Tout le monde à Liège (et au-delà, j’espère) connaît ce monument emblématique, ce chef-d’oeuvre du Moyen Âge : les Fonts baptismaux de Saint-Barthélemy.
Ayant dû rassembler tant bien que mal mes souvenirs pour expliquer l’originalité de ce monument lors de deux visites impromptues, je me suis dit qu’il était peut-être temps de faire le point. Mes recherches m’ayant conduite sur une piste inattendue, je les partage ! Car, oui, cet extraordinaire objet représente le savoir-faire des orfèvres mosans sauf que… Vous allez voir!
Ces fonts baptismaux avaient à l’origine pris place dans l’église Notre-Dame-aux-Fonts, baptistère de la Cathédrale Saint-Lambert, la petite chapelle à l’avant-plan sur ce dessin à l’intersection des trois chemins.
Ah, la cathédrale Saint-Lambert ! fantasme de tous les Liégeois qui la pleurent encore et toujours au point de l’avoir symbolisée sur la nouvelle Place Saint-Lambert. À droite du tunnel routier, la place des deux tours séparées par un dallage en croix. Plus loin, les colonnes traversant même la route et filant vers la place du Marché et le Perron, sur l’ancienne esplanade du Tivoli…
Cet exceptionnel vaisseau de pierre pouvait contenir 4000 personnes ; avec sa flèche de 135 mètres de haut, elle était la plus grande cathédrale du monde nord-occidental au Moyen Age. Sa destruction commença en 1794, lors de la Révolution liégeoise.
Les fonts baptismaux échappèrent au même sort (sauf deux boeufs du socle et le couvercle disparu – on chuchote qu’il se trouverait dans les combles du Victoria and Albert Museum de Londres) et furent transférés à la Collégiale Saint-Barthélemy toute proche en 1803, où on peut encore aujourd’hui les admirer.
Pour tout le monde, ces fonts baptismaux sont l’oeuvre de Rénier, orfèvre de Huy entre 1107 et 1118. La pièce est en laiton, confectionnée d’un seul tenant à la cire perdue, avec un moule en argile dans lequel on a coulé le métal en fusion. Après le refroidissement, le moule fut brisé et la pièce parachevée (surfaces lissées, inscriptions gravées…). Pour réaliser cette pièce maîtresse de l’art mosan, l’artiste a dû faire la synthèse des techniques antiques, byzantines et mosanes.
Sauf que…
Sauf que des voix s’élèvent aujourd’hui pour contester tout cela!
Il y aurait notamment la composition de l’alliage qui semblerait être espagnole et sarde ; l’origine serait alors caroligienne et byzantine et non pas seulement mosane… ou alors romaine car les figurines sont réalisées comme celles de la colonne trajane. On parle même d’un butin de rapine lors d’un sac de Rome…
Voici ce que l’on trouve comme informations sur le site de la Ville de Liège :
L’origine de ces fonts suscite bien des questions. Les sources sont rares, et les informations sont soit incomplètes, soit suspectes. Deux noms d’auteurs possibles ont été cités : Lambert Patras, batteur dinantais, et Renier, orfèvre hutois. Mais ces attributions ne reposent pas sur des bases scientifiques satisfaisantes.
Depuis 1984, deux hypothèses s’opposent quant à l’origine même des fonts :
- selon l’une, ils seraient le chef-d’œuvre de l’art mosan, fabriqués dans nos régions à l’époque où ils furent placés dans l’église (1107-1118).
- selon l’autre, ils seraient l’œuvre d’artistes byzantins de la fin du Xe siècle, et auraient pu être fondus à Rome sur ordre de l’empereur Otton III, puis razziés en Italie par une armée liégeoise à l’époque de leur apparition en l’église baptistère.
Certains spécialistes n’excluent pas qu’ils aient pu être fondus en pays mosan avec la collaboration ou sous l’influence d’artistes byzantins, vu l’importance du rayonnement culturel de Constantinople au coeur même de l’empire germanique. Des analyses de laboratoire, effectuées en 1993, n’ont pas permis de confirmer l’une ou l’autre hypothèse : elles démontrent seulement que le plomb présent dans l’alliage provient d’Espagne ou de Sardaigne, alors que d’autres oeuvres du XIIe siècle, d’origine mosane incontestable, ne contiennent que du plomb local.
Au gré de mes recherches, j’ai trouvé des représentations de nombreux fonts baptismaux romans du même style aux alentours de Liège mais tous ont une cuve en pierre…
Voulez-vous vous faire votre propre opinion? Voici quelques liens qui vous y aideront. Vous y trouverez également la description précise de l’oeuvre.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fonts_baptismaux_de_Saint-Barth%C3%A9lemy
http://www.liege.be/culture/musees/les-musees-de-liege/fonts-baptismaux-de-saint-barthelemy
Vous voulez mon avis? Il y a là matière à un bien beau roman policier historique ! C’est la mode (et j’y ai succombé avec bonheur notamment avec le beau Nicolas le Floch!) avec des intrigues souvent situées en Italie ou à Paris. Pourquoi pas dans la capitale de notre Principauté épiscopale appelée à l’époque « la Rome du Nord », aux confins de la Germanie, dans le pays de Charlemagne, avec à sa tête un prince-évêque…Oh, les intrigues!!! J’aurais un talent de romancière que je démarrerais tout de go!
Le lieu d’hébergement des fonts, Saint-Barthélemy, a aussi subi de nombreuses restaurations ces dernières années. De son aspect connu de tous dans les années d’après-guerre
Voici comment elle nous apparaît aujourd’hui en face du musée du Grand Curtius. Un enduit typique des églises rhénanes de la même époque a été posé, la protège et lui rend ainsi une nouvelle jeunesse.
Et savez-vous, qu’en dehors du chef-d’oeuvre que je viens de vous présenter, il en existe un autre dans cette église? Un plus contemporain dû à la main d’un grand comédien!
Cet agneau du sacrifice, oeuvre du sculpteur Jean Marais.
Décidément, oui, cette collégiale vaut le détour d’autant qu’elle était sur un des chemins de Compostelle. La conque symbolique à ses pieds. Et que ses orgues viennent d’être restaurées. Trop de trop…