C’est une bien étrange histoire qui vient d’arriver à Julien Chauvin et ses amis musiciens en voulant donner à leur orchestre le nom de « Concert de la Loge Olympique », en référence à un orchestre portant ce nom en 1781 et issu de la « Société Olympique », une loge maçonnique fondée à Paris.
Au Siècle des Lumières et dans cette période pré-révolutionnaire, le Concert de la Loge Olympique était considéré comme un des meilleurs orchestres d’Europe, avait reçu la protection de Marie-Antoinette et rassembla de nombreux compositeurs fondateurs du Conservatoire de Paris (dont Cherubini). Il commanda notamment à Haydn ses six symphonies de Paris et les créa.
« La première preuve d’un succès avéré se manifeste par la commande du comte d’Ogny (1757-1790) de six symphonies destinées au répertoire du Concert de la Loge Olympique parisienne, société réputée dans toute l’Europe pour ses qualités d’exécution. En 1785 et 1786, six chefs-d’œuvre voient ainsi le jour (symphonies n° 82 à 87), inaugurant la série insurpassée des vingt-trois dernières symphonies du maître. Toutes ces compositions intéressèrent au premier chef les éditeurs français tant le public parisien montra une insatiable avidité à les entendre et les réentendre. »
Alexandre DRATWICKI, La réception des symphonies de Haydn à Paris. de nouvelles perspectives de recherche…
Aujourd’hui, Julien Chauvin, à l’instar d’autres formations spécialisées dans les interprétations historiques (Le Concert Spirituel, Les Arts Florissants, La Grande Ecurie et la chambre du roi…), a voulu donner une identité originale à son orchestre en puisant dans l’histoire de la musique durant la période révolutionnaire, dans le répertoire de la période « classique » de Haydn et de Mozart, et son choix se porta donc sur « le Concert de la Loge Olympique ».

Sauf que le Comité Olympique s’en mêla et interdit l’emploi du dit adjectif, conforté par une récente décision de justice pour le moins étonnante.
Il faut se rappeler que l’orchestre du XVIIIème siècle avait choisi le terme « olympique » en référence à l’antiquité et à ses muses plus de 100 ans avant que Pierre de Coubertin créât le Comité Olympique (en 1894) et fît revivre les Jeux Olympiques modernes (en 1896)!
L’adjectif « olympique » était d’ailleurs fréquemment utilisé depuis la redécouverte de l’antiquité à la Renaissance, comme par exemple par Palladio pour son Teatro Olimpico de Vicenza…
Tous les détails de cette étrange décision (copiez/collez le lien dans votre navigateur, je n’arrive pas à comprendre pourquoi les liens ne fonctionnent plus depuis quelque temps…) :

Son père ayant acheté une charge à Versailles, Saint-George entra en 1761 dans les Gendarmes de la garde du roi Louis XV.
Vivant dans l’aisance grâce à la fortune de son père, Saint-George, influencé par les musiciens Leclair et Gossec, se consacra très tôt à la composition et travailla à une oeuvre originale, en particulier des quatuors et des concertos pour violon. Il fut moins heureux avec ses opéras.
Il joua au Concert spirituel et dirigea le Concert des Amateurs, mais fut refusé à la direction de l’Académie royale de musique par suite d’une cabale raciste. Saint-George fut également admis dans l’entourage de Marie-Antoinette au Petit-Trianon, devint peut-être son maître de musique, comme on peut le voir dans le film de Sofia Coppola.
Initié à la franc-maçonnerie, il dirigea alors le fameux Concert de la Loge, l’orchestre de la Société Olympique (fondement du futur Grand-Orient de France) dont tous les musiciens étaient maçons, et c’est à ce titre qu’il fréquenta Haydn.
On attribue à Saint-George des activités secrètes sans doute liées aux intrigues du duc d’Orléans (Saint-George habita un immeuble dans les galeries du Palais-Royal) et à la préparation de la Révolution. En 1792, il prit la tête, avec le grade de colonel, d’une Légion franche des Américains et du Midi (unité majoritairement composée d’Afro-descendants). Considéré cependant comme un tiède révolutionnaire, il fut destitué de son commandement, arrêté, dénoncé comme royaliste, emprisonné et échappa de peu à la guillotine. En 1799, il est emporté par la maladie et est inhumé à Paris au cimetière Sainte-Marguerite.
Une telle destinée ne pouvait qu’enflammmer l’imagination des écrivains et autres cinéastes.
Claude Ribbe écrivit un livret pour un spectacle de Bartabas au Château de Versailles.
Il tourna ensuite en 2011 un docu-fiction pour France-télévisions.
(http://www.ortheal.com/le-chevalier-de-saint-george/)
Pour ma part, c’est grâce à l’écrivain Daniel Picouly que je découvris cet étonnant personnage qu’il mit en lumière dans sa triologie de romans La treizième mort du Chevalier , l’Enfant léopard et la suite La nuit de Lampedusa.
Mulâtre, dandy, homme des Lumières, compositeur virtuose de l’escrime et du violon au temps de la Révolution, le Chevalier de Saint-George avait rencontré le général Dumas, et l’on peut dire qu’il avait l’étoffe d’un des héros des romans de son fils, tant sa vie encore mystérieuse et sa légende sont extraordinaires!
Pour preuve, les erreurs successives dans la rédaction de sa plaque de rue à Paris (la 3ème est la bonne!) :
(La rue est située entre la rue Royale et la rue Cambon, et donne dans la rue Saint-Honoré).
Toujours beaucoup de mystère dans la présentation de tes nouveaux articles et le titre « racoleur » sur Facebook. On me dit parfois que ma curiosité me perdra. Ici, c’est plutôt l’inverse car j’y trouve souvent de belles pépites. A suivre 😉
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Ravie que cela te plaise! j’essaie de traiter des sujets un peu originaux qui, au départ m’ont passionnée quand je les ai découverts, et qui donc pourraient en intéresser d’autres… Le problème de la Loge olympique a défrayé la chronique il y a quelques semaines. Quant au Chevalier de Saint-George, je l’ai découvert il y a plus de 10 ans par le livre de Daniel Picouly. Par contre le téléfilm de Ribbe, je ne l’ai pas vu… Beaucoup, beaucoup de littérature sur le Net, cet homme passionne les historiens! Il existe aussi pas mal d’enregistrements de ses oeuvres.
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Et quelle variété dans les sujets qui te passionnent ! Tu dors quand même, quelquefois?
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Bon, tu remets ça avec le bonhomme cecoup-ci! Il serait intéressant de savoir si la belle liégeoise féministe enragée, et le beau chevalier violoniste se sont rencontrés, connus, écoutés…..quelle époque!
Mais je suis très surprise que ce fils a eu la chance d’etre assez aimé et adulé par son hollandais de pere pour ramener femme et enfant à Paris, et que celui-ci a pu aller dans les meilleures écoles et en plus, accéder a une charge royale, y compris possiblement maître de musique de la reine. Quand même, ça en dit. Long sur le peu de racisme apparent, et je dis apparent, mais bon il a tout eu quand même, à une l’époque qui avait pour principe d’avoir des esclaves africains ou issus de parents africains dans les plantations Cela me stupéfie et aussi me réconforte sur cette époque extravagante et troublée, alors, alors pouvons nous appliquer SVP, autant de gentillesse dans notre époque extravagante et troublée?
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