Au calme dans Paris…

Un tout petit peu de temps libre en ce week-end de corrections, quelques moments qui me permettent de quitter ma tablette « vite fait, bien fait » pour revenir flâner dans mes favoris sur l’ordinateur. Ma souris fouineuse me conduit alors sur un des blogs d’un ami virtuel redevenu parisien; les photos qu’il y avait postées à la Toussaint me ramènent à ces délicieuses balades que j’aime tant : le nez au vent, l’appareil photo à la main, le plan en poche au cas où… et en route pour la liberté, le sentiment ineffable de se sentir au bon endroit au bon moment, et de pouvoir se sourire à soi-même tellement on est bien ! Si j’ai longtemps crapahuté avec émerveillement dans des milieux montagnards isolés et hostiles avec mon mari, je n’ai jamais perdu le goût du trek urbain. C’était ma chasse gardée, mon plaisir de célibataire momentanée, ma respiration égoïste revendiquée sans complexes.

Le printemps 2012 fut, en ce sens, exceptionnel, heureux : plusieurs voyages en TGV vers la Provence fleurie avec, chaque fois à l’aller comme au retour, une étape parisienne. Mon dernier retour début septembre avec Bacchus, quel bon moment de connivence avec mon compagnon à quatre pattes !

http://nouveautempolibero.skynetblogs.be/archive/2012/09/08/a-happy-dog-in-paris.html

Mais avec aussi l’impression douce-amère d’être deux, de n’être déjà plus que deux… Je ne peux m’empêcher aujourd’hui de me dire que ma nouvelle vie se mettait alors doucement en place, subrepticement. J’en ressentais l’émergence sans imaginer encore les épreuves à venir mais les pressentant. Mon père m’a toujours traitée de « sorcière » dotée d’un sixième sens…

Ainsi Paris fut toujours le cadre des grands bouleversements dans ma vie, de l’adolescence à aujourd’hui. C’est sans doute pour cela que j’ai avec lui un tel attachement.

Lorsque nous rêvions de ce que nous ferions avec un gros gain au Lotto, mon mari me disait toujours: « Toi, tu achèterais un studio à Paris… » Oh oui, un studio sur les quais pour voir la Seine se métamorphoser au gré des heures et des saisons, le rêve! 

Et si certains me disent que Paris, c’est trop bruyant, trop stressant, je leur propose cet endroit…

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Un havre de paix, une oasis verdoyante, bien à l’abri des flots de touristes qui déambulent pourtant sans discontinuer à quelques mètres! Où, mais où ? me direz-vous… Allez, bonne fille, je vous propose un indice :

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On joue? Vous avez trouvé? Faites-moi des propositions, en tout bien tout honneur s’entend!!!          

Don Juan

amour.jpeg« Don » en espagnol, c’est comme « Sir » en anglais ; ça se combine avec le prénom et ça marque le respect… ajoutons ici une réminiscence du Burlador de Séville, nous sommes à l’opéra que diable! et le thème du concert n’était ni plus ni moins que l’amour! Voici le programme :

Prendre le dessin d’un bijou (Lakmé – Delibes) – À la voix d’un amant fidèle (La jolie fille de Perth – Bizet) – Ô nature, pleine de grâce, Pourquoi me réveiller? (Werther – Massenet) – Un ange, une femme inconnue (La Favorite – Donizetti) – Ô blonde Céres (Les Troyens – Berlioz) – Ah, lève-toi, soleil! (Roméo – Gounod) –  Au mont Ida (La belle Hélène- Offenbach)

Ajoutez-y 5 bis… : La Fille du Régiment, Jérusalem, La Dame Blanche, Rigoletto et une dernière Belle Hélène

Repus, nous étions repus ! La salle croulait sous les bravos, les battements de mains et de pieds, les cris ; lui, nous la jouait épuisé, titubant contre le pupitre du chef… Que c’est bon, ces escarmouches et ces clins d’oeil entre un artiste et son public!

Dans les couloirs du théâtre, l’ivresse passée, certains voulurent revenir à la raison et déjà ergoter sur telle ou telle chose. C’est de bonne guerre chez certains amateurs d’opéra, jamais contents!

Certes s’ils étaient venus pour la pyrotechnie notamment rossinienne, ils s’en sont allés un peu déçus même si la rafale des contre-ut de La fille du Régiment les réconforta. Mais ce soir, le propos de Juan Diego Flórez n’était pas pas celui-là, peut-être même plus jamais celui-là.

Il arrive un moment où un chanteur, quand il est artiste, ne peut plus se satisfaire de ce qu’il fait depuis des années : il a envie de partir à l’aventure. Surtout quand sa voix le condamne à des emplois tellement typés. Je me souviens de Natalie Dessay à Orange, alors en pleine gloire, confier qu’elle ne se voyait pas à 50 ans encore roucouler la poupée Olympia. Elle s’essaya avec plus ou moins de bonheur à des rôles plus en adéquation avec son tempérament dramatique puis inassouvie et frustrée, décida de tourner la page de la représentation d’opéra. La contralto Nathalie Stuzmann a créé son ensemble Orfeo 55 et conjugue direction d’orchestre et chant. Cecilia Bartoli, elle, est devenue une vraie musicologue et met sa voix si particulière au service d’oeuvres redécouvertes par elle. Même Philippe Jarrousky n’a pas craint de faire un merveilleux détour vers la mélodie française ou carrément la chanson française. Oui, une voix trop typée peut devenir un véritable carcan qui met en souffrance vos aspirations artistiques !

Alors notre cher Juan Diego, pour s’échapper, il a devant lui un superbe boulevard : les rôles de ténor de l’opéra français. Et c’est qu’il fait avec succès. S’il ne parle pas le français, il le dit superbement sans aucune faute rédhibitoire de prononciation mais bien avec cette chaleur de timbre qui manque si souvent à ces voix françaises trop formatées par la prosodie. Il sait s’alanguir avec le Werther du premier acte dans une ferveur presqu’écologique, avec Roméo dans une extase amoureuse, avec Gérald dans une rêverie exotique du plus bel effet. Certains le comparent déjà à Alfredo Kraus. Pour ma part, j’espère qu’il ne suivra pas le chemin sec, décharné et outrecuidant de celui-ci, s’étant auto-proclamé la statue tutélaire sans aucun rival possible de Werther notamment… Notre cher Péruvien a suffisamment d’intelligence et d’humour pour éviter l’écueil, son interprétation d’Offenbach en fait foi! 

Werther justement, revenons-y ! N’est-ce pas la magie de la voix humaine et de l’opéra que d’entendre interpréter les mêmes airs par des voix aussi dissemblables que Flórez et Kauffmann !!!

Si vous me permettez moi-aussi d’ergoter, j’ajouterais qu’il y a une palette encore un peu monochrome dans son chant français comparé, oui, à Alain Vanzo ou plus proche de nous, à Roberto Alagna quand il ne faisait pas n’importe quoi et qu’il était le digne successeur de Georges Thill. Mais Juan Diego a encore toute une carrière devant lui pour assurer ce virage et approfondir ces rôles qui lui vont déjà si bien!

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Après une telle débauche d’efforts, il nous a reçus gentiment au Foyer Grétry pour une séance de dédicaces. Les appareils photos crépitèrent comme on disait dans le temps !

Comme il nous a enchantés, merci à lui !