Je succombe à la mode du moment, voici une page « jeux ». Une valeur sûre, celui des sept erreurs à retrouver entre ces deux photos…
Oui, il y a la colonnade de la rotonde, celle-ci percée de fenêtres, la pomme de pin sommitale, les arbres, les fils de tram… À y regarder de si près, peut-être certains d’entre vous, ont-ils reconnu ce bâtiment?
C’est le musée Guimet, spécialisé dans les civilisations orientales. Entre deux rénovations?
Non.
Car il s’agit en réalité de deux bâtiments différents, deux musées Guimet.
Celui de gauche date de 1879 et a été érigé à Lyon, boulevard des Belges. Celui de droite, datant de 1889, est situé à Paris place d’Iéna, un incontournable pour qui s’intéresse aux arts orientaux. Tous deux appartinrent à Émile Guimet et abrit(èr)ent ses collections.
Voilà la première découverte étonnante (pour moi, pauvre béotienne) que je fis, ce dimanche, en regardant d’un œil distrait une émission sur le bouddhisme.
Ah, je suis sûre que comme moi, vous voulez en savoir plus.
Pourquoi deux répliques presqu’à l’identique? Comment financer pareilles entreprises?
Commençons logiquement par la première interrogation.
Pourquoi deux répliques presqu’à l’identique?
Émile Guimet, originaire de la région lyonnaise, est tout d’abord passionné d’égyptologie. Il effectue le pèlerinage en terre de pyramides et ramène quelques « souvenirs », notamment des momies. Ayant perdu tous les membres de sa famille, restant donc seul et fortuné (nous verrons pourquoi tout à l’heure), il va effectuer ensuite une très longue mission en Orient et ramener des collections sur les religions de l’Inde, de la Chine et du Japon. À son retour en 1879, il fait construire un bâtiment dans un nouveau quartier de Lyon (boulevard du Nord en face du Parc de la Tête d’Or, devenu ensuite boulevard des Belges) pour abriter ses collections et également y prodiguer un enseignement sur les religions et les langues orientales.
Malheureusement, la faible fréquentation de son musée l’amène à clore très rapidement l’expérience. Le bâtiment revendu à des particuliers a alors bien d’autres affectations (un restaurant puis un Palais des glaces avec patinoire) jusqu’à 1909, date à laquelle la ville de Lyon le rachète et en fait le musée d’histoire naturelle.
À la même époque, le maire de Lyon Édouard Herriot convainc Guimet de retenter l’aventure et de devenir le directeur de ce second musée jusqu’à sa mort en 1918. On y trouve alors un embryon de galerie de l’évolution et plus de 3000 objets orientaux. Bien d’autres institutions partageront également les lieux (un musée colonial, un musée de la Résistance, un musée de l’Outremer et de la langue française…) mais l’essentiel des collections de Guimet est préservé et le tout a été transféré depuis 2014 au musée des Confluences.
Mais après la fermeture du musée de Lyon en 1883, qu’a donc fait Guimet de toutes ses collections?
Il ne s’est pas laissé abattre, mieux il a reconstruit! À Paris. Il inaugure en 1889 la réplique à l’identique de son musée lyonnais, le Musée Guimet place d’Iéna tel que nous l’admirons aujourd’hui. Le Musée national des arts asiatiques déploie des collections fastueuses, une bibliothèque extraordinaire dans la rotonde, une architecture somptueuse et un sublime jardin qui nous entraîne loin de toutes les vicissitudes du monde moderne.
Pour en voir plus: http://www.guimet.fr
La seconde question posée précédemment: comment financer personnellement pareilles entreprises?
Et c’est là aussi ma seconde découverte étonnante à propos de Guimet. Sa passion asiatique est connue, mais sa réussite professionnelle?
« au bleu »! au sens propre…
La famille d’Émile Guimet a en effet fait fortune grâce à l’invention du bleu outremer artificiel, le fameux « bleu Guimet ». À l’origine, une histoire d’amour… Jean-Baptiste Guimet, le père d’Émile, voulut faire plaisir à son épouse artiste-peintre (la mère d’Émile) qui comme d’autres artistes, utilisait pour la couleur bleue un produit très onéreux fabriqué à base de lapis-lazuli broyé. Renoir et Van Gogh furent les premiers à employer ce nouveau pigment artificiel…
Fort de son invention, Jean-Baptiste décide d’en faire une application industrielle pour l’azurage, une teinture pour le linge qui ravivait le blanc, ancêtre des grains bleus présents dans nos poudres à lessiver! Il installe son usine à Fleurieu-sur-Saône et fait fortune.
En 1860, Émile reprend l’affaire et la développe avec d’importants bâtiments, de nouveaux fours et une halte de chemin de fer pour les 150 ouvriers de l’usine. Il préside une société florissante qui deviendra en 1895 la société Pechiney.
C’est donc parallèlement à ses activités d’industriel qu’il entreprend tout d’abord ses voyages en Egypte. En quelques mois, il perd son père, sa mère et sa première épouse. Alors après la visite de l’exposition universelle de Philadelphie, il part faire le tour du monde avec le peintre Félix Régamey, découvre l’Extrême-Orient et donne libre cours à sa passion.
Le fils et le petit-fils reprendront l’entreprise familiale jusqu’en 1967 en se tournant notamment vers l’industrie papetière avide de papier bien blanc…
Alors, cette histoire de bleu Guimet, d’estampes, de porcelaines et de kimonos, de lessive et de papier, étonnante, non?
Pour approfondir (je ne les ai pas lus):
Emile Guimet : quel personnage atypique et aux multiples facettes ! Malheureux dans sa vie privée hélas , mais heureux par ses nombreuses découvertes lors de ses voyages et notamment en Egypte .Une passion est née et grâce à Auguste Mariette , cette fascination ne le quittera jamais . J’envie ces personnages qui ont pu voyager à l’envi ,et s’en mettre plein les yeux devant tant de merveilles dans le monde .Son immense fortune a permis de conserver toutes ses fabuleuses collections d’Egypte et d’Asie dans des musées , pour le grand bonheur des scientifiques et des passionnés d’antiquités .
C’est avec émotion que je revois ces petites boules bleues utilisées par ma maman ,pour azurer son linge et , foi de Barbara , il était magnifique .Il faut cependant préciser qu’elle le faisait aussi bouillir dans une grande tine .Le résultat était impeccable et c’était une très grande fierté pour elle car veuve avec 5 enfants en bas-âge , elle assumait….merci Maman .
Surprise de découvrir ce » grand » homme par l’apport de ses richesses archéologiques , ses écrits de voyage et son » bleu outremer » si beau mais oublié du Larousse , en dehors de son musée !
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Incroyable, ce Monsieur Guimet, et j’avoue que j’ignorais l’existence de deux musées Guimet. Comme quoi, la télévision n’est pas toujours une machine abrutissante… Moi aussi, j’ai le souvenir de ces petits sachets qu’on ajoutait à la lessive. Merci pour ton commentaire, ça fait chaud au cœur quand mes lecteurs manifestent leur intérêt pour ma modeste prose!
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