Lait chaud

Voilà qu’il fait très frais depuis deux jours. Le temps automnal s’installe enfin et avec lui, l’envie d’une boisson chaude réconfortante, régressive. Pourquoi pas un lait chaud aromatisé à la cannelle, à la cardamome et au miel, un lait russe à la belge (teinté de café) ou un cappuccino à la mousse de lait ponctuée de poudre de cacao all’italiana ?

Ah, le lait ! une production pléthorique fin des années 70 en Europe qui a provoqué la création de toutes ces filières nous ayant inondés de crèmes desserts, de yaourts, de crèmes glacées industriels, créant une nécessité alimentaire pour rester soi-disant en bonne santé… Si les quotas laitiers de 1984 à 2015 ont tenté de tout réguler, que faire de la production malgré tout excédentaire ou impropre à la consommation pour raison sanitaire sans mener à la ruine les producteurs de bovins toujours traumatisés par la crise de la vache folle ?

C’est alors qu’une très vieille idée est revenue à la surface et fait désormais le buzz dans le monde de la mode tendance écologique : transformer le lait en une fibre textile.

L’idée n’est pas neuve : début du 20ème siècle, le chimiste allemand Frederick Todtenhaupt tenta de transformer les sous-produits du lait en une sorte de soie. Sans vrai succès.

Après l’invasion de l’Éthiopie et son emploi d’armes chimiques, l’Italie de Mussolini se trouve isolée (la SDN tentant d’éviter son rapprochement avec l’Allemagne nazie) et cherche des filières amenant l’auto-suffisance.

Le groupe futuriste de Filippo Tommaso Marinetti, né à la même époque que la découverte de Todtenhaupt, finit par envisager que le lait est un des tissus de l’avenir. Pas si fou que cela, car la laine est une protéine tout comme comme la caséine, protéine du lait. À charge aux chimistes de traiter cette caséine pour lui donner la texture de la laine !

Ainsi naît le Lanital développé entre 1937 et la fin de la 2ème Guerre Mondiale.

C’est la société SNIA Viscosa qui développe cette fois la découverte d’Antonio Ferretti. Un fil très proche de la laine, doux, chaud, inattaquable par les mites ; mais peu résistant à l’usure et par temps humide, développant certaines odeurs aigres.

Et comme toujours en Italie, la mode joue son rôle!

À la même époque, une fibre similaire est développée par les Atlantic Research Associates Inc. aux États-Unis. Dans l’Italie d’après-guerre, le produit est relancé sous le nom de Merinova mais les fibres synthétiques l’évincent définitivement.

Définitivement ? Pas si sûr! Viennent les années 2000 et les intolérances aux fibres synthétiques mais aussi à la laine ; l’idée naissante de l’empreinte écologique d’un produit biologique et biodégradable. On l’utilise alors pour le linge de maison. Aujourd’hui, cette fibre naturelle, bio, compostable et recyclable combine des qualités antibactériennes, antifongiques, hypoallergiques et antistatiques qui conviennent aux linges pour bébés et ceux en contact avec les malades.

Et la mode emboîte le pas. De nombreuses marques comme Qmilk, Milk serie et Duedilatte combinent désormais la fibre de lait avec le coton, le mérinos et le cachemire. La fibre naturelle simple est, elle, appréciée pour la confection de sous-vêtements hypo-allergiques.

Faire du neuf avec du vieux ; utiliser des techniques développées par un régime fasciste pour viser l’empreinte écologique minimale ; valoriser le travail de la filière du lait par une métamorphose éthique et innovante de l’industrie de la mode. Pas si mal !

Merci, les filles, vous êtes les vraies stars!