Avoir plusieurs casquettes artistiques n’est jamais simple mais toujours enrichissant pour l’artiste, tout comme pour son public. Peintre et sculpteur, écrivain et réalisateur, danseur et chorégraphe, c’est assez fréquent.
L’artiste que je voudrais vous faire découvrir est musicienne et écrivaine ; plus original, non?
Musicienne de bientôt 40 ans, elle a réalisé le parcours d’une jeune violoniste douée. Partie boursière à Boston, devenue violon solo du N.E.C. Symphony Orchestra, venue se spécialiser à Bruxelles en musique ancienne avec Sigiwald Kuijken. Elle se produit ensuite régulièrement avec Les Talents Lyriques, Les Musiciens du Louvre, Le Concert Spirituel et La Petite Bande. Elle fonde aussi l’ensemble baroque L’Yriade avec le ténor Cyril Auvity. Écoutons-les, elle est au violon.
Mais Léonor de Récondo a un autre talent, elle est écrivaine. C’est à ce titre que je l’ai découverte. J’ai acheté un de ses livres « Pietra viva », captée par la couverture et par le sujet : Michel-Ange.
« D’art et d’amour », cet air tiré de l’opéra Tosca, me semble un beau résumé de ce livre inclassable et bouleversant.
Le grand Michelangelo séjourne à Carrare afin de choisir le marbre pour le tombeau que le pape lui a commandé. Il y est en proie au doute de l’artiste mais aussi à l’amour sous trois formes.
L’amour d’Andrea perdu dramatiquement, l’amour des gens humbles de Carrare, l’amour d’un petit orphelin qui va transformer le sculpteur misanthrope en un homme heureux. Il y a aura des étapes, des clés qui conduiront Michelangelo vers l’introspection et l’apaisement.
« Entre 4 et 14 ans, j’ai passé tous mes étés à Pietra Santa, un village toscan près de Carrare. Ces vacances italiennes, la lumière, la montagne et la liberté de gambader du matin au soir sont gravées en moi comme des moments magiques », sourit Léonor de Récondo. On sait que, en 1505, Michel-Ange est venu à Carrare choisir les blocs de marbre destinés au tombeau de Jules II. Une commande du pape mécène à un sculpteur de 30 ans, dont le génie avait déjà saisi ses contemporains grâce à la Pietà de Rome et au David florentin, poursuit Léonor de Récondo.À partir de ce fait avéré et de quelques autres, j’ai bâti un récit sur la force de l’art. »
Par son métier de musicienne baroque et par la personnalité de Michelangelo, on pourrait s’attendre à un récit qui nous emmène dans la redondance, la démesure comme la musculature des sculptures de Michelangelo. Mais au contraire, c’est un récit serré, économe, concentré. Tellement frémissant qu’il en naît une sensualité brûlante dans sa sobriété villageoise er monacale.
Michelangelo n’y apparaît pas comme un personnage sympathique : il est bougon, négligé et sale, misanthrope, colérique, avare. La création le soulage de tout, même s’il reste hanté par la mort de sa mère. Son aventure humaine, sa misère psychologique nous prend aux tripes et on le voudrait tellement heureux, vivant d’art et d’amour! Le soulagement : libérer les personnages de son imaginaire de leur gangue de pierre et les faire vivre.
La pietra viva, enfin…