Un Espagnol flamboyant

Reverte1Arturo Pérez-Reverte

Un nom découvert au gré de l’inspection nonchalante des rayons d’une librairie, mon nez de lectrice compulsive au vent en quête de nouveauté.

J’avoue humblement  à ce moment ne pas le connaître du tout, mais le sujet du livre que j’ai entre les mains m’intéresse, passion familiale oblige : la traque par une historienne de l’art urbain de Sniper, le roi des graffeurs espagnols.

Franc-tireurC’est La patience du Franc-tireur. De Madrid à Lisbonne, de Vérone à Naples, Alejandra le traque sans répit et au péril de sa  vie, ce Sniper. Le récit se transforme en thriller à la lecture ; ce n’était pas l’essentiel pour moi, mais bien  la découverte artistique et sociétale du Street-art, la vraie guérilla urbaine qu’elle engendre, suintant l’adrénaline et la rébellion. Rites et rixes à l’assaut de la ville. J’ai lu un chouette livre et j’ai appris bien des choses au fil des pages! Ce Pérez-Reverte me plaît décidément beaucoup. Premier contact réussi.

Né en 1951, licencié en Sciences politiques et en journalisme, Arturo Pérez-Reverte a travaillé longtempsArturo_Pérez-Reverte comme grand reporter et correspondant de guerre pour la télévision espagnole, sur tous les conflits de la seconde moitié du 20ème siècle. À la fin des années 90, il se reconvertit en romancier avec des succès mondiaux. Plusieurs de sa vingtaine de romans ont été portés à l’écran. Élément important pour la suite: il est membre de la Real Academia de Letras d’Espagne.

Il m’a charmée, cet homme, et j’ai donc encore bien des lectures futures pour perpétuer le plaisir. Que j’aime cette sensation de rendez-vous à venir!

Cela n’a pas tardé. Une nouvelle flânerie dans mon lieu de perdition préféré et sous mes yeux, un objet de convoitise irrésistible à la lecture du résumé-apéritif…

deux hommesDeux hommes de bien, un merveilleux roman historique mais pas que. Vous allez voir.

Comme le disent les critiques littéraires, Pérez-Reverte considère ses lecteurs comme des gens intelligents. Et nous, les lecteurs en question, on apprend, on savoure, on jubile au rythme d’une véritable saga qui exalte aussi le sentiment d’amitié.

L’Académie royale d’Espagne (à laquelle appartient aujourd’hui Reverte comme dit précédemment) demande à deux de ses membres d’aller à Paris, à la veille de la Révolution française, se procurer la première édition de l’’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Ces « Deux hommes de bien » : le bibliothécaire Hermogenes Molina et l’amiral don Pedro Zarate.

Ils vont donc entreprendre le périlleux voyage de Madrid à Paris en diligence. Les aléas et les lenteurs du voyage vont faire naître une véritable amitié entre ces deux personnages fort dissemblables : le bibliothécaire est érudit et pratiquant ; le marin, bel homme un peu désabusé et libre-penseur (je lui trouve un lien de parenté avec Corto Maltese…). La quête périlleuse de cette fameuse première édition en 28 volumes de l’Encyclopédie  va nous conduire dans un récit digne d’Alexandre Dumas avec d’ innombrables rebondissements. Et également du côté de Jean-François Parrot, avec son héros Nicolas Le Floch, pour la documentation précise de l’époque et de Paris à la fin du règne de Louis XVI.  On est immergé dans la Grande Histoire par le petit bout de la lorgnette.

Mais ce n’est pas tout.

L’auteur intervient dans le roman. Il nous explique son travail de recherche, de réflexion et d’écriture. On assiste alors à la création des éléments de l’histoire et du décor. On fouille avec lui dans les témoignages d’époque, on consulte les vieux plans de Paris, on décortique les gravures des rues… C’est semblable à la « petite cuisine » d’un réalisateur de cinéma qui part à la recherche des paysages, des lieux les plus parlants pour son film…

Bref, ce livre réussit le parfait grand écart : il nous divertit sur une époque historique foisonnante (et pas si différente de la nôtre par ses révoltes qui grondent, ses classes sociales qui s’ignorent, les riches très riches et les pauvres très pauvres, la faiblesse du pouvoir politique, la dette de l’état, le bling-bling, les agitateurs brassant dangereusement le mécontentement…)  tout en nous instruisant sur le métier de romancier. Que du plaisir intelligent!

Alors, vous vous en doutez, un seul conseil : embarquez dans la diligence de nos deux hidalgos et vivez avec eux leur rocambolesque aventure humaniste. L’Histoire prend une tout autre saveur avec ces deux hommes de bien!

Quant à moi, je continue la découverte de cet écrivain qui, décidément, me plaît!

Voir Rome…

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Depuis le 25 avril jusqu’au 26 août se tient au musée de le Boverie à Liège l’exposition « Viva Roma! » (en partenariat avec le Louvre-Paris), développant en près de 150 tableaux la fascination qu’eurent les artistes du nord pour la Ville Éternelle.

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Corot, Le Tibre et le Château Saint-Ange

De tout temps (du 16ème siècle – Lambert Lombard avait été envoyé à Rome par le prince-évêque Érard de la Marck – à aujourd’hui), cette ville singulière émeut les artistes du Nord qui y séjournent. Certains finançaient leur voyage par leurs propres deniers (les Suisses, les Danois…), d’autres étaient accueillis à la Villa Médicis (les Français) ou par la Fondation Darchis (les Belges).
Après un long voyage parfois périlleux, ils découvraient enfin la ville dont ils avaient rêvé en feuilletant les premiers guides touristiques et les recueils de gravures. Ils y arrivaient la plupart du temps à la fin de l’automne, s’installaient et nouaient des contacts avec les autres artistes pendant l’hiver et dès le printemps partaient, cahier de croquis à la main, à l’assaut de la ville, réservant les escapades dans la campagne romaine pour les chaudes journées d’été. Ce n’était guère du tourisme car ceux qui vivaient sur leurs deniers propres devaient absolument produire et vendre pour s’autofinancer ; ceux qui étaient envoyés par des institutions avaient l’obligation de résultats probants.
Ci-dessous, Alexis-Nicolas Noël, Le col du Grand Saint-Bernard ; Charles Gleyre, Les brigands romains

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Comme les touristes d’aujourd’hui, tous ces peintres sont immanquablement attirés par les vues et les monuments célèbres maintes fois traités par leurs aînés : le Colisée, le Forum, la pyramide Cestius… Et c’est ce qui peut décontenancer le visiteur de l’expo et quelquefois le lasser: il a l’impression de toujours voir la même chose, sans grande originalité de style, d’autant qu’il s’agit souvent de la production de jeunesse des artistes…
Ci dessous, le dieu Mercure (fresque de Raphaël à la Villa Farnesina) et sa copie par Ingres.

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Pour trouver un réel intérêt à cette exposition, il ne faut pas déambuler en espérant être foudroyé par l’émotion devant un tableau. Il faut la découvrir en respectant les différentes sections proposées: « Découvrir l’Antiquité » ; « Copier la Renaissance » ; « Rome la catholique » ; « Les brigands, phénomène artistique » ; « L’obsession du Forum » ; « Le creuset de la Villa Médicis » ; « Le peuple de Rome » ; « La lumière de Rome » ; « L’excursion napolitaine ». Mieux encore: s’offrir une visite guidée, ce que nous avions fait.

Alors la visite devient une aventure passionnante.

On s’identifie à ce jeune artiste du nord qui voit son rêve enfin se réaliser : il débarque après un voyage éprouvant, grisé par la lumière, le ciel bleu et les beautés environnantes qu’il a maintes fois contemplées  sur des gravures et qui sont là, enfin bien réelles. Il doit s’intégrer à la communauté  de peintres de son pays pour y trouver soutien et émulation, il découvre des coutumes, des odeurs, des costumes, des gens bien différents de ceux qu’il a toujours connus. Il doit travailler, il n’est pas là pour le farniente. Et s’il le peut, il trace jusqu’à Naples, le Vésuve et les ruines de Pompéi. Quels chocs émotionnels!

Personnellement, j’ai eu trois coups de cœur.

Tout d’abord, les Capricci.
Sortes de « cartes postales » très prisées des touristes sur lesquelles l’artiste va rassembler différents monuments célèbres, souvent très éloignés les uns des autres dans la réalité. Le spécialiste en était Giovanni Paolo Panini (1691-1765) qui fait figurer la pyramide Cestius au milieu du forum alors qu’elle se trouve le long de la Via Appia en dehors de la ville. On y représente également des ruines imaginaires, flattant ainsi la fascination des Anglais pour ces lieux. Ici Les Découvreurs d’antiques d’ Hubert Robert (1733-1808)

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Mon deuxième coup de cœur est Guillaume Bodinier (1795-1872)
La Paysanne de Frascati au confessionnal par le motif inversé du buste et de la jupe captive la vue tout comme les dessins préparatoires dignes d’un architecte. Je suis également restée subjuguée par la modernité d’Un Garçon sur la plage

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Mon troisième coup de cœur, et une totale découverte: Gilles-François Closson (1796-1842). Liégeois d’origine, il part en Italie grâce à la Fondation Darchis. Il réalise environ 600 œuvres, d’étonnant travaux préparatoires à l’huile sur papier retranscrits ensuite sur toile. Lors de la création de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, il en devient le professeur et directeur. Il abandonne alors toute production personnelle pour se consacrer à son rôle de pédagogue. À sa mort, sa veuve lègue une grande partie de son œuvre au Musée des Beaux-Arts de Liège. Celle-ci sera conservée, vu sa fragilité au Cabinet des Estampes et aujourd’hui dans la galerie noire du Musée de la Boverie, avec une rotation des travaux exposés. Ce qui est fascinant chez cet artiste, c’est notamment l’art de la perspective. Notons que certains de ses tableaux ont été acquis par le Metropolitan Museum et le Getty Museum.

Vues du Colisée et cascades dans la campagne romaine

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Dans cette visite guidée, nous n’étions que des femmes et nous nous sommes étonnées qu’elles ne soient représentées, dans cette exposition, que par Louise Sarazin de Belmont . La réalité est que pour pouvoir profiter d’une bourse de l’État français à la Villa Médicis ou de la Fondation Darchis, il fallait sortir d’un établissement d’enseignement, lieu alors interdit aux femmes. Les seules à avoir pu découvrir l’Italie en tant qu’artistes étaient celles qui accompagnaient leur mari…
De même on peut s’étonner de l’absence de sculptures. Quelques copies en plâtre venant de Bruxelles agrémentent la scénographie, d’ailleurs très sobre mais très réussie.

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Pour le côté pratique…
Prévoyez une petite laine car il fait très froid dans les salles. Ensuite n’espérez pas pouvoir faire des photos, c’est interdit. Je me suis fait copieusement rabrouer (à la limite de la politesse) par un garde tout imbu de l’autorité que lui conférait sa chemise d’uniforme… J’aurais dû voir le petit pictogramme situé à la droite du pupitre marquant l’entrée de l’expo. Faisant partie d’un groupe, sans doute quelqu’un me l’a-t-il caché. Mesure très bizarre quand on pense qu’à Orsay, à l’Orangerie, au Louvre-Lens, au musée de Lille, au musée du Cinquantenaire pour ne citer que les musées que j’ai visités récemment, il est tout à fait autorisé de faire des photos sans flash.
Ceci est d’autant plus frustrant qu’il n’existe pas de cartes postales des œuvres présentées. Il y a bien un catalogue, véritable livre d’art, mais qui coûte 34€ et une petite brochure sur la Fondation Darchis à 5€. On peut aussi acheter l’affiche… La charmante demoiselle qui tient la superbe librairie du musée nous a expliqué qu’il n’y avait pas d’équivalent belge aux revues « Connaissance des arts », Beaux-Arts » etc… présentant pour un prix modique un résumé fort bien fait et les reproductions des œuvres maîtresses de l’expo. Certes, mais pourquoi alors ne pas permettre au visiteur d’emporter ses propres souvenirs? Il y a pléthore de gardes dans cette expo qui passent leur temps à pianoter sur leur Smartphone. Ils pourraient avantageusement surveiller afin que les visiteurs n’utilisent pas de flash, non? J’ai fait part de cette remarque sur la page Facebook du musée. On m’a gentiment répondu ce matin qu’on transmettait…

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Pour finir sur une note plus agréable, nous sommes tombées en pâmoison devant ce beau romantique ténébreux… Sur Internet, il est répertorié comme un auto-portrait de Léon Cogniet. À l’expo, il est présenté comme le portait d’Achille Etna Michallon par Léon Cogniet
Et comme nous avions un peu froid, nous nous sommes réchauffées devant L’Éruption du Vésuve de Volayre (dans la section « excursion napolitaine »).

 

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Note du 28 mai 2018: Une amie de Facebook me fait savoir que depuis ce week-end, les photos sont autorisées… Bravo! 

Nouveau départ

Bonjour à tous! Proximus ayant décidé de fermer fin de ce mois sa plate-forme Skynetblogs, il m’a fallu migrer vers d’autres cieux. J’espère pouvoir importer le contenu de mon précédent blog ici. Mais pour l’instant, je suis dans une impasse, j’attends de l’aide.

Qu’importe, je tente de dompter mon nouvel outil pour très rapidement pouvoir vous proposer quelques posts sympas et surtout en discuter avec vous.

Bon vent donc à nous tous !

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