Quand Minna s’envoyait en l’air…

Après Gerda, cette Mina, elle va aussi vous emballer grave. Qu’est-ce qu’elle n’a pas fait par amour…

C’est mon professeur d’allemand qui m’a demandé de présenter à la classe un travail oral sur Wilhelmine Reichard, dont je n’avais jamais entendu parler. Merci, Ermin!

Reichard002Wilhelmine naît à Brunswick (Basse-Saxe) en 1788. Cette « Mädchen Minna » a un fameux caractère: elle quitte la maison familiale à 19 ans de son propre chef, pour vivre une grande histoire d’amour avec Johann Gottfried Reichard. Ils se marient le 6 août 1807 et trois mois plus tard, naît leur première fille…

Le couple part à Berlin. La vie n’est pas simple car Gottfried est encore étudiant en chimie. Il enchaîne les petits boulots, donne des leçons particulières, fait des conférences. En 1810, il réalise son plus grand rêve: il a construit un ballon à gaz et il réalise son premier vol. Il est le deuxième aéronaute allemand.

en_plein_airL’aéronautique est alors une discipline assez nouvelle. Le premier vol en ballon fut effectué en 1783 par les Frères Montgolfier et leur pilote François Pilâtre de Rozier. Ils sont montés à 200 mètres d’altitude et ont parcouru 25 kilomètres en 9 minutes.

Beaucoup d’autres vols eurent lieu ensuite et évidemment le premier accident en 1785: à Tullamore (Irlande), un ballon s’écrase mettant le feu à plus de 100 maisons. Les femmes volent également, d’abord accompagnées puis seules. La première fut Geneviève Labrosse en 1799. Madeleine Sophie Blanchard fut, elle, la première victime. Elle s’écrasa sur un toit en 1819.

Alors notre Wilhelmine rêve également de voler. Elle s’initie à la météorologie et fait ses premiers vols avec son mari. Et puis le 16 avril 1811, elle part seule et devient ainsi la première aéronaute allemande. Lors de son 3ème vol, elle atteint l’altitude de 7800 mètres, le record! Elle fait un malaise, le ballon s’écrase et elle est grièvement blessée.

Reichard013Reichard008En ces temps de guerres napoléoniennes, les Reichard s’installent à Döhlen (Freital) dans la banlieue de Dresde. Gottfried parle français, il va donc trouver un très bon emploi et  gagner pas mal d’argent. La famille peut enfin s’installer dans une jolie maison.  Gottfried voudrait également acheter une usine chimique et pharmaceutique, mais hélas, ses économies ne suffisent pas…

Minna a alors une petite idée: « La première aéronaute, maintenant jeune maman de trois enfants, reprend ses vols en ballon », voilà une nouvelle qui va plaire aux journalistes ! Ils écriront des articles dans leurs journaux et feront ainsi une publicité indirecte pour l’usine… C’est exactement ce qui se passe. En 1816, elle vole la première fois depuis son accident de 1811. En cinq ans, elle réalise ainsi 14 vols dans toute l’Europe, devient la coqueluche des paparazzi car ses exploits aériens ne l’empêchent pas d’enchaîner les grossesses, elle vole même enceinte de plusieurs mois…  Les scientifiques s’en mêlent, on suit ses exploits depuis la terre, notamment à l’observatoire de l’université de Leopoldberge.

Son dernier vol en solo: elle rejoint l’Oktoberfest à Munich.

L’usine est désormais opérationnelle et très rentable. Le devoir accompli, Wilhelmine décide de se consacrer uniquement à sa grande famille, elle a maintenant huit enfants…

Gottfried, lui, se révèle un scientifique en avance sur son temps et un homme d’affaires avisé. Il produits des substances pour le blanchiment, la teinture, les encres d’imprimerie et la pharmacie. Pour approvisionner son usine plus sûrement, il crée l’idée de partenariats avec les mines environnantes.

Mais l’envie de voler le titille encore. Il a construit un grand ballon avec une nacelle à trois places. En 1834, il vole avec sa fille Minna Angelika. En 1835, le couple Reichard rejoint Munich, ce sera leur dernier vol à tous les deux.

Reichard016 Gottfried meurt inopinément en 1844. Wilhelmine est écrasée de chagrin. Mais elle va se révéler encore une fois une femme en avance sur son temps: elle reprend la direction de l’usine, secondée par ses fils. Elle meurt quatre ans plus tard.
Wilhelmine reste très populaire en Allemagne. Des rues, des écoles, la route vers l’aéroport de Dresde portent son nom ainsi qu’un grand concours de montgolfières. De nombreuses voilures de ballon la célèbrent également.

 

 

 

Et pour les curieux, voici ma petite présentation orale en allemand…

Wilhelmine wurde 1788 in Braunschweig (Niedersachsen) geboren.
« Mädchen Minna » hat einen starken Charakter !
Mit 19 Jahren verlässt sie das Elternhaus und gründet ihre eigene Familie.
Am 6. August 1807 heiratet sie den Chemiker Johann Gottfried Reichard und drei monate später ist ihre erste Tochter geboren.
Das Paar lebt in Berlin aber die finanzielle Lage der jungen Familie ist schlecht, weil Gottfried noch Student ist. Er macht verschiedene Berufe, gibt Privatstunden und Konferenzen.
1810 erfüllt er doch seinen größten Wunsch: Er hat einen Gasballon konstruiert und macht seinen ersten Flug. Er ist der zweite deutsche Flieger.

Hier ist eine kleine historische Erinnerung über Ballons 
1783 ist in Frankreich der erste Ballonflug. Die beiden Brüder Montgolfier und ihr Pilot François Pilâtre de Rozier steigen bis 200 Meter in die Höhe und fahren 9 Kilometer in 25 Minuten. Viele anderen Flüge finden statt und 1785 ist es der erste Unfall : ein Ballon fällt auf die Stadt von Tullamore in Irland und steckt mehr als hundert Häuser in Brand.
Frauen fliegen mit Männern. Dann alleine : die erste, Geneviève Labrosse 1799. Sie macht auch den ersten Fallschirmsprung. 1819 ist Madeleine Sophie Blanchard das erste Opfer, sie fällt auf das Dach eines Hauses.

Unsere Wilhelmine träumt auch zu fliegen.
Sie wird am 16. April 1811 die erste deutsche Fliegerin. Bei ihrem dritten Flug steigt sie bis zu 7800 Metern, das ist der Höhenrekord. Sie fühlt sich sehr schlecht und ihr Ballon stürzt ab. Sie ist schwer verletzt.

Die napoleonischen Kriege kommen an. Die Reichard leben in Döhlen in der Nähe von Dresden.
Gottfried spricht französisch und findet eine gute Arbeit. Er kann geld sparen und er will eine Chemische Fabrik kaufen. Aber er hat nicht genug Geld.
Dann hat Wilhelmine eine Idee : Sie ist eine Mutter mit drei Kindern und wenn sie erneut fliegt, schreibt die Zeitung Artikel und macht Werbung für die Fabrik…

Ihr erster Flug nach dem Unfall von 1811 findet 1816 statt.
Bis 1820 macht sie 14 Flüge in ganz Europa. Ihr letzter Flug ist seit Erde im Observatorium der Universität von Leopoldsberge beobachtet.

Gottfried kann seine Fabrik drehen. Wilhelmine hat ihm mit ihren Flügen sehr geholfen. Sie kehrt zu ihrer Rolle als Mutter zurück, sie hat acht Kinder jetzt.

1834 baut Gottfried nochmals einen Ballon mit einer Gondel für drei Personen. Er fliegt mit seiner Tochter Minna Angelika.
1835 reist das Paar Reichard mit diesem großen Ballon zum Oktoberfest, von Döhlen nach München. Es ist ihr letzter Flug.

Gottfried stirbt 1844. Für Wilhelmine ist der Tod ihres Mannes sehr schmerzvoll aber sie nimmt mit ihren Söhnen die Leitung der Fabrik .
Sie stirbt 1848.
Wilhelmine Reichard bleibt sehr berühmt in Deutschland. Ein Ballonwettkampf trägt ihren Namen in Dresden.

banner2

 

Une super nana!

Être inhumée au cimetière du Père-Lachaise exactement le jour de ses 27 ans en présence d’une foule de plusieurs milliers de personnes dont Aragon et Pablo Neruda, voilà le point final de la vie de Gerta  Pohorylle.

838_gettyimages-1004315622Nous sommes le 1er août 1937 et tous rendent hommage à la première femme photographe de guerre. Martyre de l’antifascisme, cette « pequeña rubia » couvrait la Guerre Civile espagnole aux côtés des Républicains.

Née à Stuttgart, elle avait déménagé avec sa famille à Leipzig où elle avait déjà tâté de la prison à cause de ses idées révolutionnaires et de distribution de tracts anti-nazis. Juive d’origine polonaise, elle finit par fuir l’Allemagne. Elle ne reverra jamais sa famille. La voilà réfugiée à Paris en 1933 avec, pour survivre, un emploi de dactylo à mi-temps. Elle y fréquente également les cercles intellectuels et les militants socialistes allemands en exil. Elle finit par décrocher un poste d’assistante à l’agence Alliance-Photo.

En septembre 1934, elle est installée à la terrasse du Dôme et un jeune homme l’aborde. Il se nomme Endre Ernö Friedmann, est Hongrois et reporter-photographe. Il arrive tout juste de Berlin. Il parle très mal français et n’a pas de travail. Ils tombent immédiatement amoureux et entament une relation passionnée.
73efde0c-8137-11e8-98a9-8f8934803a67Elle contribue financièrement à son départ pour l’Espagne en proie à la guerre civile et à son retour, l’aide à développer ses négatifs, à les légender et à en assurer la vente. Elle est trilingue et possède une solide formation commerciale mais cela ne suffit pas, ces photos n’attirent pas une véritable clientèle. C’est alors qu’elle a une idée de génie  : les clichés de l’obscur juif hongrois Endre Ernö Friedmann vont devenir ceux de Robert Capa, flamboyant et mystérieux reporter américain fraîchement débarqué en Europe. L’effet est immédiat, le succès au rendez-vous. Quant à elle, ayant obtenu une carte de presse et s’étant familiarisée avec la technique photographique, elle se métamorphose en Gerda Taro.

Deux nouveaux noms et une nouvelle vie : à l’été 1936, ils partent ensemble pour l’Espagne. Ils soutiennent la cause républicaine et suivent les Brigades Internationales formées par des volontaires venus du monde entier. Puis avec leur ami Daniel Seymour dit Chim, ils témoignent de la violence des combats mais également de la vie du peuple.

On peut à cette époque faire la différence entre les clichés de Capa et ceux de Gerda Taro. Au début, lui utilise un Leica au format carré ; elle, un Rolleiflex, au format rectangulaire. Pourtant, ils sont déjà référencés au mieux « Capa et Taro » ou simplement « Capa ». Les choses se compliquent encore un peu plus quand Gerda utilise elle aussi un Leica. C’est d’ailleurs grâce à cet appareil qu’on lui attribue un surnom: « La Fille au Leica » (titre également d’un roman d’Helena Janeczek sur la vie de Gerda).

 

Le soldat qui tombe  ou Mort d’un soldat républicain (la photo la plus célèbre de la Guerre d’Espagne, de Capa) – Capa photographié par Gerda
Gerda photographiée par Capa

Au fil du temps et des reportages, Gerda veut conquérir son propre style de photographies : montrer la mort, la souffrance, la furie du combat sans fioritures. Capa, lui, veut l’épouser mais elle refuse. Elle repart seule en février 1937 alors que Capa reste à Paris pour préparer leur voyage commun en Chine.

Quelques photos définitivement attribuées à Gerda (elle travailla notamment pour Ce soir (le journal du parti communiste français), Regards et LIFE)

 « Si tes photos ne sont pas bonnes, c’est que tu n’es pas assez près », lui disait Capa.

Le 25 juillet 1937 alors qu’elle mitraille de son Leica la résistance farouche des Républicains à Brunete sur le marche-pied d’une voiture, un char la heurte et la fauche.  Ainsi meurt la première femme reporter de guerre après une carrière de seulement onze mois…

8687228965_b1b7281b5e_b

Si sur le moment sa mort provoque une émotion immense, Gerda sombre rapidement dans l’oubli ou plutôt est des milliers de fois citée simplement comme la compagne (et selon les dires de celui-ci le seul véritable amour) de l' »ogre » Capa.

En effet, Capa devient rapidement le meilleur reporter de guerre du monde. Il couvre l’invasion japonaise de la Chine en 1938, la Seconde Guerre mondiale (il est le seul journaliste présent lors du Débarquement du 6 juin 1944), la Guerre d’Indochine où il meurt en 1954, ayant marché sur une mine. En 1947, il fonde avec Henri Cartier-Bresson, George Rodger et Daniel Seymour l’agence MAGNUM.

Toute la famille de Gerda ayant disparu lors de l’Holocauste, il n’y eut personne pour prendre soin de son héritage qui fut en partie englobé dans l’œuvre de Capa sauvegardée par Magnum. Il était donc presqu’impossible pendant longtemps de retrouver précisément les photos de Gerda prises lors des reportages partagés avec Capa.

Il faut attendre 1994 pour qu’Irma  Schaber « rétablisse Taro dans son rôle de photographe indépendante majeure, digne d’intérêt au-delà de sa liaison avec Capa ».

th6SJ7PBZUEt puis en 2008, surgit l’affaire dite de « la valise mexicaine ». On découvre au Mexique trois boîtes contenant 4500 négatifs, pour l’essentiel des images faites par Capa, Taro et Chim en Espagne entre l’été 1936 et mars 1939. Dans ce trésor, il y a 800 négatifs de Gerda…

Également des photos de Gerda prises par Fred Stein qui nous dévoilent une jolie jeune femme.

« Le mystère de la valise mexicaine »

À la déclaration de guerre, Capa doit quitter en urgence la France pour les États-Unis. Dans son studio parisien, au 37, rue Froidevaux, derrière le cimetière du Montparnasse, il laisse des boîtes contenant son travail et celui de ses amis, soit près de 4 500 négatifs et tirages de la guerre d’Espagne. Son ami Csiki Weisz, un photographe hongrois, lui aussi réfugié à Paris, les emporte à Bordeaux : « En 1939, alors que les Allemands approchaient de Paris, j’ai pris tous les négatifs de Bob et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer sur un bateau à destination du Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de déposer les boîtes de films au consulat pour qu’elles y restent en sûreté. Il a accepté. » Puis, plus de traces des trois fameuses boîtes. Pendant près de soixante-dix ans, on les recherche inlassablement. Jusqu’à ce qu’un cinéaste mexicain les reçoive en héritage et se décide à les remettre en 2007 à l’International Center of Photography. Le trésor : 4500 négatifs dans trois boîtes scrupuleusement compartimentées en 50 cases numérotées et commentées sur l’envers du couvercle. On peut donc lire au crayon les sujets, les noms de lieux et des personnes correspondant à chaque pellicule.

2._boite_rouge

Ainsi Gerda Taro est enfin sortie de l’ombre! Pour mieux la connaître, trois livres…

 

Les villes de Stuttgart et de Leipzig, notamment, lui ont rendu hommage en donnant son nom à une école et à une place.