Un univers « bouleversifiant », vous annonce-t-on : promesse tenue!
C’est décalé, surréaliste, onirique et ça embarque même les plus réticents, dont j’étais.
De Dalí vivant, j’ai comme souvenirs des images d’un histrion qui voulait faire parler de lui au prix de provocations clownesques. C’était dans les années 70, et l’artiste avait été complètement occulté par ce personnage mondain invité des émissions de télévision qui pariaient sur ses outrances pour gonfler leur audimat.
L’expo présentée aux Guillemins (et prolongée jusqu’aux congés de Toussaint) a l’immense mérite de donner quelques clés pour s’initier à cet univers et pour y cheminer avec plaisir et intérêt.
Le comprendre, c’est autre chose!
Avant tout, Dalí ne peut être qu’Espagnol et un Catalan admiratif de l’oeuvre de Gaudí.
La première clé, tout d’abord le poids de l’enfance.
Dalí naît exactement 9 mois après le décès de son frère, il porte le même prénom et lorsque ses parents vont se recueillir sur la tombe de l’enfant, le petit Salvador y voit son nom, y contemple en quelque sorte sa propre mort… Elle devient une de ses obsessions. C’est dans ce contexte qu’il faut remettre les montres molles, symbole du temps qui passe avec une précision mathématique inéluctable et pourtant pas avec la même perception de la vitesse selon notre état psychique du moment.
Ou encore sa fascination pour l’Angélus de Millet, tableau interprété par certains comme le recueillement des parents sur la tombe de l’enfant qu’ils viennent d’enterrer.
Alors qu’il est en pleine adolescence, sa mère disparaît d’un cancer de l’utérus et son père se remarie presque dans la foulée avec la soeur de celle-ci… (ne jamais oublier que nos sommes dans l’Espagne très catholique des années 20). Voici cette fois les deux autres thèmes de cette première clé : la femme idéalisée (le mystère – les tiroirs et le visage nu – est sa vraie beauté), et une certaine vision de la sexualité (la licorne symbole phallique).
La deuxième clé: l’empreinte du surréalisme.
Dès 1929, son moteur sera Gala, épouse et muse dont la rencontre fut l’expérience la plus passionnante de sa vie.
Dalí découvre la psychanalyse et Freud, ce qui évidemment va influencer son inspiration.
Dalí a toujours eu une fascination pour les hommes de pouvoir : Napoléon, Lénine, Hitler, Franco, Mao. Ce qui lui vaudra son exclusion du cénacle surréaliste. Ami de Garcia Lorca et de Bunuel, il quittera l’Espagne lors de la guerre civile, se réfugiera en France puis aux États-Unis. Son oeuvre sera longtemps censurée mais cela ne l’empêchera pas plus tard d’accepter une décoration franquiste et de faire le portrait de la petite-fille du Caudillo…
Il connaîtra également une crise de mysticisme, nous léguant ainsi de véritables chefs-d’oeuvre.
La Cène devient psychédélique et nous y prenons part…
Ne figurant pas à l’expo, ce Christ de saint Jean de la Croix m’a toujours profondément émue, moi l’athée convaincue!
Impressionniste, cubiste, surréaliste, Dali est tout d’abord un admirateur des grands classiques comme Raphaël et Vermeer. Fabuleux dessinateur, il devient un étonnant touche à tout : peinture, sculpture, cinéma, théâtre.
Il y aura même cet étonnant projet de dessin animé, Destino, avec Walt Disney (concrétisé en 2003)
La troisième clé, ce sera le tourbillon de la célébrité, l’extravagance de celui que l’on surnomme Avida Dollars : son rapport à l’argent, aux medias et à la production de masse.
Un très beau parcours qui permet à tous de saisir l’essentiel de l’art de Dalí. À voir sans aucun doute!
Ub album photos tout au-dessus à gauche vous propose d’autres images. Quelques images car Dalí est inspirant!