roi, marquerait-il donc leur intérêt pour un projet qui passionne leur souverain depuis plusieurs années et l’impressionne maintenant que la machine fonctionne dans un bruit d’enfer?

Non. 

La question est quémandeuse d’une invitation au château de Marly, tout proche de la machine. La dernière folie du Roi-Soleil. Un château de plaisance à l’architecture novatrice, un laboratoire de modernité dans lequel, plus qu’à Versailles encore, Louis XIV concrétise ses idées en architecture et sa vision du monde.

Marly est idéalement situé à égale distance entre les châteaux de Saint-Germain-en-Laye et Versailles, résidences habituelles de la Cour.

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marly.jpgC’est un petit château d’inspiration palladienne, conçu par Hardouin-Mansart et décoré par Le Brun. Les invités sont logés dans douze pavillons extérieurs construits de part et d’autre de pièces d’eau et bordés par des labyrinthes de verdure, des charmilles ombragées, et des fontaines, Le Nôtre et de Francine ayant encore frappé! Le Roi y invite une centaine de courtisans auxquels il se mêle en toute convivialité et sans étiquette rigide pour de courts séjours campagnards agrémentés de promenades, de représentations théâtrales, de concerts, d’attractions (dont une gigantesque escarpolette et un circuit de ramasse, l’ancêtre de la luge d’été).   

Clémence, notre héroïne, a l’honneur d’y participer et comme à Versailles, se transforme en journaliste pour nous faire pénétrer dans cet endroit qui éblouit tout visiteur. Nous n’avons alors qu’une envie : le visiter et l’admirer nous aussi!

marly3.jpgMais impossible, le domaine royal s’est évaporé… Il n’en reste aujourd’hui que deux pièces d’eau, des pelouses, les soubassements du château (ici au centre de l’image de gauche) et l’abreuvoir à chevaux décoré à l’époque par les fameux Chevaux de Marly (ci-dessous).

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En effet, les successeurs de Louis XIV abandonnèrent petit à petit Marly, trop coûteux. Démantelé à la Révolution, il abrita une filature puis intéressa un temps Napoléon qui finit par y loger ses troupes. Un dernier propriétaire le dépeça, le revendit par morceaux et le fit ainsi disparaître à tout jamais.

Puisque Clémence, notre meneuse de jeu, est la fille du Grand fontainier du Roi, intéressons-nous d’abord aux Eaux de Marly. L’eau de la Seine, ayant transité donc par la fameuse machine de Marly, puis par l’aqueduc de Louveciennes et stockée dans un grand réservoir (comme on peut les voir ci-dessous en haut à gauche), dégringolait tout d’abord par une cascade de 200 m de long qu’on venait admirer de l’Europe entière (en haut, au centre). Le marbre rouge qui composait les marches a été utilisé plus tard dans la construction de l’église Saint-Sulpice à Paris. Ne reste aujourd’hui que « Le tapis vert ».

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Par des souterrains sous le château, l’eau rejoignait alors les miroirs centraux, les fontaines et le plus haut jet de l’époque. Toujours par des souterrains, elle gagnait ensuite l’abreuvoir à chevaux et par des égouts, rejoignait la Seine.

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img-15-small580.jpgLa région étant très marécageuse, les eaux stagnantes environnantes étaient récupérées dans un grand fossé qui, plutôt qu’un mur inesthétique, séparait le domaine de la forêt et y refoulait le gibier. Deux ponts tournants permettaient le passage des hommes et des équipages.

 

 

Et le château, me direz-vous? Tout y était beaucoup plus économique dans la décoration qu’à Versailles. Du trompe-l’oeil partout : stucs, bronzes recouverts de peinture dorée, faux marbres dessinés… Grâce aux gravures d’époque, sa reconstitution extrêmement minutieuse a été possible. L’intérieur est construit autour d’un salon octogone à la mode de l’architecte Palladio (sur le modèle de la villa La Rotonda) avec quatre appartements et leurs vestibules en croix.

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Le premier séjour royal eut lieu en 1684, le dernier en juillet 1789…

La vie y était beaucoup plus simple qu’à Versailles, la vaisselle trouvée sur place l’atteste. Mais on y découvre pourtant de la porcelaine de Chine, très à la mode et dont le Grand Dauphin raffolait. On allait à Paris se fournir et tenter de dénicher les plus beaux spécimens, on allait donc « chiner »!

Au fur et à mesure de ses visites, Louis XIV modifia un peu l’ensemble. En 1688, il transforma un des douze pavillons pour invités en un « Pavillon des bains » muni de baignoires dans lesquelles les invités pouvaient se délasser (sans vraiment de but hygiénique).

En 1703, il sacrifia encore deux pavillons pour y installer les deux énormes globes (terrestre et céleste) de Coronelli, cadeau du Cardinal d’Estrées.

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Présentés sous la voûte du Grand Palais en 2005, installés depuis 2006 à la Bibliothèque François Mitterrand.

paris-musee-louvre-cour-marly.jpgQuelques semaines avant sa mort (c’est en rentrant de Marly le 9 août 1715 qu’il apparut très abattu et ressentit les premières douleurs à la jambe, il mourut de la gangrène le 1er septembre), Louis XIV réceptionna encore des statues pour décorer le parc. Nombreuses d’entre elles sont aujourd’hui visibles dans la Cour Marly du Musée du Louvre. 

 

Ce domaine mythique qui inspira Pierre le Grand (château de Peterhof), Louis II de Bavière (château de Linderhof) et Pierre Charles L’Enfant, architecte français qui conçut en 1791 le plan de Washington, s’est donc volatilisé entièrement.

Il resterait donc pour jamais comme un beau songe, le château du Bel au bois dormant…

Sauf qu’une géniale équipe s’est mise en tête de le reconstituer en 3D. Voici le documentaire qui raconte leurs recherches et nous éclaire scientifiquement mais aussi passionnément sur cette merveille que fut Marly!

Si mon article vous intéresse vraiment, regardez-le, ce seront 52 minutes d’enchantement!

 

Quant à Clémence, notre héroïne si attachante, ses aventures restent passionnantes dans ce second volume.  Avec notamment Madame de Sévigné et Madame de Caylus, elle a formé le groupe des Ombrelles, ces femmes modernes fréquentant la Cour de Versailles mais à l’esprit précurseur des Lumières (elles rencontreront d’ailleurs le jeune Arouet, futur Voltaire…), fréquentant les salons parisiens, celui de Ninon de Lenclos notamment. Mais les compagnons de route comme La Fontaine, Racine, Boileau, Molière, La Quintinie, Le Nôtre, Le Brun, Le Vau s’éteignent les uns après les autres. Et s’il y a le miracle de Marly, le règne se termine par des guerres sans fin et des deuils en cascade. Bonne lecture à ceux qui plongeront au cœur d’une époque exaltante mais crépusculaire… 

Une chinoiserie qui passe au bleu

Je succombe à la mode du moment, voici une page « jeux ». Une valeur sûre, celui des sept erreurs à retrouver entre ces deux photos…

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Oui, il y a la colonnade de la rotonde, celle-ci percée de fenêtres, la pomme de pin sommitale, les arbres, les fils de tram… À y regarder de si près, peut-être certains d’entre vous, ont-ils reconnu ce bâtiment?

C’est le musée Guimet, spécialisé dans les civilisations orientales. Entre deux rénovations?

Non.

Car il s’agit en réalité de deux bâtiments différents, deux musées Guimet.

Celui de gauche date de 1879 et a été érigé à Lyon, boulevard des Belges. Celui de droite, datant de 1889, est situé à Paris place d’Iéna, un incontournable pour qui s’intéresse aux arts orientaux. Tous deux appartinrent à Émile Guimet et abrit(èr)ent ses collections.

Voilà la première découverte étonnante (pour moi, pauvre béotienne) que je fis, ce dimanche, en regardant d’un œil distrait une émission sur le bouddhisme.

Ah, je suis sûre que comme moi, vous voulez en savoir plus.

Pourquoi deux répliques presqu’à l’identique? Comment financer pareilles entreprises?

Commençons logiquement par la première interrogation.

Pourquoi deux répliques presqu’à l’identique?

portrait.jpgÉmile Guimet, originaire de la région lyonnaise, est tout d’abord passionné d’égyptologie. Il effectue le pèlerinage en terre de pyramides et ramène quelques « souvenirs », notamment des momies. Ayant perdu tous les membres de sa famille, restant donc seul et fortuné (nous verrons pourquoi tout à l’heure), il va effectuer ensuite une très longue mission en Orient et ramener des collections sur les religions de l’Inde, de la Chine et du Japon. À son retour en 1879, il fait construire un bâtiment dans un nouveau quartier de Lyon (boulevard du Nord en face du Parc de la Tête d’Or, devenu ensuite boulevard des Belges) pour abriter ses collections et également y prodiguer un enseignement sur les religions et les langues orientales.

Malheureusement, la faible fréquentation de son musée l’amène à clore très rapidement l’expérience. Le bâtiment revendu à des particuliers a alors bien d’autres affectations (un restaurant puis un Palais des glaces avec patinoire) jusqu’à 1909, date à laquelle la ville de Lyon le rachète et en fait le musée d’histoire naturelle.

À la même époque, le maire de Lyon Édouard Herriot convainc Guimet de retenter l’aventure et de devenir le directeur de ce second musée jusqu’à sa mort en 1918. On y trouve alors un embryon de galerie de l’évolution et plus de 3000 objets orientaux. Bien d’autres institutions partageront également les lieux (un musée colonial, un musée de la Résistance, un musée de l’Outremer et de la langue française…) mais l’essentiel des collections de Guimet est préservé et le tout a été transféré depuis 2014 au musée des Confluences.

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Mais après la fermeture du musée de Lyon en 1883, qu’a donc fait Guimet de toutes ses collections?

Il ne s’est pas laissé abattre, mieux il a reconstruit! À Paris. Il inaugure en 1889  la réplique à l’identique de son musée lyonnais, le Musée Guimet place d’Iéna tel que nous l’admirons aujourd’hui. Le Musée national des arts asiatiques déploie des collections fastueuses, une bibliothèque extraordinaire dans la rotonde, une architecture somptueuse et un sublime jardin qui nous entraîne loin de toutes les vicissitudes du monde moderne.

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Pour en voir plus: http://www.guimet.fr

La seconde question posée précédemment: comment financer personnellement pareilles entreprises?

Et c’est là aussi ma seconde découverte étonnante à propos de Guimet. Sa passion asiatique est connue, mais sa réussite professionnelle?

« au bleu »! au sens propre…

La famille d’Émile Guimet a en effet fait fortune grâce à l’invention du bleu outremer artificiel, le fameux « bleu Guimet ». À l’origine, une histoire d’amour… Jean-Baptiste Guimet, le père d’Émile, voulut faire plaisir à son épouse artiste-peintre (la mère d’Émile) qui comme d’autres artistes, utilisait pour la couleur bleue un produit très onéreux fabriqué à base de lapis-lazuli broyé. Renoir et Van Gogh furent les premiers à employer ce nouveau pigment artificiel…

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Fort de son invention, Jean-Baptiste décide d’en faire une application industrielle pour l’azurage, une teinture pour le linge qui ravivait le blanc, ancêtre des grains bleus présents dans nos poudres à lessiver! Il installe son usine à Fleurieu-sur-Saône et fait fortune.

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En 1860, Émile reprend l’affaire et la développe avec d’importants bâtiments, de nouveaux fours et une halte de chemin de fer pour les 150 ouvriers de l’usine. Il préside une société florissante qui deviendra en 1895 la société Pechiney.

C’est donc parallèlement à ses activités d’industriel qu’il entreprend tout d’abord ses voyages en Egypte. En quelques mois, il perd son père, sa mère et sa première épouse. Alors après la visite de l’exposition universelle de Philadelphie, il part faire le tour du monde avec le peintre Félix Régamey, découvre l’Extrême-Orient et donne libre cours à sa passion.

Le fils et le petit-fils reprendront l’entreprise familiale jusqu’en 1967 en se tournant notamment vers l’industrie papetière avide de papier bien blanc…

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Alors, cette histoire de bleu Guimet, d’estampes, de porcelaines et de kimonos, de lessive et de papier, étonnante, non?

Pour approfondir (je ne les ai pas lus):

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Commentez si vous voulez!

letter_computer.jpgBonjour à tous! 

Certains, parmi vous, regrettent de ne plus pouvoir faire de commentaires sur d’anciennes notes. En effet, le délai le plus long autorisé par Skynet est de 6 mois et puis on ferme! Ce matin en chipotant dans la partie « gestion », j’ai pu les rouvrir tous depuis la création du blog. Combien de temps cela durera-t-il, je ne sais. Alors profitez-en tant que cela marche, à vos claviers!