Brigue ! une Sixtine…
Une Sixtine dont on a pris des nouvelles de partout après le passage de la tempête Alex au début octobre 2020 dans le Mercantour ; la Vallée des Merveilles et notamment la Roya étant défigurées à tout jamais… La voici, « la Sixtine des Alpes-Maritimes » tellement humble de l’extérieur : la chapelle Notre-Dame des Fontaines, sauvée de l’eau dévastatrice alors qu’elle fut érigée fin du Moyen Âge pour la faire revenir après qu’un tremblement de terre eut tari toutes les sources alentour.


Modeste (10 m sur 16) avec un porche ajouté plus tard pour protéger les fidèles qui ne pouvaient trouver place à l’intérieur de ce lieu de pèlerinage situé à la frontière franco-italienne et à 4km du village de La Brigue, halte avant le col de Tende sur la route du Sel. Elle doit son surnom de « Sixtine » non pas par son époque (on la rapproche plutôt de Giotto et de la chapelle des Scrovegni à Padoue) mais bien parce qu’elle est à l’intérieur décorée du sol au plafond sur 220m².
On y entre, le lieu est sombre car peu d’ouverture et soudain mille personnages vous sautent aux yeux : « C’est un peu comme au cinéma, on reste scotché, sidéré ; c’est assez violent ! ça montre la peur du diable et des trucs interdits comme l’intérieur des corps » explique un guide.





Selon certains documents, cette incroyable décoration fut exigée par Marguerite, veuve du comte de Tende empoisonné par son intendant. Elle accusa les seigneurs de La Brigue d’être les commanditaires du crime, les emprisonna et exigea une rançon exorbitante. Puis elle y renonça à condition que la paroisse embellisse la chapelle pour la somme équivalente. Une souscription et une aide de la banque San Giorgio de Gênes auraient permis de réunir la somme. Enquête faite, aucun document bancaire n’atteste cette version. On se tourne donc plutôt vers le versement d’aumônes recueillies pendant les pèlerinages. Au cours des restaurations du 16ème siècle, on découvrit une inscription citant « Ioanes Canavesio pictore 1492 ». Giovanni Canavesio, peintre piémontais (1450?-1500?) travailla très souvent avec Giovanni Baleison (1463?-1492?) et ils se partagèrent ici le travail.
On y découvre des fresques dépeignant la Passion du Christ.



Un arc triomphal dédié à la vie de Marie


Au revers de la façade, un impressionnant Jugement dernier « une vraie bande dessinée avec les bons et les méchants, une lecture naïve qui devait marquer les esprits »




Des scènes saisissantes qui font notamment penser à Jérôme Bosch et Van Eyck.
Aux 17ème et 18ème siècles, La Brigue fut épargnée par la peste (qui fit environ 10.000 victimes à Tende toute proche) et évita également les exactions de différentes armées de la Maison de Savoie et du royaume de France. En reconnaissance, les habitants décidèrent d’embellir la chapelle et de remplacer la couverture en charpente par une nef en voûte ornée par les fresques de Gaetano Ruffi.


Certains peuvent penser que cet ajout rococo cadre mal avec le reste mais cette chapelle est le résultat d’une histoire forte de plusieurs siècles dont il ne faut rien rejeter.
Les peintures du choeur avaient été cachées par un badigeon de plâtre et des centaines d’ex-votos. C’est en 1959 qu’un ouvrier un peu maladroit cassa par mégarde le plâtre et permit de révéler les superbes fresques de la vie de Marie.
Depuis, différentes campagnes de restauration eurent lieu mais les 500 millimètres de pluie qui s’abattirent sur la chapelle lors de la tempête de 2020 la rendent aujourd’hui vulnérable. Croisons les doigts pour qu’on puisse définitivement sauvegarder cet incroyable joyau perdu au fond d’une vallée alpine.

Et si vous passez sur les hauteurs de Nice, n’hésitez pas à vous arrêter!
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