Manon, celle de Massenet.
Dernier spectacle au Palais Opéra de Liège, dans moins de 100 jours le Théâtre Royal rouvrira ses portes! Cette production connut la « fuite » de sa prestigieuse vieille diva et son heureux remplacement par une jeune chanteuse espagnole.
Car c’est ce qui nous a enchantés, la jeunesse de Manon et de son beau chevalier Des Grieux. On y croit à ces deux-là, adolescents exaltés finalement broyés par la société bourgeoise décadente mais bien pensante. Production très classique avec utilisation judicieuse du flash-back au début et de ce livre dont on tourne les pages au fil de l’histoire. Cela évite de longs changements de tableaux et occupe bien l’espace restreint de la scène.
Quelques extraits :
Le livret de l’opéra de Massenet est tiré de l’oeuvre de l’Abbé Prévost. (1697-1763) qui fit scandale et fut plusieurs fois interdit. Littérairement, l’histoire de Manon Lescaut se déroule sur deux ans et avec de nombreux rebondissements. Voici un schéma vous permettant d’y voir plus clair (tableau fiction et narration)… : http://www.site-magister.com/manon.htm
Le compositeur Massenet et son librettiste, dans la tradition de l’opéra français du 19ème siècle, en ont gardé les épisodes les plus romantiques, créant une sorte de délicieux bonbon rose fondant. Grâce soit rendue à Monsieur Mazzonis qui a misé sur la jeunesse des protagonistes, sur leur immaturité dans un monde dévergondé qui causera leur perte finale. Le drame était ainsi plus consistant.
Mais pour les amateurs d’opéra italien (dont je suis), rien ne vaut le choix des épisodes opéré par Giacomo Puccini. Manon y apparaît beaucoup plus cynique, elle est déportée en Amérique et elle y meurt. Version donc plus conforme à l’oeuvre littéraire initiale.
J’ai découvert cette oeuvre, qui est parmi celles que je chéris – comme tout Puccini d’ailleurs -, grâce à une intégrale en 33T sortie en 1971, je crois. Un monstre sacré de l’époque : Montserrat Caballé, et un jeune latino prometteur: Plácido Domingo. Les voici à la même époque, en 1972, au gala d’adieu de Rudolf Bing, le patron du Met.
Ceux qui me connaissent savent ma dévotion à Plácido. Je suis une inconditionnelle, j’avoue et je le revendique!
Voyez dix ans plus tard, la métamorphose d’un artiste. D’un ténor au physique un rien rondouillard, il est devenu un véritable acteur, ce qui le mènera à tourner plusieurs films.
Je ne me lasse pas de regarder cette version prise sur le vif à Covent Garden le 17 mai 1983. Plácido a cette fois comme partenaire Kiri te Kanawa. Elle raconte dans un livre de mémoires combien cette prise de rôle la stressait. Puccini, l’opéra italien, elle, la suprême interprète de Richard Strauss. Les répétitions frôlèrent le mélodrame, le chef Giuseppe Sinopoli étant d’une exigence extrême, il y eut un monsieur « bons offices » pour calmer ce petit monde. devinez qui?
Oui, on pouvait avoir les nerfs à vif avec ce direct intégral planétaire il y a 30 ans ! Et le résultat est sublime de tension dramatique. Certes imparfait, mais qu’importe, c’est le témoignage d’un moment inoubliable, d’autant que le maestro nous a quittés trop tôt, hélas.
Nous sommes au deuxième acte, Manon se vautre dans le luxe de son souteneur et Des Grieux arrive…
Quelques minutes de making of!
Contrairement à la version de Massenet, la fin de celle de Puccini se situe dans le désert américain avec une dernière scène hautement dramantique. Kiri te Kanawa est à bout de souffle, mais ses faiblesses vocales renforcent le drame et elle réussit enfin à se laisser aller. Scène poignante qui reste un must pour tout qui l’a vue… Si vous avez la chance de regarder toute l’oeuvre sur cassette ou DVD (version très bien remasterisée au niveau de l’image notamment), n’hésitez pas. Vous pouvez aussi la trouver sur You Tube en 14 morceaux HD. Et si les acteurs/chanteurs sont sublimes, Giuseppe Sinopoli rend justice à toute la modernité de Puccini. À voir et revoir, à entendre et réentendre sans modération!