Rebecca

Rebecca, c’est Daphné du Maurier. 

Daphné du Maurier (1907-1989)… Cette écrivaine anglaise old-fashioned que j’avais cataloguée (sans l’avoir lue, embarassedoups…) dans le genre Barbara Cartland…

téléchargement (2).jpegJe me suis laissé séduire par sa biographie car j’aime la plume de Tatiana de Rosnay. Et puis la maison d’édition Héloïse d’Ormesson, c’est un gage de qualité!

Le personnage que j’ai découvert m’a passionnée, bouleversée ; mes insomnies chroniques en ont été charmées. Tudieu, Daphné, quelle femme et quel écrivain! 

Les précédents biographes s’étaient focalisés soit sur sa bisexualité, quelle débauchée!, soit sur sa volonté intangible de faire passer sa vocation d’écrivain avant tout, quelle épouse et quelle mère indignes ! Ce dernier argument explique l’énorme et éternelle distanciation entre l’avis des critiques littéraires contemporains (des hommes anglais misogynes) et ses lecteurs passionnés. 

Tatiana nous raconte la vie de Daphné au gré des maisons qu’elle a habitées : Cumberland Terrace à Regent’s park qui l’a vue naître, Cannon Hall où elle a grandi, Ferryside,où elle a pu laisser libre cours à son imagination pour ses premiers romans, Menabilly qui l’a totalement envoûtée et enfin Kilmarth, où elle a fini ses jours.

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Londres est détesté ; les Cornouailles, le paradis. Daphné y vit divinement en pantalon, vieux pull, bottes et parka. Elle est casanière même si elle accomplit de nombreux voyages en Italie, en Grèce, en France, terre de ses ancêtres. Ils alimentent son imaginaire.

Cadette d’une fratrie de trois sœurs, ses parents espéraient un garçon ; toute sa vie, elle conservera en elle un double, Éric Avon, qu’elle fera parler dans certains de ses romans et qu’elle fera vivre dans sa bisexualité. Un père comédien célèbre mais possessif, étouffant qui ne voit pas le tournant théâtre/cinéma et qui doit vendre son nom à un cigaretier pour conserver son standing financier ; un grand-père français caricaturiste célèbre, devenu romancier sur les conseils de Henry James. Daphné viendra étudier à Paris et restera toujours fière de ses racines françaises. Très vite, elle a envie d’écrire et de vendre ses romans, afin d’acquérir une certaine indépendance et d’échapper à son père.

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Elle tombera éperdument amoureuse d’un bel officier, Tommy Browning qu’elle surnommera plus tard Tristounet car il fut marqué dans sa jeunesse par la guerre des tranchées de 14/18 et ne se remit jamais de la perte de ses hommes pendant le débarquement et la marche forcée vers l’Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Ils furent anoblis par la Reine Elisabeth. Épouse modèle, elle le suivit au gré de ses casernements, en Égypte même. Ils eurent 3 enfants : Kits (le fils adoré), Flavia et Tessa (ici avec Tatiana). L’éloignement dû à la guerre, le détachement dû à la passion de l’écriture ruinèrent un temps leur couple mais reprenant la vie commune, Daphné se révéla un vrai soutien pendant des années contre la neurasthénie, l’alcoolisme et les penchants suicidaires de son mari.  

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Mais Daphné est avant toute chose écrivaine. Elle sacrifie tout à sa passion. Elle travaille tous les jours plus de dix heures devant sa machine à écrire et lorsque l’inspiration si prolixe en son temps, se trouvera tarie, ce sera une grande souffrance. Des romans, des nouvelles par dizaines. Cataloguée romancière romantique, gothique, « féminine », ultime injure! La biographie de Tatiana, elle-même écrivaine, fait la part belle à cette zone d’ombre, celle de l’étincelle de l’inspiration mais surtout celle du travail, du sang et des larmes, des doutes et du désespoir, le fil du rasoir… Pour tout amateur de littérature, c’est un pur bonheur, la cuisine d’un roman révélée !   

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article-2021986-0042CB0D000004B0-705_468x329.jpgTrois événements majeurs bouleversent à jamais la vie de la romancière:

La publication de Rebecca qui, en un mois, se vend à 40 000 exemplaires et est traduit en français chez Albin Michel. Comment se relever d’un tel succès?

Sa rencontre avec Menabilly, manoir qui a justement donné naissance à Manderley, le lieu de Rebecca. Daphné, malgré ses demandes, ne pourra en faire jamais l’acquisition, mais le transformera, l’habitera, le louera pendant plus de vingt ans et dira de celui-ci : « J’ai un peu honte de l’admettre, mais je crois que je préfère “Ména” aux gens ».

Hitchcock porte à l’écran certains de ses romans, dont les terribles Oiseaux.

Daphné vit au gré du temps des Cornouailles, une existence rude mais émerveillée par la nature et la solitude. Après Menabilly, il y aura  Kilmarth, une transhumance qu’elle aura orchestré au pire, au mieux, ne pouvant fléchir les héritiers de sa tanière chérie.

Le 19 avril 1989 âgée de 81 ans, la romancière décède. Les éloges funèbres sont unanimes et le Daily Télégraph écrit « Dame Daphné écrivit vingt-neuf livres, dont la plupart sont des romances historiques ».

Des romances historiques… Tatiana nous donne bien des clefs pour aborder les romans et nouvelles de Daphné de toute autre façon. Daphné est un auteur trouble, ambigu, noir, tragique, pas loin du masochisme.

9782226314772-j.jpgAh! Voilà qui m’a emmenée bien loin de mon jugement de départ. Je suis allée acheter la nouvelle traduction de Rebecca parue au Livre de Poche, je vais découvrir!

Car oui, Daphné ne fut jamais contente de ses traductrices. Elles ne faisaient qu’édulcorer le propos. Bienheureux soient ceux qui puissent la lire en anglais, dans toute sa noirceur, dans toute sa grandeur!

Elle ne fut jamais satisfaite des films d’Hitchcock, même Les Oiseaux (qui  me terrorisèrent  à jamais). Celui-ci prenait bien trop de libertés dans ses scénarios par rapport aux oeuvres initiales et sans jamais en faire part à Daphné qu’il snobait honteusement.

Rien de « féminin », vraiment!

De la vie!

Impression personnelle : Une vie de femme libre comme celle de notre chère Colette! Colette aimait les chats ; Daphné, les chiens

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«La nuit dernière, j’ai rêvé que je retournais à Manderley…» : la phrase qui ouvre le roman Rébecca a fait rêver des générations de lecteurs. Tout le monde connait L’Auberge de la Jamaïque, Rebecca ou Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock, mais l’auteur des oeuvres qui l’ont inspiré, Daphné du Maurier (vendue pourtant à des millions d’exemplaires et traduite en une quarantaine de langues), est aujourd’hui tombé dans l’oubli. Pourquoi Daphné du Maurier est-elle considérée comme un auteur de romans féminins, alors que ses histoires sont souvent noires et dérangeantes ? Que sait-on vraiment de son lien étroit avec la France, de ses liaisons longtemps tenues secrètes, des correspondances ténues que son oeuvre entretient avec sa vie, et dans laquelle elle parle beaucoup de son histoire familiale ? Portrait d’un écrivain par un autre écrivain, Manderley décrit minutieusement une vie aussi mystérieuse que l’oeuvre qu’elle sous-tend – toute de suspense psychologique –, et met en lumière l’amour fou de cette femme pour son manoir de Cornouailles. Un portrait tout en nuances de la plus énigmatique des romancières britanniques, mais davantage encore : un voyage littéraire sur les traces d’un des plus grands auteurs de best-sellers de son époque, méprisé par la critique mais adulé du public.

 

Une interview passionnante de Tatiana de Rosnay (vous pouvez mettre les pages plein écran,dernier carré à droite, et agrandir les caractères avec la loupe…)

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3 commentaires sur “Rebecca

  1. Que de souvenirs! Vicky Baum et Daphné Du Maurier firent partie oh combien délicieuses et étonnantes de mes lectures de jeunesse. Ça me transportait ailleurs complètement.
    Puis au secondaire, il y a déjà quelques décennies, Rebecca fut lecture obligatoire pour ma fille aînée.
    Tellement envoûtée, dès la première lecture, ma gamine, que cela reste sa lecture favorite et incontournable! Elle a dû le lire plus de 100 fois, elle connaît les pages par cœur, et en est au moins à la cinquième édition, les autres livres étant complètement démolis par les manipulations et, comme elle l’a toujours dans son sac de pilote, ça n’arrange pas le bouquin!!
    Je vais lui acheter la biographie, mais je ne suis pas certaine que ça va l’intéresser autant que la nouvelle édition et traduction qui vient de paraître….quoique, je vais lui acheter en anglais tiens, je n’y ai jamais pensé! Incroyable,
    Tu fais un rapprochement avec Colette, moi j’ai vu une ressemblance troublante avec Agatha Christy : même époque, même cheminement, même amour considérable ( hypnotique?)pour les maisons, (home donc foyer, plus important en anglais )mêmes eaux troubles dans leurs vies, même caractère indomptable et écrivaines prolifiques, et tout ceci grâce à la magnifique exposition sur Agatha, très fouillée, très documentée, qui avait lieu ici il y a peu de temps.
    Et comme toujours, merci cousine pour ces voyages imaginaires dans le temps et l’espace, cela bouscule et fait du bien à la cervelle!

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  2. Que de souvenirs! Vicky Baum et Daphné Du Maurier firent partie oh combien délicieuses et étonnantes de mes lectures de jeunesse. Ça me transportait ailleurs complètement.
    Puis au secondaire, il y a déjà quelques décennies, Rebecca fut lecture obligatoire pour ma fille aînée.
    Tellement envoûtée, dès la première lecture, ma gamine, que cela reste sa lecture favorite et incontournable! Elle a dû le lire plus de 100 fois, elle connaît les pages par cœur, et en est au moins à la cinquième édition, les autres livres étant complètement démolis par les manipulations et, comme elle l’a toujours dans son sac de pilote, ça n’arrange pas le bouquin!!
    Je vais lui acheter la biographie, mais je ne suis pas certaine que ça va l’intéresser autant que la nouvelle édition et traduction qui vient de paraître….quoique, je vais lui acheter en anglais tiens, je n’y ai jamais pensé! Incroyable,
    Tu fais un rapprochement avec Colette, moi j’ai vu une ressemblance troublante avec Agatha Christy : même époque, même cheminement, même amour considérable ( hypnotique?)pour les maisons, (home donc foyer, plus important en anglais )mêmes eaux troubles dans leurs vies, même caractère indomptable et écrivaines prolifiques, et tout ceci grâce à la magnifique exposition sur Agatha, très fouillée, très documentée, qui avait lieu ici il y a peu de temps.
    Et comme toujours, merci cousine pour ces voyages imaginaires dans le temps et l’espace, cela bouscule et fait du bien à la cervelle!

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  3. Tatiana de Rosnay fait effectivement le parallèle avec évidemment les soeurs Brontë et Agatha Christie. Moi, je pensais à Colette pour sa volonté de vivre sa vie de femme comme bon lui semblait, en toute liberté. Je crois que la lire en anglais est uun plaisir incommensurable, d’autant que peu de livres ont été en réalité traduits en français et que Daphné qui parlait parfaitement le français n’était vraiment pas satisfaite des traductions. Sa traductrice attitrée chez Albin Michel prenait beaucoup trop de liberté en coupant par exemple des dizaines de pages et en édulcorant par un vocabulaire choisi la violence du texte original. J’ai acheté la toute nouvelle traduction française et je vais plonger dedans. Mais la bio de Tatiana est passionnante. Vicky Baum, ça me dit quelque chose, il me semble que j’avais lu un livre avec un fond d’opéra, je vais chercher! Après un été pourri, nous voici depuis 3 jours dans une vraie canicule, hier 41°C au soleil à 19h30 sur la grand-route… Alors, je décale tout. Il est 10h30 et j’ai déjà promené une heure le chien à la fraîche, je suis allée faire mes courses au supermarché, je les ai rangées, j’ai lancé une machine de linge et là, je bois un icetea bien frais en faisant une pause internet… mais pas d’inquiétude, lundi, il n’y aura plus que 20°C!

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