Les métamorphoses du cello

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C’est le miracle musical à chaque retour de l’été: le Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique, le CMIREB, passionne les mélomanes avertis et occasionnels, la radio et la télévision retransmettent tous les niveaux d’épreuves: éliminatoires, demi-finale et finale. On attend tard dans la nuit le palmarès et on le commente comme un match de foot! 

Cette année, la passion était à son comble car après le violon, le piano, la composition, le chant, c’est le violoncelle qui rejoignait la grande famille du concours. L’occasion de découvrir des artistes, un répertoire, l’histoire de l’instrument…

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Instrument à archet de la famille du violon, inventé à la fin du XVIe siècle, il prend place entre l’alto et la contrebasse. Il est caractérisé par la pique réglable, fixée à l’extrémité inférieure, qui permet d’avoir un meilleur point d’appui, depuis le XIXe siècle. Les grands luthiers italiens Andrea Amati, Gasparo da Salò et Antonio Stradivari en ont construit de beaux exemplaires. Concurrent de la viole de gambe, il finit par s’imposer, par sa sonorité plus forte.

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Le répertoire est extrêmement vaste même si Mozart et Beethoven ne lui ont pas composé de concerto spécifique. Mais il prend sa revanche à la fin du 19ème siècle, au 20ème et aujourd’hui encore, la création étant boostée par de grands interprètes comme Paul Tortelier, Mstislav Rostropovitch et les virtuoses d’aujourd’hui. 

Jacqueline du Pré (1945-1987) et Mstislav Rostropovitch (1927-2007)

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Mais vous lirez ailleurs des analyses plus complètes et plus savantes!

Mon propos ici différent… J’ai envie de partir en goguette et de vous parler d’autre chose…

Sa forme, par exemple. Il fut « da braccia » et porté en bandoulière sans pique…

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Aujourd’hui, il prend des formes psychédéliques en version électrique…

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Mais il peut aussi décoiffer en restant BCBG… Thunderstruck de AC/DC en perruques poudrées, ça vous dit? ça décoiffe, ça dézingue, ça déboîte! Écoutez!

 

Et la relation à deux? Par leur position, le violoncelle et l’instrumentiste s’enlacent…Qui sont-ils donc l’un pour l’autre? Il? Elle?

Lors de la finale du CMIREB, on a posé la question aux hommes… pas aux deux jeunes femmes, question de pudeur? 

Les Russes vous diront que c’est « elle » car dans leur langue, c’est un nom féminin. D’autres vous diront que c’est « il » car c’est leur alter ego, leur meilleur ami à qui on donne l’accolade fraternelle… D’autres encore vous parleront de l’ancrage terrien fort avec les genoux, les pieds et la pique… 

Amedeo Modigliani – Joseph De Camp

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Plusieurs finalistes avaient coiffé le haut de leur instrument d’un chiffon, d’un coussin, question de protéger le vernis de la sueur du corps ou ses seins pour une jeune femme. 

Et dans les autres arts, quelle est la place du violoncelle? Assez peu de représentations en peinture mais un joli dessin animé du Japonais Isaho Takahata : Goshu, le violoncelliste. Où il est question tout d’abord d’un chat piégé… De Beethoven, de Schumann aussi!

 

 

Mais pas que…

 » Goshu est un violoncelliste maladroit et timide, toujours réprimandé par son professeur. Il va être aidé dans la préparation de son concert par la visite d’une succession d’animaux : un chat un coucou, un tanuki et un mumot, chacun lui apportant des vertus telles que la patience, le goût de la communication et la rigueur. Le chat, provocateur, insolent et chapardeur, révèle à Goshu sa faculté d’exprimer sa colère. L’oiseau chantant son fameux « coucou » sur deux notes est un modèle pour Goshu qui tentera de multiples variations sur cet air ; le tanuki approfondit l’enseignement du rythme avec son tambour. Enfin, la souris suppliera Goshu de jouer pour la guérison de son souriceau malade, ce qui sera l’occasion pour Goshu de faire montre de sa compassion et de sa générosité. Ces animaux, dans leur comportement authentique, auront tous contribué, par l’échange, à l’apprentissage intime du jeune héros »

P1100313.JPGQuestion chat, mon Casanova avait résolu le problème! 

En littérature?

Une histoire incroyable m’est tombée sous les yeux avec un certain Maurice Maréchal. 

Appelé sous les drapeaux à l’âge de 22 ans, le violoncelliste Maurice Maréchal n’était pas destiné à devenir soldat, il se destinait à une carrière de concertiste quand il a été mobilisé. Un autre musicien, le violoniste Lucien Durosoir, fait appel à lui pour constituer un quatuor à cordes, à la demande du Général Mangin. Ils deviendront ainsi les musiciens officiels de l’état-major, premiers éléments de ce qui deviendra la « Musique aux armées » (pendant la Seconde Guerre Mondiale, on y retrouvera notamment Francis Lemarque). Avec l’interprétation d’oeuvres de musique classique ou de compositeurs de leur temps, ils distraieront surtout les officiers, ce qui leur permettra de jouir d’un confort et d’une sécurité relatifs.
Pour se produire lors de ces concerts, Maurice Maréchal convainc deux camarades soldats, menuisiers dans le civil, de lui fabriquer un violoncelle. Constitué avec les moyens du bord, une caisse de munitions allemandes et des morceaux de porte en chêne, ce violoncelle, que Maurice Maréchal a surnommé « le Poilu », se produira même à Verdun! Il est aujourd’hui exposé à la Cité de la Musique. 

Après la guerre, Maurice Maréchal entamera une brillante carrière de concertiste, puis deviendra l’un des plus illustres professeurs de violoncelle du Conservatoire Supérieur de Paris. Son ami Lucien Durosoir se consacrera surtout à la composition. 

51XPibveM6L._SX210_.jpgCette extraordinaire histoire a inspiré Hervé Mestron qui a écrit un roman pour la jeunesse « Le violoncelle poilu » dans lequel il donne la parole à l’instrument. c’est lui qui décrit la vie dans les tranchées, qui dépeint les émotions, les peurs et la misère des soldats. 

J’ai dû attraper la grippe dans cette grotte humide. Mes cordes sont fausses, mon timbre enrhumé. Une lueur cependant traverse le visage de mon violoncelliste. Sans un mot, il me plaque contre lui et se met à jouer une phrase de Beethoven.
Notre duo maladroit me bouleverse. Le bois s’est décollé dans le fond de ma caisse, ceci expliquant mes problèmes de sonorité, et Maurice, les membres engourdis, pose des doigts malhabiles sur ma touche. Une lumière jaillit cependant du trou noir.

Au cours de l’histoire, le violoncelle est détruit par un obus : Une sensation de froid se propage dans ma caisse, depuis la pique jusqu’au sillet. Je suis en miettes. J’ai explosé en mille morceaux, pareil à un verre sur du carrelage. Mes cordes pendouillent dans le vide, mon souffle s’amenuise. 

 

On peut aussi, en consultant l’iconographie, constater que les Poilus avaient confectionné des instruments minimalistes dont se sont sans doute inspirés les designers d’aujourd’hui!

 

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Vous le voyez, l’histoire du violoncelle est passionnante! Et que dire de ses métamorphoses en tant qu’objet et en tant que vecteur d’un grand répertoire du 20ème siècle car il est le chouchou des compositeurs contemporains. Vivement dans quatre ans…