Sire, Marly?

KnGEme3CQdvOSDtY1tQ97Rj593k.jpg Avec ce second tome des aventures de Clémence (voir post du 11 juillet dernier), nous arpentons la suite et la fin du règne de Louis XIV, toujours par le petit bout de la lorgnette. 

Dès les premières pages vont apparaître deux personnages que les Liégeois connaissent bien : Arnold De Ville et Rennequin Sualem, inventeurs de la fameuse machine de Marly. Un canal de dérivation de la Seine de trois lieues, quatorze énormes roues à aubes, septante-neuf pompes pour faire gravir à l’eau la moitié de la colline, un puisard intermédiaire puis de nouveau le même nombre de pompes et enfin un aqueduc permettront à M. de Francine, le père de Clémence et Grand Fontainier du Roi, de ne plus craindre que Versailles manque d’eau.  

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Le « Sire, Marly?« , désormais célèbre question posée avec ardeur par les courtisans au passage du Roi, marquerait-il donc leur intérêt pour un projet qui passionne leur souverain depuis plusieurs années et l’impressionne maintenant que la machine fonctionne dans un bruit d’enfer?

Non. 

La question est quémandeuse d’une invitation au château de Marly, tout proche de la machine. La dernière folie du Roi-Soleil. Un château de plaisance à l’architecture novatrice, un laboratoire de modernité dans lequel, plus qu’à Versailles encore, Louis XIV concrétise ses idées en architecture et sa vision du monde.

Marly est idéalement situé à égale distance entre les châteaux de Saint-Germain-en-Laye et Versailles, résidences habituelles de la Cour.

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marly.jpgC’est un petit château d’inspiration palladienne, conçu par Hardouin-Mansart et décoré par Le Brun. Les invités sont logés dans douze pavillons extérieurs construits de part et d’autre de pièces d’eau et bordés par des labyrinthes de verdure, des charmilles ombragées, et des fontaines, Le Nôtre et de Francine ayant encore frappé! Le Roi y invite une centaine de courtisans auxquels il se mêle en toute convivialité et sans étiquette rigide pour de courts séjours campagnards agrémentés de promenades, de représentations théâtrales, de concerts, d’attractions (dont une gigantesque escarpolette et un circuit de ramasse, l’ancêtre de la luge d’été).   

Clémence, notre héroïne, a l’honneur d’y participer et comme à Versailles, se transforme en journaliste pour nous faire pénétrer dans cet endroit qui éblouit tout visiteur. Nous n’avons alors qu’une envie : le visiter et l’admirer nous aussi!

marly3.jpgMais impossible, le domaine royal s’est évaporé… Il n’en reste aujourd’hui que deux pièces d’eau, des pelouses, les soubassements du château (ici au centre de l’image de gauche) et l’abreuvoir à chevaux décoré à l’époque par les fameux Chevaux de Marly (ci-dessous).

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En effet, les successeurs de Louis XIV abandonnèrent petit à petit Marly, trop coûteux. Démantelé à la Révolution, il abrita une filature puis intéressa un temps Napoléon qui finit par y loger ses troupes. Un dernier propriétaire le dépeça, le revendit par morceaux et le fit ainsi disparaître à tout jamais.

Puisque Clémence, notre meneuse de jeu, est la fille du Grand fontainier du Roi, intéressons-nous d’abord aux Eaux de Marly. L’eau de la Seine, ayant transité donc par la fameuse machine de Marly, puis par l’aqueduc de Louveciennes et stockée dans un grand réservoir (comme on peut les voir ci-dessous en haut à gauche), dégringolait tout d’abord par une cascade de 200 m de long qu’on venait admirer de l’Europe entière (en haut, au centre). Le marbre rouge qui composait les marches a été utilisé plus tard dans la construction de l’église Saint-Sulpice à Paris. Ne reste aujourd’hui que « Le tapis vert ».

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Par des souterrains sous le château, l’eau rejoignait alors les miroirs centraux, les fontaines et le plus haut jet de l’époque. Toujours par des souterrains, elle gagnait ensuite l’abreuvoir à chevaux et par des égouts, rejoignait la Seine.

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img-15-small580.jpgLa région étant très marécageuse, les eaux stagnantes environnantes étaient récupérées dans un grand fossé qui, plutôt qu’un mur inesthétique, séparait le domaine de la forêt et y refoulait le gibier. Deux ponts tournants permettaient le passage des hommes et des équipages.

 

 

Et le château, me direz-vous? Tout y était beaucoup plus économique dans la décoration qu’à Versailles. Du trompe-l’oeil partout : stucs, bronzes recouverts de peinture dorée, faux marbres dessinés… Grâce aux gravures d’époque, sa reconstitution extrêmement minutieuse a été possible. L’intérieur est construit autour d’un salon octogone à la mode de l’architecte Palladio (sur le modèle de la villa La Rotonda) avec quatre appartements et leurs vestibules en croix.

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Le premier séjour royal eut lieu en 1684, le dernier en juillet 1789…

La vie y était beaucoup plus simple qu’à Versailles, la vaisselle trouvée sur place l’atteste. Mais on y découvre pourtant de la porcelaine de Chine, très à la mode et dont le Grand Dauphin raffolait. On allait à Paris se fournir et tenter de dénicher les plus beaux spécimens, on allait donc « chiner »!

Au fur et à mesure de ses visites, Louis XIV modifia un peu l’ensemble. En 1688, il transforma un des douze pavillons pour invités en un « Pavillon des bains » muni de baignoires dans lesquelles les invités pouvaient se délasser (sans vraiment de but hygiénique).

En 1703, il sacrifia encore deux pavillons pour y installer les deux énormes globes (terrestre et céleste) de Coronelli, cadeau du Cardinal d’Estrées.

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Présentés sous la voûte du Grand Palais en 2005, installés depuis 2006 à la Bibliothèque François Mitterrand.

paris-musee-louvre-cour-marly.jpgQuelques semaines avant sa mort (c’est en rentrant de Marly le 9 août 1715 qu’il apparut très abattu et ressentit les premières douleurs à la jambe, il mourut de la gangrène le 1er septembre), Louis XIV réceptionna encore des statues pour décorer le parc. Nombreuses d’entre elles sont aujourd’hui visibles dans la Cour Marly du Musée du Louvre. 

 

Ce domaine mythique qui inspira Pierre le Grand (château de Peterhof), Louis II de Bavière (château de Linderhof) et Pierre Charles L’Enfant, architecte français qui conçut en 1791 le plan de Washington, s’est donc volatilisé entièrement.

Il resterait donc pour jamais comme un beau songe, le château du Bel au bois dormant…

Sauf qu’une géniale équipe s’est mise en tête de le reconstituer en 3D. Voici le documentaire qui raconte leurs recherches et nous éclaire scientifiquement mais aussi passionnément sur cette merveille que fut Marly!

Si mon article vous intéresse vraiment, regardez-le, ce seront 52 minutes d’enchantement!

 

Quant à Clémence, notre héroïne si attachante, ses aventures restent passionnantes dans ce second volume.  Avec notamment Madame de Sévigné et Madame de Caylus, elle a formé le groupe des Ombrelles, ces femmes modernes fréquentant la Cour de Versailles mais à l’esprit précurseur des Lumières (elles rencontreront d’ailleurs le jeune Arouet, futur Voltaire…), fréquentant les salons parisiens, celui de Ninon de Lenclos notamment. Mais les compagnons de route comme La Fontaine, Racine, Boileau, Molière, La Quintinie, Le Nôtre, Le Brun, Le Vau s’éteignent les uns après les autres. Et s’il y a le miracle de Marly, le règne se termine par des guerres sans fin et des deuils en cascade. Bonne lecture à ceux qui plongeront au cœur d’une époque exaltante mais crépusculaire… 

2 commentaires sur “Sire, Marly?

  1.  » Rita ,Marly ?  » Merci pour cette invitation à Marly-le-Roi : lieu somptueux de détente et d’agrément découvert notamment , par ce superbe petit film . Si l’on est fasciné par Versailles et ses fastes , on est conquis par Marly , cet immense éden de verdure , d’intimité royale et de tranquillité .
    Louis XIV , avec ses goûts de grandeur et de luxe voulait briller non seulement par Sa Personne mais aussi par des domaines ruisselants d’or ,de lumière et d’eau . La machine de Marly , gigantesque machinerie , a réalisé des miracles en amenant l’eau à travers tout un paysage vallonné à des lieues à la ronde . Cette eau précieuse domptée en sublimes cascades et fontaines rivalisant d’ingéniosité et beauté , nous offre encore aujourd’hui des moments d’extase et de contemplation . Merci à tous ces  » cadors » , des hommes d’exception , réunis pour l’aménagement d’un territoire , au service d’un Grand Roi .
    Redécouvrir cet immense domaine ,c’est se pencher sur sa glorieuse destinée à travers ses vestiges et ses fouilles . Les rares documents , superbement illustrés , et la haute technologie nous dressent un « portrait » en 3D de ce qu’était Marly ….et on se met à rêver! Mais on peut toujours aller admirer ces 2 énormes globe terrestre et céleste ,dédiés à Sa Majesté . Et quand on ira « chiner  » ,avoir une pensée pour ce siècle d’apparat flamboyant !

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  2. J’avoue avoir ignoré l’existence de ces deux globes et aller les admirer sera l’occasion de retourner à la bibliothèque François Mitterrand, un endroit que j’adore avec sa superbe passerelle Simone de Beauvoir. Et puis il y aura un voyage à Versailles que nous (re)découvrirons ensemble! Merci pour ce commentaire enthousiaste mais c’est vrai que l’histoire de Marly est emballante!

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