André-Modeste superstar

3298804204.jpegIl est de bon ton de brocarder les Liégeois pour leur propension à considérer leur ville et leurs compatriotes comme exceptionnels, ce fameux « esprit principautaire ». Pourtant, il y a un personnage qui souffre d’une réputation  inverse, peut-être due à un de ses prénoms: André-Modeste Grétry.

Qu’en connaît-on si ce n’est la statue qui trône devant l’opéra et qui contient son coeur? J’avoue  humblement n’avoir vu en lui, jusqu’à hier soir, qu’un aimable compositeur de cour. L’intérêt qu’on lui porte en cette année du bicentenaire de sa mort permet de tracer un portrait tout autre du personnage.

Hier soir donc lors d’une excellente conférence dont il a le secret (et le talent), Jean-Marc Onkelinx nous a expliqué que Grétry était LE maillon indispensable entre l’opéra baroque et le grand opéra français. Rien que ça… et après deux heures d’exposé, nous sommes sortis éblouis, convaincus et contemplant la fameuse statue d’un autre oeil!

Grétry est donc l’inventeur de l’opéra-comique français, réussissant à combiner ses recherches sur la prosodie si particulière du français et un exceptionnel talent de mélodiste qui inspira d’ailleurs Mozart et Gluck (la comparaison d’extraits des oeuvres des uns et des autres est confondante). Ses contemporains ont très vite reconnu ses mérites puisqu’il fut un assidu de Versailles, sa pension étant payée par la cassette personnelle de Marie-Antoinette, il échappa à la guillotine, devint inspecteur des conservatoires de la République et fut décoré de la Légion d’honneur par Napoléon… En ces temps troublés, quel parcours! Il n’est donc pas étonnant que la comtesse de La Dame de Pique de Tchaikowski se souvenant de ses folles années à Versailles, chante un air de Richard Coeur de lion, opéra de Grétry  (ici la grande Irina Arkhipova au Liceu de Barcelone en 2010):

Alors pourquoi est-il ensuite peu à peu tombé en disgrâce aux oreilles des mélomanes? Sans doute lui manqua-t-il l’étincelle géniale de Mozart mais ce furent surtout l’indigence et la naïveté des livrets de ses opéras qui le condamnèrent presqu’aux oubliettes.

Jean-Marc Onkelinx nous faisait remarquer que Grétry se sentit, au tournant du siècle, dépassé par l’évolution du discours musical, qu’il décida sagement de se retirer dans la demeure de Jean-Jacques Rousseau qu’il avait acquise mais qu’on peut néanmoins déceler notamment dans Guillaume Tell, l’opéra qui va être représenté à l’ORW pendant ce mois de juin, les prémices du Sturm und Drang du romantisme allemand. 

En tant que simple mélomane, je n’ai pas pu m’empêcher en entendant le début de l’ouverture – le ranz des vaches – de penser à la Pastorale de Beethoven et pour l’air de Gessler, de faire le rapprochement avec l’air de Kaspar dans le Freischutz de Weber.

 

Quant à la fauvette de Zémire et Azor,  soyons fous, pourquoi ne pas penser à l’oiseau dans Siegfried de Wagner…

Bref, on ne se lassera pas de (re)découvrir la richesse de la production du compositeur liégeois, de s’ébahir devant sa gloire sans égal dans la France de la fin du 18ème siècle, son aisance à survivre à tous les régimes politiques de l’époque, d’avoir influencé tous les compositeurs européens.

Une lecture indispensable: http://jmomusique.skynetblogs.be/tag/gretry

gretry.jpegIl n’y a pas que Liège qui le fêtera :

http://www.journaldefrancois.fr/montmorency-rend-hommage-cette-annee-au-compositeur-andre-ernest-modeste-gretry.htm 

 

 

 

 

 

 

Si vous voulez connaître les tribulations de la célèbre statue : http://www.swedhs.org/actualite/gretry1.html

Et puis rappelez-vous, il n’y a pas si longtemps… 

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Un p’tit coup de Vieuxtemps pour la route? Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille, de Lucile… hymne du Royaume de France pendant la Restauration, sacré Grétry!