Un mot de Cambron

Avoir un de vos abbés qui est appelé à succéder à Thomas d’Aquin à l’université de Paris… cela vous donne une certaine assise.

Une assise certaine, même, pour cette abbaye de Cambron (Hainaut, Belgique) fondée au bord de la Dendre au XIIème siècle.

Certes, elle naît, cette abbaye, sous des auspices favorables puisque c’est Saint-Bernard, abbé de Clairvaux, qui favorise son installation ; cette abbaye de Clairvaux qui avait fourni le pape Eugène III à la chrétienté.

Cistercienne, l’abbaye de Cambron se développe avec une belle vigueur, essaimant dans le nord de la France, dans le Hainaut et en Flandre.

Mais un événement va bouleverser la vie de l’abbaye : une image de la Vierge est profanée. Des cérémonies de réparations y sont organisées avec des indulgences remises aux pèlerins grâce à une bulle du pape Benoît XII. L’abbaye de Cambron devient alors abbaye Notre-Dame de Cambron. Ce nom semble l’épargner miraculeusement quand une armée de huguenots veut la prendre d’assaut à la fin du XVIème siècle.

L’abbaye rayonne et s’enrichit même si elle est menacée un temps par les guerres de Louis XIV. Les moines cisterciens mettent en valeur les terres à grâce à leurs techniques agricoles qu’ils enseignent aux paysans. Ils contribuent également à la renaissance des Lettres et de la théologie, et soutiennent financièrement des étudiants en leur offrant des bourses au collège d’Ath puis à l’université de Louvain.

De très nombreux bâtiments sont rénovés, d’autres construits dans un style monumental : le portail, la tour de l’abbaye, l’escalier, la remise à chariots et son colombier unique au monde…

Voilà le temps des Révolutions. En 1789, sous la domination autrichienne, l’empereur Joseph II la considère comme inutile et la supprime. Fin de cette même année, les moines exilés en Hollande reviennent lors de la révolution brabançonne et l’installation des États Belgique unis. Mais le territoire devenu français, le pouvoir révolutionnaire met définitivement fin à la vie de l’abbaye en 1797. Les biens sont vendus et les bâtiments démantelés.

En 1803, la famille des comtes du Val de Beaulieu rachète le domaine abbatial et fait construire un imposant château sur les fondations de l’ancienne infirmerie monastique. Elle reste propriétaire du site (classé en 1982) pendant presque 200 ans…

Mais, me direz-vous, y a pas un petit air de déjà vu ?

Mais oui, bien sûr !

Car une nouvelle révolution attend le domaine de l’abbaye de Notre-Dame de Cambron.

Racheté par deux entrepreneurs belges, il est d’abord Paradisio dans les années 90, un étonnant parc à oiseaux dont les immenses volières restent aujourd’hui en témoignage. Puis il il mute en Pairi Daiza, catalogué depuis plusieurs années comme meilleur zoo d’Europe. Sur plus de 70h, ses huit « mondes » nous présentent des animaux parfois très rares, d’autres en voie d’extinction dont le parc prend soin et tente de conserver l’espèce grâce à sa fondation. Et puis sont venus les fameux pandas prêtés par la Chine…

C’est une de nos destinations préférées, à nous, Belges. Nous sommes une multitude à nous y rendre au rythme des saisons pour une journée-promenade enchantée et pour les privilégiés, une nuit blanche car de nombreux gîtes proposent l’expérience étonnante du parc version nocturne.

Les animaux sont fascinants, les « mondes » passionnants avec leurs architectures sophistiquées en parfaite adéquation dans le paysage.

Pourtant, les vestiges séculaires sont toujours là et bien là : restaurés, mis en évidence, magnifiés. Lors d’une prochaine visite, quittez quelque temps le parcours « bêbêtes » et évadez-vous dans la riche histoire du lieu.

C’est ce que nous avons fait lors de notre dernière visite en septembre dernier. Le matin, nous nous sommes promenées dans la partie supérieure du parc depuis l’entrée jusqu’au ruisseau, c’est là qu’on trouve la plupart des vestiges. Très peu de monde malgré la foule, un calme zen, des moments suspendus et enchanteurs…

Quelques vues perso du portail d’entrée et de ses dépendances, de la brasserie et des jardins monastiques (dont le cimetière des moines) et ornementaux (andalou, roseraie)…

Nous cheminons ensuite vers la fameuse tour Saint-Bernard, dernier vestige de l’abbatiale, avec ses cryptes, refuge des rapaces et de leurs spectacles…

La colline descendue, nous voilà au niveau de la réserve à chariots avec son étonnant colombier. Et le fameux escalier conduisant, à l’époque, de l’abbaye au parc. Et puis le moulin et la brasserie au fond…

La boucle est bouclée pour cette fois. Mais je vous réserve une autre surprise, suite au prochain numéro!