Devise de Paris que l’on voit écrite partout fièrement dans la ville et notamment sur le fameux pont Mirabeau.
Il y eut un homme qui faillit bien la faire mentir : le général Von Choltitz dans la nuit du 24 au 25 août 1944. Car contrairement à ce que le titre d’un fameux film nous fit croire (Paris brûle-t-il?), ce qui menaça les Parisiens lors de la retraite des Nazis, ce fut surtout l’eau. La première phase du plan de destruction était en effet de faire sauter tous les ponts sauf le Pont Neuf et ces destructions allaient immanquablement endommager les berges et permettre aux flots de la Seine de tout envahir en très peu de temps. Impossible pour la plupart de la population piégée de se réfugier sur la Butte Montmartre ou la Montagne Sainte-Geneviève.
La seconde phase, elle, visait la destruction des monuments emblématiques: l’Opéra, le Louvre, les Invalides, Notre-Dame, la Tour Eiffel… en représailles des destructions de Berlin et de Dresde.
Ce plan diabolique ne put être exécuté grâce à l’avance plus rapide que prévu de la 2ème DB de Leclerc, à l’action de la Résistance et dans le film Diplomatie, à une subtile partie d’échecs psychologique entre Von Choltitz et le consul suédois Nordling.
Von Choltitz y apparaît tout d’abord comme un vrai Prussien, drapé dans la rancoeur accumulée contre la France d’un soldat qui fut battu en 1918 et fidèle aux ordres reçus du Führer qu’il n’a pas à discuter. Mais subtilement Nordling repère les failles de la cuirasse et tente d’y distiller de la raison, du sentiment, de l’humanité. Il y aura de part et d’autre de la rébellion, du découragement, des promesses (parfois non tenues)…
Tiré de la pièce éponyme de Cyril Gély, ce film est passionnant. En son centre : la désobéissance. De nombreux apartés hors de la chambre d’hôtel évitent un huis-clos qui aurait pu paraître à certains trop pesant mais c’est surtout la formidable confrontation des deux monstres sacrés que sont Niels Arestrup et André Dussollier qui donne au film son rythme haletant. On ne s’ennuie pas une seconde, on suit l’avance et le retrait des pièces sur l’échiquier qu’est devenu Paris, on guette dans les yeux et l’inflexion des voix les points gagnés, les renoncements, les arguments qui font mouche. Extraordinaires comédiens qui n’ont pas peur de la caméra scrutatrice de Volker Schlöndorff qui les mue en de formidables acteurs.
Certains vous diront que la réalité a été mise à mal, que la vérité historique est tout autre. Certes. L’argument mêle habilement réalité et fiction. Choix parfaitement assumé et voulu comme le réalisateur l’explique dans l’interview passionnante ci-dessous. Hommage aussi à ses acteurs. Vous avez vu le film, regardez ceci !
Mais oui, la vérité historique n’est pas le propos. C’est un hymne à la beauté de Paris et tout amoureux de cette ville sort bizarrement comme soulagé. Réaction bien étrange alors que tout le monde sait que ce plan diabolique ne se réalisa pas mais on ne peut pas s’empêcher de dire « ouf! ». Et puis tout amateur de théâtre et de cinéma passe un formidable moment devant ce numéro d’acteurs géniaux. Et pour ceux qui y sont sensibles, quelles voix! Enfin ces quelques notes de Beethoven…
Et si vous êtes curieux de la pièce…