To be Py

Qui ne connaît pas la réplique célèbre d’Hamlet « To be or not to be » ? Qui ne connaît pas l’argument de cette pièce de Shakespeare où vraiment « noir, c’est noir » au royaume d’Elseneur… J’avais vu un jour le film de Kenneth Branagh mais de l’opéra d’Ambroise Thomas, je ne connaissais que l’air « Ô vin dissipe la tristesse » que fredonnait ma grand-mère paternelle chaque fois qu’on lui offrait une flûte de champagne.

Je suis donc partie à la générale de cet opéra à La Monnaie avec deux a priori (je sais, ce n’est pas beau…)

Le premier, c’était la qualité de l’oeuvre. Ambroise Thomas = Mignon. Là aussi souvenir de jeunesse quand mon père se délectait d’un 33T  avec Jane Rhodes et Alain Vanzo. J’étais admiratrice de l’art de Vanzo mais cela ne suffisait pas à me faire aimer l’oeuvre que je trouvais naïve et redondante à la manière de certains opéras français de cette époque.

Le second a priori, c’était la production et surtout la mise en scène d’Olivier Py. J’ai lu tant d’avis négatifs sur ses dernières productions (Aïda à Garnier notamment) que je m’attendais au pire. D’autant que, je l’avoue, me torturer l’esprit pour trouver un sens à certaines élucubrations scéniques me gâche le plaisir de la musique et du chant.  

Nous nous étions dit, mes amies et moi, que si c’était vraiment trop barbant, nous sortirions à l’entracte faire du shopping rue Neuve.

Et me voilà complètement subjuguée par cette oeuvre et cette production. Eh oui, il n’y a que les sots, dit-on, qui ne changent pas d’avis. Ah ! fuyez vilains a priori, j’ai découvert un chef-d’oeuvre.

La musique tout d’abord. On est loin des fadeurs craintes, c’est du lourd, c’est du beau. Lors de la présentation d’avant-spectacle, on a évoqué Debussy pour la scène de la folie d’Ophélie et sa noyade. J’y ai aussi souvent entendu comme du Berlioz, par la force dramatique de l’orchestration. Marc Minkowsky n’y est sûrement pas étranger.

La mise en scène ensuite. À l’entracte, certains soulignaient la présence récurrente de thèmes et images mais étant néophyte dans l’art d’Olivier Py, cela ne m’a pas gênée. J’avoue ne pas avoir tout compris : la présence de cette horrible escabelle métallique pour permettre à Hamlet de prendre et de remettre l’urne funéraire de son père, la brouette et ses briques qu’il transporte sur le devant de la scène (le démantèlement du château et donc du pouvoir, l’idée des pavés soixante-huitards puisqu’il y aura évocation d’une révolution, poings levés et drapeaux rouges plus tard dans l’oeuvre et qu’on y jettera ces briques de frigolite?), la salle qui se rallume soudain…

0xUmFuZG9tSVYwMTIzNDU2NzC9Ub7MvX5c0x4b8qbaHEXnezfqN8rZy3NHA5pOgLd3TCqFIT5PCPoL79PlM0PPI8FfBIdw17vE5XRQNn8Y7B1vDYlYrxhSOg==.jpgSi beaucoup de critiques lors de la présentation du spectacle à Vienne en 2012 se sont focalisés sur la totale nudité d’un chanteur d’opéra (dernier tabou de l’opéra tombé, selon eux), cette scène ne m’a pas heurtée du tout. D’une grande force, d’une violence extrême, pertinente, sans aucun exhibitionnisme racoleur.

 

 

 

L’omniprésence de ces grands escaliers noirs s’imbriquant les uns dans les autres peut faire penser aux arcanes de l’esprit malade d’Hamlet, à un labyrinthe antique cherchant à traquer puis broyer les coupables. Belle architecture (périlleuse pour les artistes) dont le ballet silencieux est merveilleusement orchestré à vue par les machinistes de La Monnaie.

Les chanteurs enfin. En cherchant une vidéo sur le Net, je me suis aperçue que le grand spécialiste actuel du rôle titre est Stéphane Degout, un artiste que j’avais découvert lors d’un concours Operalia à Paris et qui avait bluffé tout le monde en osant présenter en finale un extrait des Mamelles de Tirésias. Vinrent ensuite bien d’autres prises de rôles qui ont conforté sa réputation de très grand artiste. Lors de cette générale, ce n’est pas lui qui chanta mais Franco Pomponi, excellent dans un rôle véritablement écrasant. Je comprends mieux maintenant que des barytons stars comme Thomas Hampson ou Simon Keenlyside l’aient abordé ! Toute la distribution est digne d’éloge, juste une petite restriction pour l’Ophélie de Rachele Gilmore, trop fragile à mon goût dans le jeu et la voix, pas toujours très audible, comme un petit oiseau broyé par une histoire qui la dépasse, sans vraie rébellion devant le sort qui lui est fait  (mais ce n’était qu’une générale). Dans la distribution de Vienne, Christine Schäffer devait sans aucun doute mieux s’imposer parmi tous ces monstres.

Bref, un très beau spectacle que je vous recommande sans hésitation. Voici la vidéo de présentation du Théâtre An der Wien pour vous mettre en appétit et pour mes deux acolytes de dimanche, se remémorer de bien beaux moments.  

   

http://www.lamonnaie.be/fr/opera/344/

Et de bons moments, il y en eut également avant et après le spectacle puisque Bruxelles était en fête. Illuminations, bonnes odeurs de vin chaud et de gaufres, dégustation de chocolat, symphonie de lumières sur les façades d’un autre théâtre grandiose : la Grand-Place.

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Un album-souvenir de photos pour immortaliser cette belle après-midi au-dessus à droite.