C’est une toute petite île. Regardez, à quelques encâblures de Plaka juste en face. La Crète, golfe de Mirabello le bien nommé. Une Méditerranée paradisiaque de carte postale.
Comme une épine dans le bleu, une épine plus longue que large, d’où son nom « Spinalonga ».
Au gré de l’histoire mouvementée de la Mare nostrum, elle fut tout d’abord une place forte antique puis, face à l’ennemi ottoman, un bastion vénitien qui recueillait les chrétiens en fuite.
En 1715, elle tomba finalement aux mains des Turcs jusqu’au début du 20ème siècle.
Et ensuite, me direz-vous?
Le destin contemporain incroyable de ce caillou, je l’ai découvert dans L’Île des oubliés de Victoria Hislop , un best-seller qui m’entêtait un rien à le voir, en version poche, fleurir chez tous les libraires avec un bandeau rouge alléchant barrant une superbe photo grecque pur jus.
Je l’ai acheté et j’ai commencé la lecture. Les premières pages me déçurent superbement, dialogues « dignes » d’Amour, gloire et beauté, style assez plat. Déçue, j’étais déçue, mais je me suis accrochée, je n’avais rien d’autre à lire sur le coup, mais surtout je me disais qu’il y avait dans ce livre plébiscité certainement un secret que j’allais découvrir au fil des pages.
Er ce fut le cas.
Encore aujourd’hui, cette lecture m’occupe l’esprit. Oh, ce n’est pas vraiment l’intrigue car, malgré de nombreux rebondissements, elle est relativement devinable comme toutes ces sagas familiales : une jeune fille qui part à la recherche de ses racines, mais quelles racines…
Elles poussent à Spinalonga, certes une petite île crétoise du golfe de Mirabello mais aussi la dernière léproserie d’Europe, fermée en 1957!
Etait-il possible qu’à l’époque de ma naissance une telle horreur existe encore en Europe? Dubitative, même si les oeuvres du Père Damien me reviennent en mémoire.
Je me suis alors demandé si ce lieu, pourtant parfaitement situé et décrit, existait vraiment et si son destin funeste était réel.
Oui, cette île que je vous ai présentée tout au début comme paradisiaque fut, de 1903 à 1957, considérée comme un mouroir immonde.
Dans le livre, nous emboîtons le pas de ceux qui, devenus lépreux, prennent le bateau pour un voyage sans retour et qui sont terrorisés par le monde qu’ils vont découvrir, une fois passée la porte de Dante.
C’est une prison à ciel ouvert, un déchirement car ils voient les villages de la côte éclairés de vie avec leurs proches qui y vivent. Certains chercheront à s’échapper, happés par les eaux ou, arrivés au littoral, lynchés par les Crétois terrorisés par la crainte de la contagion. Mais la plupart…, je ne vous en dis pas plus, lisez!
Bref, le secret de Victoria Hislop n’est sans doute pas un style flamboyant (quoique, la traduction trahit parfois) mais son pouvoir de nous faire découvrir les drames contemporains de la Méditerranée.
Notamment la guerre à Chypre en 1970 avec La ville orpheline, la guerre civile espagnole avec La dernière danse... Pas encore lu mais je suis sûre qu’ils vont m’en apprendre beaucoup.
Victoria Hislop est attachante quand on la découvre, parfaite francophone dans ses interviews que vous pouvez retrouver sur Internet.
Son site en français:
https://www.victoriahislop.com/?lang=fr
Beaucoup de films accompagnés du son du bouzouki, encombrés de touristes vous permettront de découvrir ce caillou déjà filmé par Werner Herzog dans Dernières paroles et Jean-Daniel Pollet dans L’Ordre.
Mais après la lecture du roman, ces petits films touristiques m’apparaissent comme indécents même s’ils nous permettent de découvrir l’île d’aujourd’hui.
J’ai trouvé ce petit film de 1935…
https://player.vimeo.com/video/168169430
Et puis tout de même un docu d’aujourd’hui, je l’ai choisi pour son calme et surtout parce qu’il nous fait pénétrer dans l’île par la fameuse « porte de Dante », couloir qui paraissait au lépreux comme un terrible purgatoire entre le paradis des vivants qu’il quittait et l’enfer qu’il allait découvrir, comme un adieu à la vie…
Bonne lecture, bonne découverte! Certes tout est très convenu mais le cadre est humainement et historiquement bouleversant. Donc enrichissant!
Quelle horreur! J’avais commencé ET puis un énorme ras le bol m’a fait tomber le livre des mains…..ET je n’étais pas encore arrivée au pire. Tu viens de me le dévoiler. Non, je ne le lirai pas plus.
ET dire que maintenant ce sont les pauvres gens chassés de leurs pays qui viennent s’y échouer.
Misère totale, « le paradis »porte de fausses couleurs, mais l’enfer aussi.
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Sans vouloir trop déflorer la suite de l’histoire, je dirai que le livre devient un hymne à l’incroyable faculté humaine de résilience, à l’envie d’être heureux malgré tout, à rendre la vie belle envers et contre tout… C’est l’histoire de Robinson Crusoë en quelque sorte!
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Ah, là tu me repêches avec succès, Donc je vais m’y mettre!
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Comme je l’ai dit dans le post, ne t’attends pas à de la grande littérature, à moins que le texte anglais (si tu le lis en anglais) ait été trahi et affadi par la traduction, cela arrive… La trame est un rien gnangnan et à l’eau de rose, assez prévisible. Mais l’aventure humaine de ces lépreux est étonnante…
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Spinalonga : île de souffrances morale et physique .
Ce roman à la trame » cousue de fil blanc » ,sur fond historique a permis à des milliers de lecteurs de connaître non seulement cette île ( dont moi ) mais aussi le destin tragique d’une partie de la population rejetée par la société . Ces pauvres gens ,ces parias ,étaient des lépreux .Ils furent
relégués sur cette île en 1903 et , abandonnés sans soins , eau , et nourritures dans des logements délabrés . Leur courage et leur ténacité leur ont permis d’adoucir souffrances et isolement . Léproserie ,oui mais à partir du moment où un médecin est venu les soigner çàd bien des années plus tard . L’huile de Chaulmoogra était connue comme antiseptique et utilisée sur les plaies . On l’a » testée » en injection ,mais non seulement ,c’était très douloureux , cette huile épaisse faisait aussi péter les seringues .!
Grâce à la recherche , , le DAPSONE , un bactériostatique , a permis de traiter efficacement ces malades en 1948. Et en 1957 , la majorité rentrait chez eux ,les 30 derniers patients furent envoyés à hôpital d’Athènes .Guéris mais toujours indésirables vu déformations intenses du visage et des membres , ils furent regroupés en une communauté . A l’heure actuelle , la lèpre sévissant toujours à l’état endémique dans certaines contrées , est très bien suivie et traitée par une trithérapie active ( les bacilles de Koch -tuberculose- et de Hansen-lèpre- étant très proches .) Malgré ce traitement gratuit , de nouveaux cas surviennent chaque année . Le tabou de cette horrible et honteuse maladie , en est une des causes….
Cela fait exactement 60 ans ,que Spinalonga fût désertée à tout jamais . Le tourisme y fait escale mais déception pour le touriste avide de curiosités , il ne reste pas grand’ chose vu destruction de tous les bâtiments modernes . L’île est désormais classée site archéologique et puisse l’ argent de ces visites revenir » à la recherche médicale » et aux patients eux-mêmes .
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Merci, gente dame, pour ton commentaire « médical ». Victoria Hislop a ce grand talent de nous faire revivre les drames du 20ème siècle de notre Méditerranée, avant ceux du 21ème et de ces pauvres migrants bernés par ces immondes passeurs vers l’hypothétique Europe…
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Accueillir ces milliers de migrants fuyant guerre , famine , « esclavagisme » , maltraitance , non-respect des droits de l’homme et despotisme ( en Turquie), l’Europe en est débordée , elle étouffe et pleure ….pendant que les riches Pays arabes , des » frères » les ignorent et continuent à rire….
Désolant et incompréhensible !!
A tous leurs besoins , il faut impérativement s’enquérir de leur état de santé car l’immigration annonce souvent une recrudescence de maladies ( tuberculose par ex ) .
Ce XXI eme siècle prometteur tourne au cauchemar …
» Tel est le fanatisme : c’est un monstre sans cœur ,sans yeux et sans oreilles. Il ose se dire le fils de la religion……. » Voltaire – 9 février 1789 d’après le blog de Richard Lejeune .
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